Archives de catégorie : T15 – ccd eed

Du Sonnet tant vanté par le fameux Boileau, — 1814 (1)

–  J. Blondeau (de Commercy) in Almanach des Muses

Sonnet à Madame P***

Du Sonnet tant vanté par le fameux Boileau,
Je voudrais, en ce jour, ressusciter la gloire.
Bientôt on reverrait, si l’on voulait m’en croire,
La Ballade briller, ainsi que le Rondeau.

Le noble Chant Royal, que l’on trouvoit si beau,
Parmi nous reviendrait célébrer la victoire,
Aux faits de nos guerriers, faits dignes de mémoire,
La pompe donnerait un lustre tout nouveau.

Du Lai, du Virelai, des simples Vilanelles,
Reparaîtraient aussi les grâces naturelles;
Le Triolet plairait pour sa naïveté.

Du Dieu de l’Hélicon s’accroîtrait la richesse;
Et désormais amis, sur les bords du Permesse,
L’ennui ne naîtrait plus de l’uniformité.

Q15 – T15 s sur s

Dans l’Almanach des Muses, cette plainte sur la décadence du sonnet, première occurrence d’une longue série de ‘sonnets sur le sonnet’

Dévoré du poison de la mélancolie, — 1812 (1)

Jean-Hubert Hubin Poésies diverses

Sonnet sur la paix

Dévoré du poison de la mélancolie,
Nourri dans les chagrins, accablé de travaux,
Je pleure le passé; le présent m’humilie;
Et du triste avenir je redoute les maux.

La flatteuse espérance à mon âme est ravie.
Mes jours sont ténébreux et mes nuits sans pavots,
Je traîne en murmurant le fardeau de la vie,
Et de l’éternité j’invoque le repos.

Quel changement soudain! au milieu d’une nue
La paix, la douce paix apparaît à ma vue,
Et le calme renaît dans mon coeur abattu.

O fille de Thémis! divinité prospère!
Fixe enfin à jamais ton séjour  sur la terre;
Ramène les plaisirs, les moeurs et la vertu.

Q8 – T15

Sire, /D’un enfant bien chéri long-temps avant de naître, —1811 (1)

de Meulenaer

Sonnet pour féliciter S.M. l’empereur

Sire,
D’un enfant bien chéri long-temps avant de naître,
Le sexe désiré répond à tes souhaits.
Partout la joie éclate, et te donne à connoître
Que ton Fils est déjà l’espoir de tes sujets.

L’Empire sous la loi d’un sage et puissant maître,
Voit son destin fixé! Sa splendeur, à la paix,
Ne pourroit augmenter. Qui voudroit méconnoître
Que le ciel t’aie élu pour remplir ses décrets?

Monarque fortuné, l’univers te contemple!
A toi seul tout sourit! Ton bonheur sans exemple,
Aux peuples étonnés paroît surnaturel.

J’admire tes succès! permets cet humble hommage
Pour toi, pour ta compagne et pour le premier gage
Du plus brillant hymen qu’ait béni l’Eternel.

Q8 – T15

En dépit de la grande banalité du texte et de sa forme, l’oeuvre de de Meulenaer vaut par ce fait curieux que les nécessités de l’adresse à un personnage aussi majestueux que Napoléon l’amènent à une innovation qui aurait pu être reprise et amplifiée: l’introduction, dans le texte du poème, et extérieurement aux quatorze vers, d’un ou plusieurs mots; ici le mot ‘Sire’.

Que ta loi, Dieu puissant, est douce et consolante ! — 1809 (2)

J.M.Mossé Poésies

Sonnet religieux

Que ta loi, Dieu puissant, est douce et consolante !
Elle fait oublier le plus rigoureux sort ;
Et mon âme, en souffrant du mal qui la tourmente,
S’élance jusqu’à toi par un sublime effort.

Quel est l’être insensé, dont l’humeur insolente
Ose nier son Dieu, se croyant esprit-fort ?
N’entend-il pas sans cesse une voix menaçante
Qui lui dit : Vain Mortel ! tremble ! voici la mort ! –

J’idolâtre tes lois ; tes décrets sont trop justes
Pour faire murmurer de tes pouvoirs augustes ;
Et je bénis les maux qui m’accablent toujours.

J’ai péché, je le sais, grand Dieu, je le confesse ;
Pardonne à ton enfant, qui vit dans la détresse,
Et vient le consoler par ton divin secours.

Q8  T15

L’amour m’enlève au Dieu des Vers; — 1809 (1)

A. Antignac Chansons et poésies diverses

Sonnet en réponse à quelqu’un qui me reprochait ma paresse

L’amour m’enlève au Dieu des Vers;
Mon silence est bien légitime;
Quand la raison est à l’envers,
On ne doit plus chercher la rime.

Pour son honneur et pour le mien,
Ma muse un instant se repose,
Les amateurs n’y perdront rien,
Et j’y gagnerai quelque chose.

Si la gloire a beaucoup de prix,
Je sens qu’un coeur vraiment épris
N’est pas le moins heureux du monde.

Apollon cependant me plaît:
Mais ce Dieu-là, tout blond qu’il est,
Ne vaudra jamais une blonde.

Q59 – T15 – octo

J’ai huit pieds, cher lecteur, et mon tout fait pour plaire —1808 (7)

P.J. Charrin Mes loisirs ou Recueil de poésies

Logogriphe A Mademoiselle *** A ***

Sur son nom

J’ai huit pieds, cher lecteur, et mon tout fait pour plaire
S’il s’offrait à tes yeux maîtriserait ton coeur.
Tu me nommes souvent pour peindre ton bonheur,
J’habite en même temps et les cieux et la terre.

Cherche, et tu trouveras, en me décomposant
D’un peuple quel qu’il soit la moins brillante classe,
Un meuble précieux, duquel on ne se passe
Sans qu’on y soit contraint par un événement.

Un arbre, un des quartiers de cette grande ville,
Une substance amère, et parfois très-utile,
Un endroit isolé, défendu par les eaux,

Le corps le plus vaillant, le plus beau d’une armée,
Enfin, un de ces jours dont l’enfance est charmée,
Et qui furent toujours consacrés au repos.

Q63 – T15

On a affaire ici à un de ces jeux de société dont le dix-huitième siècle fut friand. (Je renvoie à l’indispensable ouvrage de Claude Gagnaire ‘Pour tout l’or des mots‘, pour la définition du logogriphe).

Solution due à Alain Chevrier:

J’ai huit pieds, cher lecteur, et mon tout fait pour plaire
S’il s’offrait à tes yeux maîtriserait ton coeur.
Tu me nommes souvent pour peindre ton bonheur, = FéLICITÉ
J’habite en même temps et les cieux et la terre. = FéE (ou ELFE ?)

Cherche, et tu trouveras, en me décomposant
D’un peuple quel qu’il soit la moins brillante classe = LIE
Un meuble précieux, duquel on ne se passe
Sans qu’on y soit contraint par un événement: = LIT

Un arbre, = IF un des quartiers de cette grande ville = CITÉ,
Une substance amère = FIEL et parfois très-utile,
Un endroit isolé, défendu par les eaux, = ILE

Le corps plus vaillant, le plus beau d’une armée, = ÉLITE
Enfin, un de ces jours dont l’enfance est charmée, = FêTE
Et qui furent toujours consacrés au repos.

En résumé :
Félicité : fée (ou elfe), lie, lit, cité, fiel, île, élite, fête.

Visite, douce paix ! la vallée épineuse — 1808 (4)

Stanislas de Boufflers Recueil de Poésies, extraits des ouvrages d’Hélène-Maria Williams, ….

Sonnet sur la paix de l’ame

Visite, douce paix ! la vallée épineuse
Que je parcours pensive, en l’arrosant de pleurs,
Loin des sentiers riants où la jeunesse heureuse
D’un pied léger foule des fleurs ;

Ainsi que mon bonheur, que le jour disparaisse,
Que la nuit sur le monde étende un voile noir ;
Le jour, la nuit verront mes pleurs couler sans cesse :
Mais que servent les pleurs au chagrin sans espoir ?

Heureuse paix de l’ame ! en vain je te conjure ;
Quand l’hiver orageux consterne la nature,
On n’obtient pas du ciel de se montrer plus beau :

Ma vie est cet hiver : mais, contre la tempête,
Il est un abri pour ma tête ;
Et cet abri, c’est le tombeau.

Q59 – T15 – 2m:octo: v.4,13,14

(a.ch) L’auteur a en tête, sans doute, les discours en vers à rimes mélées de son temps.

Agent trop criminel du tyran Robespierre, — 1806 (1)

Alexandre Sonnerat Collection complète des œuvres de poésie

Sonnet à Collot d’Herbois, d’exécrable mémoire

Agent trop criminel du tyran Robespierre,
Bourreau de mon pays, infâme dictateur !
Avant de terminer ta coupable carrière,
Laisse entrer un moment le remords dans ton cœur !
Contemple, malheureux, la suite de tes crimes !
Vois le Rhône frémir et reculer d’horreur !
Ses flots ensanglantés ont roulé tes victimes
Vivant pour la patrie et mourant pour l’honneur.

Des sifflets de Lyon ton injuste partage
Tu voulus te venger dans ta jalouse rage ;
Tu fis couler le sang pour flatter ton orgueil ;
Pour prix de tes forfaits quand la hache fatale
Viendra s’appesantir sur ta tête infernale
Un bravo général fermera ton cercueil.

Q38  T15  disp 8+6

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M.Restaut : Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise –(première éd. 1748) Du Sonnet – Nous n’avons rien de plus beau dans notre poésie que le Sonnet, quand il est bien exécuté. les pensées doivent y être nobles et relevées, les expressions vives et harmonieuses ; et l’on n’y souffre rien qui n’ait un rapport essentiel à ce qui en fait le sujet. Mais il est assujetti à des regles si gênantes, qu’il est très-difficile d’y réussir, et que nous en avons fort peu de bons.

Il est composé de quatorze vers, toujours de la même longueur, et pour l’ordinaire de douze syllabes, quoiqu’on en fasse quelquefois de dix, et même de huit et de sept. Mais ils ont moins de beauté et d’harmonie.

Ces quatorze vers sont partagés en deux quatrains et un sizain.

Les deux quatrains doivent avoir les rimes masculines et féminines semblables, que l’on entremêle dans l’un de la même manière que dans l’autre.

Le sizain commence par deux rimes semblables, et il y a après le troisième vers un repos qui le coupe en deux parties que l’on appelle Tercets, c’est à dire, stances de trois vers.

Il faut éviter autant qu’il est possible, que le mêlange des rimes dans les quatre derniers vers du sizain, soit le même que dans les quatrains. …..

Voici un sonnet qui exprime la nature du sonnet même
Doris qui sait qu’aux vers quelquefois je me plais,
Me demande un sonnet, et je m’en désespère.
Quatorze vers, grand Dieu ! le moyen de les faire ?
En voilà cependant déjà quatre de faits.
Je ne pouvois d’abord trouver de rimes, mais
En faisant on apprend à se tirer d’affaire.
Poursuivons, les quatrains ne m’étonneront guere,
Si du premier tercet je peux faire les frais.
Je commence au hasard, et si je ne m’abuse,
Je n’ai pas commencé sans l’aveu de ma muse,
Puisqu’en si peu de temps je m’en tire si net.
J’entame le second, et ma joie est extrême :
Car des vers commandés j’achève le treizième.
Comptez s’ils sont quatorze ; et voilà le sonnet.
Regnier Desmarais (1708) ; ‘imité  de Lope deVegue’

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Ainsi donc ta valeur te fait monter au trône! — 1805 (1)

Michel de Cubières (jeune) Traduction d’un sonnet de Luigi Tardi

Imitation

Ainsi donc tavaleur te fait monter au trône!
Ainsi NAPOLEON que le peuple couronne,
Ne doit qu’à ses talens son Empire nouveau:
Il est de son pays le guide et le flambeau,
Il s’est créé lui-même: ô prodige héroïque!
L’histoire, dont la tâche est d’être véridique,
Aux travaux de César préfère ses travaux;
Pour lui la poésie apprête ses pinceaux;
Et déjà l’Italie, en grands hommes féconde,
Aime à le regarder comme un maître du monde.

Reçois le diadême, et que l’esprit divin
T’inspire ô mon héros! L’amour du genre-humain.
De ton couronnement les pompes magnifiques
Te mettent sur la terre au-dessus d’un mortel;
Mais souviens-toi toujours, du haut de ton autel,
Que les Rois les plus grands sont les Rois pacifiques.

aabbccddee – T15 – disp: 10+6 – 16v – tr

Michel de Cubières récidive (cf 1801.1), avec cette Traduction d’un sonnet de Luigi Tardi – Alla sacra Maestà di Napoleone – « Figlio di tuo sapere, della Vittoria / diletto …. » . Il ne respecte toujours pas la forme de son modèle, mais fait un effort pour échapper à la platitude (dans la disposition des rimes, uniquement) avec un dernier quatrain à rimes embrassées (deed). Le placement des vers dans la page (dizain plus sixain, tous deux alignés) est anomal.

Une épigramme-charade  de Rivarol « Avant qu’à mon dernier mon tout se laisse choir / Ses vers à mon premier serviront de mouchoir »
Oeuvre poétique: Les hochets de ma jeunesse
Pendant la Révolution, il composa 36 hymnes civiques sur les 36 décadis de l’année, et un poème sur le calendrier républicain
Son frère aîné, le marquis de Cubières a écrit L’Histoire des coquillages de mer et de leur amours

L’espérance est pour l’homme un filtre merveilleux; — 1802 (1)

Don Juan Laurencin Fables et poésies diverses

Sonnet

L’espérance est pour l’homme un filtre merveilleux;
Otez à son esprit l’élan de l’espérance,
Et l’homme doit haïr sa pénible existence;
Par l’espérance il peut quelquefois être heureux.

Trompé le plus souvent dans l’objet de ses voeux,
Le bonheur lui sourit dans la moindre apparence,
Le sort aggrave-t-il aujourd’hui sa souffrance?
Il s’en consolera; demain il ira mieux.

Triste condition! L’homme de sa misère,
N’a pour soulagement qu’une pure chimère.
Rendons grâces au ciel cependant de l’avoir.

Ne m’abandonne point aimable enchanteresse,
J’aime à vivre avec toi dans une douce ivresse,
Il ne reste plus rien, quand on n’a plus d’espoir.

Q15 – T15

Exemple d’une disposition de rimes qui a été très présente dans les premiers sonnets en langue française au 16ème siècle. Elle est due à Marot. C’est celle de la plupart des sonnets des Amours de Ronsard. Le sonnet français du 19ème siècle en a hérité. Le poème est en alexandrins. La suite des rimes se décrit ainsi: abba abba ccd eed