Archives de catégorie : T23 – cdc dee

Vaine aurore! si des larmes voilent un rire, — 1895 (7)

André FontainasLes estuaires d’ombre


I

Vaine aurore! si des larmes voilent un rire,
Sont-elles un présage à nos fuites de joies
Qu’auraient les yeux d’une autre à suivre un jeu de soies
En frissons brefs au long des parois de porphyre?

Mais nul geste que l’aube encore ne s’y mire
Au fantastique épars de ce que tu déploies,
Où, verbe, ne s’y grave en hymnes, jeunes proies
A promulguer: rien n’est qui soit, sinon écrire.

Une brume vieillie agonise au pilier,
Et s’y meurtrit la voix d’angoisse rauque étreinte
Pour s’y sentir naissante aux outrages lier.

Aux havres d’or naguère où s’incurvait Corinthe
Nul éphèbe ne vogue en voeux d’âme nouvelle
Vers les fauves toisons que l’aurore y révèle.

Q15 – T23  – Le livre est dédié à Mallarmé – la règle d’alternance n’est plus qu’un souvenir

Or puisque le veau d’or a lieu — 1894 (14)

Verlaine Dédicaces (2ème ed.)

A Léon Vannier

Or puisque le veau d’or a lieu
Et qu’on ne dirait plus du veau,
Il nous fut d’abord prier Dieu
Tout bonnement prodigieux.

Pour nous ruer à des travaux
Tout bonnement prodigieux,
Prose au kilo, vers vrais ou faux,
Qu’importe? Tant pis et tant mieux!

Nouer et dénouer des noeuds
Gordiens ou non, et n’étant
Pas plus des princes que des boeufs,

Néammoins, peiner tant et tant
Que vous fassiez une fortune boeuf
Et que moi j’achetasse un courage tout neuf.

abaa babb – T23 – 2m : octo; alexandrin: v.14 – toutes les rimes sont masculines. Il y a aussi un jeu de rimes sur le singulier et le pluriel

O femmes, je vous aime toutes, là, c’est dit ! — 1893 (25)

Verlaine Dédicaces

Quatorzain pour toutes

O femmes, je vous aime toutes, là, c’est dit !
N’allez pas me taxer d’audace ou d’imposture.
Raffolant de la blonde douce ou de la dure
Brune et de la virginité bête un petit

Mais si gente et si prompte à se déniaiser,
Comme de l’alme maturité (que vicieuse !
Mais susceptible d’un grand cœur et si joyeuse
D’un sourire et savourant, lente, un long baiser)

Toutes, oui, je vous aime, oui, femmes, je vous aime
– Excepté si par trop laides ou vieilles, dam !
Alors je vous vénère ou vous plains. Je vais même

Jusqu’à me voir féru, parfois à mon grand dam,
D’une inconnue un peu vulgaire, rencontrée
Au coin … non pas d’un bois sacré ! qui m’est sucrée.

Q63  T23

Cette vie est bien monotone: — 1892 (6)

Edouard Dubus Quand les violons sont partis

Théâtre

Cette vie est bien monotone:
Même farce et même décor,
Ne saurait on jouer encor
Un peu de neuf qui nous étonne?

Je sais un théâtre divin,
Pièce et décor, tout y varie,
C’est une fantasmagorie,
Les auteurs sont l’Amour, le Vin.

L’Amour compose les grands rôles
Où l’on pleure, quand vient le tour
Du Vin c’est un feu de mots drôles.

Avec le Vin, avec l’Amour
On peut vagabonder sans trêve
Dans le ciel infini du Rêve.

Q63 – T23 – octo

Vaine aurore! Si des larmes voilent un rire, — 1892 (3)

André FontainasLes vergers illusoires

Vaine aurore! Si des larmes voilent un rire,
Sont-elles en présage à nos fuites de joies
Qu’auraient les yeux d’une autre à suivre un jeu de soies
En frissons brefs au long des parois de porphyre?

Mais nul geste que l’aube encore ne s’y mire
Au fantastique épars de ce que tu déploies,
Ou, verbe, ne s’y grave en hymnes, jeunes proies
A promulguer: rien n’est qui soit, sinon écrire.

Une brume vieillie agonise au pilier,
Et s’y meurtrit la voix d’angoisse rauque étreinte
Pour s’y sentir naissante aux outrages plier.

Aux havres d’or naguère où s’incurvait Corinthe
Nul éphèbe ne vogue en voeux d’âme nouvelle
Vers les fauves toisons que l’aurore y révèle.

Q15 – T23

Les genêts luisent dans la lande désolée; — 1891 (21)

Francis Jammes Six sonnets

I
La fièvre

Les genêts luisent dans la lande désolée;
Sur l’ocre des côteaux la bruyère est de sang:
Mais tu ne peux guérir mon coeur triste où descend
Le souvenir de ma pauvre enfance en allée.

Viens: elle est d’émeraude et d’argent la vallée:
Douce comme ta voix, l’eau chuchote en passant,
Et clair comme ton rire est l’angélus croissant:
Fraîche comme ta bouche est la mousse mouillée.

J’ai la fièvre: Viens là, près de ces romarins,
Près de ce puits glacé que ronge l’herbe fraîche;
Viens, pleurons et mourons, fillette aux yeux sereins;

Nous sommes las: moi, las de sentir une brêche
En mon coeur mort d’amour lors de son mois de mai.
Toi, lasse en ton printemps de n’avoir pas aimé.

Q15 – T23

D’un concours de Sonnets — 1891 (17)

Le concours de La Plume

Au Concours

D’un concours de Sonnets
L’idée est excellente
Et je t’en complimente;
Car ne sachant jamais

Où prendre mes sujets
Tolère que je chante,
Au lieu de mon amante,
Le concours de Sonnets.

Oui, je te glorifie
O concours, stimulant
L’art de la Poésie!

Par contre, maintenant,
Comme à Vénus la pomme,
Donne-moi le diplôme!

Q15 – T23 – 6s

Artiste, toi, jusqu’au fantastique, — 1890 (33)

Verlaine Dédicaces

A Charles de Sivry

Artiste, toi, jusqu’au fantastique,
Poète, moi, jusqu’à la bêtise,
Nous voilà, la barbe à moitié grise,
Moi fou de vers et toi de musique.

Nous voilà, non sans quelques travaux,
Riches, moi de l’eau de l’Hippocrene,
Quand toi des chansons de la Sirène,
Mûrs pour la gloire et ses échafauds.

Bah ! nous aurons eu notre plaisir
Qui n’est pas celui de tout le monde
Et le loisir de notre désir.

Aussi bénissons la paix profonde
Qu’à défaut d’un trésor moins subtil
Nous donnèrent ces ainsi soit-il.

aaaa  b’a’a’b’ T23  9s

C’est le beau Jean Moréas — 1889 (24)

Verlaine Dédicaces

A Jean Moréas

C’est le beau Jean Moréas
Qui fait dire à l’échotier
Que l’art périclite, hélas !
Au mains d’un si tel routier.

Routier de l’époque insigne,
Violant des vilanelles
Comme aussi, blancheur de cygne !
Violant des péronnelles.

Va-t’en, sonnet libertin,
Fleuri de rimes gaillardes
Ce chanteur et ce butin,

Migrateur emmi les bardes,
Que suivent sur ses appels
Tous les cœurs des archipels.

Q59  T23  7s