Archives de catégorie : T15 – ccd eed

Des bavards je suis revenu; — 1879 (10)

– (Philibert Le Duc, ed) Sonnets curieux et Sonnets célèbres.

Profession de foi

Des bavards je suis revenu;
C’est pourquoi de ma république
Je bannis tout poëte épique.
Pour Voltaire, c’est convenu;

Et lui-même, le grand classique,
Homère m’a toujours déplu,
J’en fais l’aveu très ingénu,
Par sa longueur kilométrique.

Parlez-moi de quatorze vers,
Fussent-ils forgés de travers;
Etre sobre est ma loi suprême;

Et m’est avis que mon sonnet
Bien que clochant un tantinet,
Ennuira moins qu’un long poëme.

de Berluc-Perussis

Q16 – T15 – octo – s sur s

A Pistoie, en m’éveillant — 1879 (9)

– (Philibert Le Duc, ed) Sonnets curieux et Sonnets célèbres.

Italiam! Italiam!

A Pistoie, en m’éveillant
Un prurit soudain m’offusque;
Certain insecte grouillant
Vint-il pas se poser jusque

Où mon cou est plus saillant.
Je le saisis d’un air brusque!
Mais je dis en souriant:
« Hé! C’est la punaise étrusque!!

Petit insecte rageur,
Je ne suis qu’un voyageur,
Cherche ailleurs, cherche ta voie! »

Je dis, et posai sans bruit
Dessus la table de nuit
La punaise de Pistoie!

Charles Monselet

Q8 – T15 -7s

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille — 1879 (3)

Albert GlatignyOeuvres

Sonnets spartiates, II

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille
Bien mieux que ces combinaisons
Qu’un chef alambique et travaille
Ainsi qu’Enili ses poisons,

Sur le banc de bois où me raille
Le merle chantant aux buissons,
Le cabaret et sa muraille
Que charbonnent les polissons.

Là, je vois des vins populaires
Où Suresnes met ses colères
Et qui font le nez bourgeonné,

Et, pour irriter la fringale,
Cyniquement je me régale
D’un plat de hareng mariné.

Q8 – T15 – octo

Les homards affamés hurlaient dans leur prison; — 1879 (1)

Albert GlatignyOeuvres

Monselet dévoré par les homards

Les homards affamés hurlaient dans leur prison;
Leurs yeux inquiétants avaient des lueurs fauves,
Leurs compagnes au fond des humides alcôves
Semblaient fuir le soleil sanglant à l’horizon.

Les huîtres tressaillaient, en proie au noir frisson;
Les scorpions de mer s’accrochaient aux rocs chauves,
Et toi, Foi qui toujours nous gardes et nous sauves,
Tu te heurtais le front à la sombre cloison. `

Quand Monselet tomba dans l’abîme, les masques
Des monstres de la mer devinrent effrayants,
Et l’on vit s’allumer des regards flamboyants.

Mais la clémence sied aux homards monégasques,
Et ces martyrs que guette un cuisinier cruel
Venaient lécher les pieds du nouveau Daniel.

Q15 – T15

C’est le premier de l’an, mignonne — 1878 (9)

? in Revue de la Société littéraire de l’Ain

Caprice de jeune fille

C’est le premier de l’an, mignonne
Je suis prêt à combler tes vœux.
A tes désirs je m’abandonne,
Quand je saurai ce que tu veux.

Que faudra-t-il que je te donne ?
Veux-tu quelques chiffons soyeux?
A des journaux vraiment joyeux
Préfères-tu que je t’abonne ?

Veux-tu des livres, mon trésor ?
J’en ai de tout chamarrés d’or
Choisis dans ma bibliothèque.

Veux-tu poser pour nos portraits ?
-Non, dit la fille; je voudrais
Voir guillotiner un évêque.

Q9  T15  octo

Une rousse qui m’aime et s’appelle Honorine, — 1878 (8)

P(aul) Darasse Laeta & moesta

Honorine

Une rousse qui m’aime et s’appelle Honorine,
Excusez son prénom – m’a dit : Tu fais des vers,
Que n’en fais-tu pour moi ? Bien sûr, je t’abomine,
Si je n’ai pas de toi un sonnet, gros pervers !

Eh bien, si je croyais qu’elle tînt sa parole,
Pour m’en débarrasser je refuserais net
Et la prendrais au mot ; mais je sais que la folle
M’adorerait quand même, oui, monsieur, sans sonnet.

Car c’est un vrai caniche, un lierre ; elle est fidèle
Au point que je voudrais, comme un rare modèle,
Qu’on la fît empailler ou mettre en un bocal !

Tiens, mais je m’aperçois qu sans y prendre garde,
Voilà mon sonnet fait ! Parbleu, je le lui garde ;
Elle se fâchera, mais ça m’est bien égal !

Q59  T15  s sur s

Puisque le feu sacré dans mon coeur se réveille, — 1878 (5)

F. Cousin (de la Bassée) Dans la charmille

UN SONNET.

Puisque le feu sacré dans mon coeur se réveille,
Muse, à l’oeuvre, je veux trouver sous mon bonnet…
Trouver, devinez quoi?… quel caprice! un sonnet,
Dussé-je prolonger jusqu’au matin ma veille !

Notre grand maître à tous, Boileau, qui s’y connaît,
Nous dit que deux quatrains de mesure pareille,
Où la rime à deux sons frappe huit fois l’oreille,
Suivis de deux tercets distincts, font le sonnet.

Il faut que ces tercets, ajoute-t-il encore ,
Séparés par le sens, aient un rhythme sonore,
Avec un vers final, piquant, inattendu.

Voilà presqu’un sonnet ; c’en est un, sans nul doute,
Du Parnasse, ma foi, je reconnais la route
Que parcourait jadis l’auteur du Temps perdu (*).

(*) Titre d’un volume de poésies de l’auteur.

Q16  T15  s sur s

Mon corps n’a que cinq pieds, mais il a de l’ampleur; — 1878 (3)

Charles Soullier Mes sansonnets

La grande cité, sonnet logogriphe

Mon corps n’a que cinq pieds, mais il a de l’ampleur;
Car il peut contenir quinze enfants dans son coeur.
D’abord: – sur deux, je suis une note en musique;
– Un vin délicieux; – une monnaie antique.

Sur trois: – un établi; chez l’Anglais le mot sieur;
– Un tissu sans duvet; – une trace légère;
– Un élément de vie; – une mesure agraire;
– La colère; un sourire agréable ou moqueur.

Puis que quatre: – un vieux membre à la législature;
– Des rayons; – ce qui fit l’objet d’une gageure;
– Et jadis en Egypte une divinité.

Mais quelles sont ma gloire et mes vertus divines?
Les voici, car il faut, lecteur, que tu devines:
En cinq lettres je suis une grande cité.

Q21 – T15

Logogriphe (petit Larousse compact 2000): « Enigme dans laquelle il fau deviner un mot à partir duquel on compose d’autres mots qu’il faut deviner aussi. » La solution de celui-ci, sans doute évidente, m’échappe.(a.ch) propose la solution suivante:
Mon corps n’a que cinq pieds = 5 lettres, mais il a de l’ampleur;
Car il peut contenir quinze enfants = 15 mots dans son coeur.
D’abord: – sur deux, je suis une note en musique = SI- Un vin délicieux = AÏ – une monnaie antique = ASSur trois: – un établi = AIS ; chez l’Anglais le mot sieur = SIR- Un tissu sans duvet =  RAS – une trace légère = RAI ?– Un élément de vie :  AIR – une mesure agraire : PAS– La colère = IRA; un sourire agréable ou moqueur = RIS – Puis que quatre: – un vieux membre à la législature : PAIR-  Des rayons = RAIS – ce qui fit l’objet d’une gageure : PARI- Et jadis en Egypte une divinité = APIS- Mais quelles sont ma gloire mes vertus divines?
Les voici, car il faut, lecteur, que tu devines:En cinq lettres je suis une grande cité = PARISEN
résumé :Paris, en cinq lettres, peut contenir quinze mots : si, Aï, as, ais, sir, ras, rai (?), air, pas, ira, ris, pair, pari, Apis, Paris.

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde — 1878 (2)

Charles Soullier Mes sansonnets

Le Siècle du Sonnet ou Les sept ages du monde à partir de l’age d’or jusqu’à nos jours

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde
Qui, jeune encore alors, n’était qu’à son printemps,
Avait pour tout habit sa chevelure blonde:
Mais un soleil si pur ne brilla pas longtemps.

Deux mille ans avaient fuit sur la terre et sur l’onde,
Quand le siècle de fer, grâce au progrès du temps,
Saluant de Papin la science profonde,
Découvrit la vapeur aux longs spireux flottants!

Après, vint au galop le siècle des lumières,
Dont l’astre éblouissant fatiguait les paupières;
Puis le siècle d’argent qui, pour parler plus net,

Fut le siècle du vol , ou siècle de la bourse ,
Que le siècle du sport absorba dans sa course.
Nous avons aujourd’hui le siècle du sonnet .

Q8 – T15 – s sur s – Mr Soullier cite La Harpe (commentant Boileau) : « C’est là pousser trop loin le respect pour le sonnet, où l’on ne trouve d’ailleurs point de différence essentielle entre sa tournure et celle des autres pièces de vers à rimes croisées, telles que le madrigal et l’épigramme dont le principal mérite est de finir aussi par une pensée remarquable. »
Il propose ensuite sa propre définition.
« Les règles d’après les bases qui en ont été posées par les principales autorités littéraires sont:
– 1 – Le sonnet se compose de 14 vers de mesure pareille, principalement de 12 syllabes, mais quelque fois aussi de 10, 8, et même au-dessous de ce chiffre, selon la nature du sujet. Il ne faut que très rarement se départir de ces formes principales.
– 2 – Ces 14 vers doivent être divisés en deux quatrains et deux tercets
– 3 – Il ne doit exister que deux genres de rimes dans les deux quatrains, l’une masculine et l’autre féminine. Les rimes peuvent être consécutives ou diversement croisées selon le choix du poète.
– 4 – Le sixain, composant les 2 tercets, doit avoir trois rimes. Ces rimes doivent être différentes de celles de deux quatrains; et elles seront disposées à volonté, selon les règles particulières des stances de six vers.
– 5 – Il y aura un repos entier au quatrième vers de chaque quatrain et un demi-repos au deuxième vers de chacun d’eux. «