Archives de catégorie : T15 – ccd eed

– « Encor! Toujours ce moule? Et ces formes pareilles? — 1868 (3)

Coll.Rimes et idées

François.Fertiault

A un dépréciateur

– « Encor! Toujours ce moule? Et ces formes pareilles?
Toujours pour vos tableaux ce calque qu’on connaît?
Quoi! sans pitié, toujours nous jeter aux oreilles
Ces affreux bouts-rimés qu’on appelle un Sonnet!

– « Bouts-rimés? le Sonnet? l’une de nos merveilles?
Toujours pour ce phénix votre dédain renaît! …
A lui seul, sobre, et ferme, il vaut toutes les veilles:
Des poétiques sceaux nul ne frappe aussi net;

Nul ne condense mieux sous sa nerveuse empreinte,
Nul n’a plus d’horizon sous sa ligne restreinte.
Nul n’est plus souple, riche en ses diversités.

Je sais, moi, tel fervent de cette oeuvre ample et brève
Qui, précis comme un chiffre ou vague comme un rêve,
Dans ses quatorze vers met des immensités.

Q8 – T15 – s sur s François Fertiault, en préface, défend le sonnet par une citation: « Le Sonnet  comprend tout ce que l’Ode a de beau et de délicat, et tout ce que l’Epigramme a de subtil et de concis – Philotée Delacroix « 

De l’orient passé des Temps — 1868 (2)

Stéphane Mallarmé – in Lettre à William Bonaparte- Wyse

De l’orient passé des Temps
Nulle étoffe jadis venue
Ne vaut la chevelure nue
Que loin des bijoux tu détends.

Moi, qui vis parmi les tentures
Pour ne pas voir le Néant seul,
Aimeraient ce divin linceul,
Mes yeux, las de ces sépultures.

Mais tandis que les rideaux vagues
Cachent des ténèbres les vagues
Mortes, hélas! ces beaux cheveux

Lumineux en l’esprit font naître
D’atroces étincelles d’Etre,
Mon horreur et mes désaveux.

Q63 – T15 – octo Un autre premier état: abba  a’b’b’a’   ccd  ede

Quand humble et suppliant, brisé par la torture, — 1867 (8)

Robert Luzarche in La Gazette rimée

A Galilée

Quand humble et suppliant, brisé par la torture,
Menacé du bûcher et du feu de l’enfer,
A leur noir tribunal tu vins dire : j’abjure !
En te relevant, sombre, avec un rire amer,

Peut-être as-tu pu voir, ô glorieux parjure !
Tes juges étonnés et blême sous l’éclair
De ton mâle regard qui, défiant l’injure,
Errait vers l’avenir, horizon vaste et clair.

Prévoyais-tu grand mort dont la foule s’amuse,
Qu’en l’an mil huit cent soixante-sept, la muse
D’un autre inquisiteur prêtrophobe et chauvin,

Sans vergogne ferait comparaître ton ombre
Par devant des bourgeois et des claqueurs sans nombre
Et lui ferait parler la langue de Havin ?

Q8  T15

Loin des terres labourées, — 1867 (5)

Charles Monselet Les potages Feyeux

Farine de châtaignes

Loin des terres labourées,
Quand de hardis villageois
Exécutent des bourrées
Dont tremble tout l’Angoumois;

Comme la châtaigneraie
Forme un tapis de velours
Sous la danse qui s’essaie
En groupes joyeux et lourds!

Eh bien! sous la même écorce,
Cette grâce et cette force
Se retrouvent dans un mets;

C’est toi, que nul ne dédaigne,
Toi farine de châtaigne,
Mes délices désormais!

Q59 – T15 – octo

L’Iambe estropié, — 1867 (1)

J.F. CostaLa Harpe éolienne

L’Iambe

L’Iambe estropié,
Cherchant un dactyle,
Rencontre Batylle,
Qui le met sur pié.

Alors, pour marcher,
Il bat la mesure;
Mais une césure
Le fait trébucher.

Il faut un spondée;
Il faut une idée,
Pour plus de soutien;

Cherche dans la nue,
Iambe, et continue
Ton métier de chien.

Q63 – T15 – 5s

de la préface: « A quoi rime, par le temps qui court, un recueil de sonnets? C’est ce que vont se dire les rares curieux qui jetteront un regard, en passant, sur la couverture de ce livre. Je trouve qu’ils auront parfaitement raison, et que notre époque a autre chose à faire que de s’occuper de ces vétilles. Elle a …. elle a …. je ne dirai pas ce qu’elle a.

Je confesse donc humblement ma faute; et les confessions publiques étant les plus méritoires, ces quelques lignes ont uniquement pour but de demander pardon pour les pages qui vont suivre. On me fera observer qu’il était plus simple de supprimer les pages; cela est encore vrai; mais, comme on n’est pas forcé de les lire, la chose revient absolument au même.

J’offre ici moins, à la vérité, un recueil de sonnets qu’une poignée de rêves. Je les donne dans l’état où ils sont venus et avec la forme qu’ils ont voulu revêtir. Il est possible, du reste, que ce soient des sonnets; ce dont je conviens, c’est que quelques uns en remplissent les conditions rythmiques. « 

Une habitude longue et douce lui faisait — 1866 (33)

Le Parnasse contemporain

Les violettes

Une habitude longue et douce lui faisait
Aimer pendant l’hiver les violettes blanches;
A l’agrafe du châle un peu court sur les hanches
Son doigt fin, sentant bon comme elle, les posait.

Un jour que le soleil piquant et clair grisait
Les moineaux francs criant par terre et dans les branches,
Elle me proposa d’aller tous les dimanches
Cueillir avec l’amour la fleur qui lui plaisait.

A présent, ce bouquet est tout ce que j’ai d’elle;
Mais j’y trouve toujours, pénétrant et fidèle,
Un vivace parfum émané de mon coeur.

Tel le verre vidé qu’un souvenir colore:
Le regret du buveur pensif l’embaume encore
Et la lèvre y croit boire un reste de liqueur.
Albert Mérat

Q15 – T15

Timide, il me souvient qu’au jour je l’ai menée — 1866 (31)

Le Parnasse contemporain

La Saint-Jean

Timide, il me souvient qu’au jour je l’ai menée
Sur la terrasse haute au splendide coup d’oeil,
Où jadis un château gothique sous l’orgueil
De ses tours a tenu la plaine dominée.

C’était en juin, le mois le plus doux de l’année,
Le soir de la Saint-Jean … Les étoiles, au seuil
Du ciel bleu, surgissaient pâles et comme en deuil,
La plaine de grands feux était illuminée.

Sur les hauteurs, avec des rougeurs de tison,
D’autres brasiers lointains enfumaient l’horizon:
Et le fleuve, au milieu, déroulait ses méandres;

Et, tandis qu’à mon bras, pesait un bras peureux,
Sans nombre scintillaient des fanaux amoureux
Vers les blondes Héros invitant des Léandres.

Léon Valade

Q15 – T15

Fatigué des méchants et des sots: – soucieux — 1866 (28)

Le Parnasse contemporain

Exil

Fatigué des méchants et des sots: – soucieux
Des lâchetés d’un monde immoral et factice,
Je fuis vers l’horizon d’où viendra la Justice,
Et je hais les vivants quand je songe aux aïeux.

Une femme, aux baisers chastes et sérieux,
A trempé ma fierté dans son amour complice;
Et je lui dis: –  » Quand tu craindras que je faiblisse,
Mets la main sur mon coeur et regarde mes yeux.

Va: devant les vainqueurs et ceux qui leur font fête,
Je n’humilierai point l’orgueil de la Défaite;
J’aime en toi la splendeur de ce que nous aimons.

Du moins, dans les mauvais hasards des aventures,
J’ai su placer nos Dieux plus haut que les injures
Et mon coeur est un temple isolé sur les monts!

Louis-Xavier de Ricard

Q15 – T15

En quelque lieu qu’il aille, ou sur mer ou sur terre, — 1866 (25)

Le Parnasse contemporain

Le couvercle

En quelque lieu qu’il aille, ou sur mer ou sur terre,
Sous un climat de flamme ou sous un soleil blanc,
Serviteur de Jésus, courtisan de Cythère,
Mendiant ténébreux ou Crésus rutilant,

Citadin, campagnard, vagabond, sédentaire,
Que son petit cerveau soit actif ou soit lent,
Partout l’homme subit la terreur du mystère,
Et ne regarde en haut qu’avec un oeil tremblant.

En haut, le Ciel! ce mur de caveau qui l’étouffe,
Plafond illuminé par un opéra bouffe
Où chaque histrion foule un sol ensanglanté;

Terreur du citadin, espoir du fol ermite:
Le Ciel! couvercle noir de la grande marmite
Où bout l’imperceptible et vaste Humanité.

Charles Baudelaire

Q8 – T15