Archives de catégorie : T15 – ccd eed

Non, non, votre secret n’était pas un mystère. — 1899 (15)

Louis Fréchette Mémoires de la Royal Society of Canada, Section française t.5

Réponse au sonnet d’Arvers

Non, non, votre secret n’était pas un mystère.
Cet amour éternel discrètement conçu,
Vous avez, ô poète, eu grand tort de le taire:
Celle que vous aimiez l’a toujours fort bien su.

Vous n’avez point passé près d’elle inaperçu;
Votre âme à ses côtés n’était pas solitaire;
Mais vous avez perdu votre temps sur la terre:
N’osant rien demander, vous n’avez rien reçu.

Les femmes ont le coeur aussi subtil que tendre:
Pas une, soyez sûr, qui marche sans entendre
Le moindre des soupirs exhalés sur ses pas.

À l’instinct de leur sexe uniquement fidèles,
Des centaines, croyant vos vers tout remplis d’elles,
Raillaient votre silence… et ne vous plaignaient pas.

Q10  T15 – arv

Les seigneurs blancs couchés dans leurs corsets de marbre, — 1899 (5)

Remy de Gourmont

Le soir dans un musée

Les seigneurs blancs couchés dans leurs corsets de marbre,
Larves que le soleil mène à l’éternité?
Ces colonnes vêtues de lierre comme des arbres,
Ces fontaines qui virent sourire la beauté?

Les évêques de cire à la mitre de cuivre,
Les mères qu’un enfant fait penser au calvaire,
L’angoisse de l’esclave, l’ironie de la guivre,
Diane, dont les seins se gonflent de colère?

Cette femme aux longues mains pâles et douloureuses?
Ces beaux regards de bronze, ces pierres lumineuses
Qui semblent encore pleurer un amour méconnu?

Non, soumis au désir qui m’écrase et me charme,
Je ne voyais rien dans l’ombre pleine de larmes
Qu’une main mutilée crispée sur un pied nu.

Q59 – T15 – m.irr

Dans les trompes d’argent, ô fanfares, sonnez ! — 1898 (22)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Sonnetistes, à l’œuvre !

Dans les trompes d’argent, ô fanfares, sonnez !
Qu’à vos bruyants appels ne résiste personne,
Car les épis sont mûrs et la moisson foisonne ;
Sonnetistes, à l’oeuvre ! Allez et moissonez !

Prenez tous votre essor, ô chantres des sonnets,
En rhythme éolien que le luth d’or résonne
L’essaim ailé des vers autour de vous frissonne,
Dans deux quatrains égaux l’un à l’autre enchaînés.

Au cliquetis joyeux de leur double cadence,
Secouant les grelots de la rime qui danse,
Les tercets accouplés chantent à l’unisson

Sonnetistes, laissez s’accoupler vos pensées,
Avec des nœuds de fleurs l’une à l’autre enlacées,
Et mariez toujours l’idée avec le son.

(J.B.Gaut)

Q15 T15  s sur s

Comme au bonhomme La Fontaine, — 1898 (21)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Pourquoi des sonnets

Comme au bonhomme La Fontaine,
Les longs ouvrages me font peur :
A mon esprit de courte haleine
Convient un facile labeur.

Pourtant je ne crains pas la peine,
Et je ne suis pas sans ardeur ;
Mais de la source d’Hippocrène
Par gouttes ne vient la liqueur.

Non plus qu’à nos anciens trouvères,
Il ne me faut pas de grands verres
Pour trinquer avec Apollon.

Du Sonnet la faible mesure
Suffit pour rendre mon allure
Titubante au sacré vallon.

(A. Boursault)

Q8 T15 octo  s sur s

L’Apologue est indien ; — 1898 (16)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Le sonnet est limousin

L’Apologue est indien ;
L’Attique trouve le Drame ;
L’Elégie est de Pergame ;
Le Poème est rhodien.

Un berger arcadien
Composa l’Epithalame ;
L’inventeur de l’Epigramme
Fur le barbier lydien.

Enna fit parler Tityre ;
Rome conçut la Satire ;
Byzance orna le Dizain ;

La Ballade est allemande ;
La Villanelle, normande ;
Et le Sonnet, limousin !

(Abbé Joseph Roux)

Q15  T15  7s  s sur s

Dans sa forme attrayante, avec art modelée, — 1898 (15)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Le sonnet

Dans sa forme attrayante, avec art modelée,
Nous aimons le sonnet, concis et gracieux.
Nous le voulons parfait : accents hamonieux,
Œuvre finement ciselée.

Elevant son essor vers la voute étoilée,
Dont les astres sans nombre éblouissent nos yeux,
Ainsi que l’ode il peut, dans l’infini des cieux,
Monter sur une stance ailée.

Souvent le cœur y parle un langage charmant ;
L’esprit en fait jaillir comme d’un diamant
Les plus brillantes étincelles.

Oui, c’est un joyau rare, une perle, un trésor …
Avouons-le pourtant : c’est une cage d’or
Où n’entrent pas les grandes ailes.

(Léon Magnier)

Q15  T15  s sur s –  2m (octo 4-8-11-14

Voulant te rogner l’aile, ô libre poésie ! — 1898 (14)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Voulant te rogner l’aile, ô libre poésie !
Un sévère critique et peu lyrique auteur
Soutint que le sonnet est une œuvre choisie
Dont rien ne peut, en vers, atteindre la hauteur.

Maintenant, pour Boileau, pédant législateur,
Nous ne témoignons pas beaucoup de courtoisie :
Nous l’appelons perruque, et du vieux radoteur
Nous raillons volontiers la docte fantaisie.

Nos poètes du jour, il est vrai, sont plus forts.
Ils maîtrisent la langue et riment sans efforts.
Le métier ne voit plus l’ouvrage de la veille.

Quant à moi, pour finir le travail que voici,
Mon cerveau n’a pas eu grand’peine, Dieu merci !
Et j’avoue humblement n’avoir pas fait merveille.

Q11  T15  s sur s

Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème, — 1898 (13)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

« Un sonnet sans défaut »

Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème,
A dit certain gâteux du temps du roi-soleil.
Un bon sonnet, pour moi, c’est une joie extrême,
Un régal délicat, un bijou sans pareil.

J’ai pâli bien souvent, ami, sur ce problème :
Faire aussi mon sonnet ! A l’horizon vermeil
Un rêve me montrait une pensée, un thème,
Qui s’évanouissait souvent à mon réveil.

Quand, revenant à moi, je saisissais la plume,
Pour fixer ce croquis estompé dans la brume,
Hélas ! de mon esprit le vent l’avait banni.

Aussi, sans plus chercher, je me tais, j’y renonce,
Ce n’est pas un sonnet qui sera ma réponse.
Tiens ! – mais, sans y songer, mon sonnet est fini.

(Ernest Lacoste)

Q8  T15  s sur s

Mon âme à fonds secrets pleure le ministère — 1898 (8)

Jean Goudezki Hercule ou la vertu récompensée

Sonnets des revers

Mon âme à fonds secrets pleure le ministère
Le pouvoir éternel en un moment conçu.
Le mal n’est pas bien rare et je pourrais le taire,
Car si je fus ministre on n’en avait rien su.

Ainsi j’aurai passé, ministre inaperçu
Aussi triste qu’un ver et non moins solitaire,
Et je vais retourner à mes pommes de terre,
Ayant tout demandé et n’ayant rien reçu.

L’électeur, quoique Dieu l’ait fait naïf et tendre,
Va peut-être, à présent, m’oublier, sans entendre
Les appels au scrutin placés dessous ses pas.

A l’austère devoir correctement fidèle,
Le Président va dire en lisant la nouvelle:
« Quel était ce monsieur? » et ne comprendra pas …

Q10 – T15 – arv

Je t’attends samedi, car, Alphonse Allais, car — 1898 (6)

Jean Goudezki Hercule ou la vertu récompensée

Invitation
sonnet olorime

Je t’attends samedi, car, Alphonse Allais, car
A l’ombre, à Vaux, l’on gèle. Arrive. Oh ! la campagne !
Allons – bravo ! – longer la rive au lac, en pagne ;
Jette à temps, ça me dit, carafons à l’écart.

Laisse aussi sombrer tes déboires, et dépêche !
L’attrait (puis, sens !) : une omelette au lard nous rit,
Lait, saucisse, ombre, thé des poires et des pêches,
Là, très puissant, un homme l’est tôt. L’art nourrit.

Et, le verre à la main, – t’es-tu décidé ? Roule –
Elle verra, là mainte étude s’y déroule,
Ta muse étudiera les bêtes et les gens !

Comme aux dieux devisant, Hébé (c’est ma compagne)…
Commode, yeux de vice hantés, baissés, m’accompagne…
Amusé tu diras :  » L’Hébé te soûle, hé ! Jean !  »

Q62 – T15