Archives de catégorie : carn

Q8 – T15

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille — 1879 (3)

Albert GlatignyOeuvres

Sonnets spartiates, II

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille
Bien mieux que ces combinaisons
Qu’un chef alambique et travaille
Ainsi qu’Enili ses poisons,

Sur le banc de bois où me raille
Le merle chantant aux buissons,
Le cabaret et sa muraille
Que charbonnent les polissons.

Là, je vois des vins populaires
Où Suresnes met ses colères
Et qui font le nez bourgeonné,

Et, pour irriter la fringale,
Cyniquement je me régale
D’un plat de hareng mariné.

Q8 – T15 – octo

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde — 1878 (2)

Charles Soullier Mes sansonnets

Le Siècle du Sonnet ou Les sept ages du monde à partir de l’age d’or jusqu’à nos jours

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde
Qui, jeune encore alors, n’était qu’à son printemps,
Avait pour tout habit sa chevelure blonde:
Mais un soleil si pur ne brilla pas longtemps.

Deux mille ans avaient fuit sur la terre et sur l’onde,
Quand le siècle de fer, grâce au progrès du temps,
Saluant de Papin la science profonde,
Découvrit la vapeur aux longs spireux flottants!

Après, vint au galop le siècle des lumières,
Dont l’astre éblouissant fatiguait les paupières;
Puis le siècle d’argent qui, pour parler plus net,

Fut le siècle du vol , ou siècle de la bourse ,
Que le siècle du sport absorba dans sa course.
Nous avons aujourd’hui le siècle du sonnet .

Q8 – T15 – s sur s – Mr Soullier cite La Harpe (commentant Boileau) : « C’est là pousser trop loin le respect pour le sonnet, où l’on ne trouve d’ailleurs point de différence essentielle entre sa tournure et celle des autres pièces de vers à rimes croisées, telles que le madrigal et l’épigramme dont le principal mérite est de finir aussi par une pensée remarquable. »
Il propose ensuite sa propre définition.
« Les règles d’après les bases qui en ont été posées par les principales autorités littéraires sont:
– 1 – Le sonnet se compose de 14 vers de mesure pareille, principalement de 12 syllabes, mais quelque fois aussi de 10, 8, et même au-dessous de ce chiffre, selon la nature du sujet. Il ne faut que très rarement se départir de ces formes principales.
– 2 – Ces 14 vers doivent être divisés en deux quatrains et deux tercets
– 3 – Il ne doit exister que deux genres de rimes dans les deux quatrains, l’une masculine et l’autre féminine. Les rimes peuvent être consécutives ou diversement croisées selon le choix du poète.
– 4 – Le sixain, composant les 2 tercets, doit avoir trois rimes. Ces rimes doivent être différentes de celles de deux quatrains; et elles seront disposées à volonté, selon les règles particulières des stances de six vers.
– 5 – Il y aura un repos entier au quatrième vers de chaque quatrain et un demi-repos au deuxième vers de chacun d’eux. « 

Pendant que la nuit meurt, que tout sommeille encore, — 1878 (1)

– Abbé Léopold Dupuy-PéyouLes joyaux de la reine des cieux ou Litanie de la Très-Sainte Vierge paraphrasée en sonnets, …-

STELLA MATUTINA

Pendant que la nuit meurt, que tout sommeille encore,
On voit comme un clou d’or oublié dans les cieux,
Avant que l’horizon de pourpre se colore,
Un seul astre attardé qui brille radieux.

C’est l’astre du matin qui précède et décore
Le phare éblouissant qui réjouit nos yeux.
Docile avant-coureur, il annonce l’aurore
D’un jour calme et serein, au matelot pieux.

Mais moins belle est au temple une lampe allumée,
Moins doux sont les rayons de l’urne parfumée
Qu’aux pieds de l’Eternel balance un chérubin,

Que ton éclat, Marie. Oui, dans la nuit profonde,
Précédant le Soleil qui réchauffe le monde,
Israël te vit luire, Etoile du matin!

Q8 – T15 – « Parmi les divers genres de poésie, nous avons choisi le sonnet qui, plus que toute autre pièce, offre l’aspect d’une hymne véritable par ses formes et ses lois invariables.

Ce n’est pas sans effort que nous avons persisté dans la règle constante que nous nous sommes tracée, à savoir de clore toujours chaque sonnet par l’invocation qui en fait le sujet. On remarquera les difficultés sans nombre qu’a fait surgir cette uniformité. Si le trait final & caractéristique du sonnet ne jaillit pas toujours, la sécheresse d’une rime banale mérite qu’elle partage les reproches réservés à l’auteur.  »
Un des sonnets de l’abbé est un acrostiche:  AVE O CASTA MARIA

Sur les blés verts l’alouette, — 1877 (10)

Narzale Jobert Myosotis à la Vierge

L’alouette
A Monsieur Mauric de Canchy
L’alouette se lève et chante les mâtines – Anaïs Ségalas

Sur les blés verts l’alouette,
Au mois de Mai radieux,
D’abord timide, volette,
Puis, s’élance vers les cieux.

Son gosier jaseur miette
Un hymne mélodieux.
Le laboureur qui la guette,
La questionne anxieux :

O virtuose rustique,
Que dit ton joyeux cantique
Aux tons si doux, si touchants ?

– A la campagne fleurie
Je dis : Célèbre Marie !
Moi je lui porte mes chants.

Q8  T15  7s

Mère des orphelins, ô divine Marie, — 1877 (8)

Narzale Jobert Myosotis à la Vierge

Salut
Ave maria – ‘L’ANGE GABRIEL

Mère des orphelins, ô divine Marie,
Je viens m’agenouiller au pied de ton autel ;
Tant de fois ta puissance a protégé ma vie,
Faible enfant ! – Je te voue un amour éternel.

Heureux qui te choisit pour patronne chérie !
Tu le consoleras dans son sentier mortel.
Ton nom passe si doux sur la lèvre qui prie !
Ton regard sur un cœur tombe si maternel !

Je voudrais à ton front où la grâce rayonne
De fleurs d’or le plus pur placer une couronne,
Mais je n’ai que mon luth, ingénieux troubadour ;

Je te l’offre. – Il dira ta bonté tutélaire,
Les bienfaits que du ciel tu fais pleuvoir sur tette :
O Vierge, accepte-le, comme un gage d’amour !

Q8  T15

A vingt ans, quand on a devant soi l’avenir, — 1876 (13)

coll. Le Parnasse Contemporain, III

Louisa Siefert
Tout corps traîne son ombre & tout esprit son doute
Victor Hugo

A vingt ans, quand on a devant soi l’avenir,
Parfois le front pâlit, on va, mais on est triste;
Un sourd pressentiment qu’on ne peut définir
Accable, un trouble vague à tout effort résiste.

Les yeux, brillants hier, demain vont se ternir;
Les sourires perdront leur clartés. On existe
Encor, mais on languit; on dit qu’il faut bénir,
On le veut, mais le doute au fond du coeur subsiste.

On se plaint, & partout on se heurte. Navré,
On a la lèvre en feu, le regard enfiévré.
Tout blesse, & pour souffrir, on se fait plus sensible.

Chimère ou souvenir, temps futur, temps passé,
C’est comme un idéal qu’on n’a pas embrassé,
Et c’est la grande soif: celle de l’Impossible!

Q8 – T15

L’Académie en deux parts se divise: — 1876 (4)

Emile NégrinLes trente-six sonnets du poète aveugle

L’Académie française
a.x.b+y.x.z= A

L’Académie en deux parts se divise:
L’une où du monde est connu chaque nom,
Et qui, malgré sa gloire, n’est admise
Dans le grand corps qu’après réflexion.

L’autre où se voient des princes de l’Eglise,
Entremêlés de princes de salon,
Fort peu connus, et sans réfléchir mise
Au premier rang grâces à son blason.

Or le public justicier, pour ces princes,
Dont les travaux passagers sont si minces,
Fait du fauteuil un simple tabouret;

Tandis qu’ailleurs, pour ces hommes de lettres
Que leurs travaux immortels rendent maîtres,
Il en fait un trône doré.

Q8 – T15 – 2m (octo: v.14) – (18 sonnets sont en provençal-nissard)  » En principe les quatorze vers du sonnet comptent le même nombre de syllabes. Un vers plus court à la fin du deuxième tercet constitue une licence, mais elle est permise parce qu’elle produit une cadence agréable à l’oreille.
Depuis quelque temps, les sonnets sont revenus à la mode; seulement beaucoup de personnes semblent en avoir oublié les règles fondamentales.
Le sonnet doit être la peinture concise, complète, élégante d’une idée unique ou d’un fait ‘isolé’, et se terminer par une ‘chute’, comme on disait à l’époque de Des Barreaux. Voilà pour le fond.
Les deux séries de rimes semblables des deux quatrains doivent être régulièrement accouplées, deux à deux, ou régulièrement alternées deux à deux. Les trois couples de rimes des deux tercets doivent être arrangés de manière que le troisième vers soit en parallèle avec le sixième.
Voilà pour la forme.Hors de ces règles de sens et de structure, pas de sonnet.
J’ajouterai comme corollaires les trois observations suivantes: On ne peut alterner les rimes du premier tercet, parce que cette disposition au-dessous du quatrain entraîne quatre rimes différentes à la file l’une de l’autre, ce qui est contraire à la prosodie.
Terminer le deuxième tercet par deux rimes accouplées est également irrégulier, parce que cet arrangement pèche contre l’harmonie, en supprimant, pour ainsi dire, la note finale du chant.
Quelques auteurs délaient un récit en deux ou trois sonnets consécutifs, cela répugne à la logique. Autant vaudrait couper en morceaux un tableautin de Meissonnier.  » Il admet donc seulement  les combinaisons Q8-T15 et Q15-T15. La critique des dispositions qui ne font pas rimer les vers 9 et 10 procède d’une ancestrale tendance de la prosodie en langue française : retarder le moins possible l’écho d’une rime. Enfin, il n’admet que les sonnets qui constituent à eux seuls un poème. »

Héléna, dans le pampre et les liserons bleux, — 1874 (22)

Gustave Mathieu in Revue du monde nouveau

Héléna changée en sonnet

Héléna, dans le pampre et les liserons bleux,
Lustrait ses cheveux roux !!! sous leurs touffes vermeilles
Plongeant ses doux rayons, le soleil, amoureux,
Des ses beaux seins mouvants titillait les merveilles.

Tout en fenêtre en face, un poëte envieux
La guettait l’œil en feu, du sang dans les oreilles !!!
Lors, des vers susurrant sous son cerveau fiévreux,
De s’élancer vainqueurs, essaimant comme abeilles …..

Les voilà s’acharnant à leur proie ; et le soir
L’astre jaloux, avant de s’abîmer, put voir
Lorgnant obliquement de la rive orangée,

Sous les baisers pourprés de quatorze grands vers,
Héléna, renversée et les yeux à l’envers,
Se tordre convulsive, en un sonnet changée.

Q8  T15  s sur s  (traitement assez étrange de ce thème)

La mort et la beauté sont deux choses profondes — 1874 (8)

Etrennes du Parnasse pour l’année 1874

Victor Hugo

Ave, Dea: Moriturus te salutat

La mort et la beauté  sont deux choses profondes
Qui contiennent tant d’ombre et d’azur qu’on dirait
Deux soeurs également terribles et fécondes
Ayant la même énigme et le même secret;

O femmes, voix, regards, cheveux noirs, tresses blondes,
Brillez, je meurs! Ayez l’éclat, l’amour, l’attrait,
O perles que la mer mêle à ses grandes ondes,
O lumineux oiseaux de la sombre forêt!

Judith, nos deux destins sont plus près l’un de l’autre
Qu’on ne croirait, à voir mon visage et le vôtre;
Tout le divin abîme apparaît dans vos yeux,

Et moi, je sens le gouffre étoilé dans mon âme;
Nous sommes tous les deux voisins du ciel, madame,
Puisque vous êtes belle et puisque je suis vieux.

Q8 – T15 – Envoyé à Judith Gautier, fille de Théophile. Première(?) Publication d’un sonnet composé par Victor Hugo.  – republié dans L’Artiste en 1876 avec cette note : « Le seul que Victor Hugo ait jamais écrit, ne devait-il pas avoir sa place ici ? »