Archives de catégorie : formules principales

MAURICE BOUCHOR ET RAOUL PONCHON 1923 (11)

Jean Richepin Interludes

Sonnet acrostiche et mésostiche

MAURICE BOUCHOR ET RAOUL PONCHON
Avec vous j’ai fait Toutes mes retraites.
Un même plaisir Rassemblant nos crêtes,
Rougissait nos nez Au même cruchon.

Ivrognes sacrés, Oints du dieu Bouchon,
Celébrons sa messe, Usons ses burettes,
Et versons en nous les rouges aigrettes,
Bouchor, mon trésor, Ponchon, mon bichon !

On fait bien de rire ! On pleurera vite.
Un jour de bonheur N’est qu’un jour sans suite.
Celui-ci fut beau, Chers amis, tant mieux !

Hélas ! Quel cruel Hourvari nous presse !
On avait vingt ans ! … On s’éveille vieux ! …
Rien ! Plus rien ! Du vent !, Notre jeune ivresse !

Q15  T14 – banv –  tara  acrostiche

Père ! protégé de silence ! — 1923 (10)

Mélot du Dy in Le Disque vert

Sonnet pour M. Max Jacob

Père ! protégé de silence !
Méchant ! des grâces visité !
C’est bien le diable, c’est bien l’ange,
Si je n’entends la vérité.

Or, je vous nomme, et sur la langue,
C’est un goût d’immortalité :
Monsieur, votre œuvre est excellente
(Les gentils vous ont imité).

Honneur au poète célèbre !
Mais gloire au poète céleste,
L’heureux démon que Dieu défend !

Et l’ange murmure en cachette :
Monsieur Jacob, voyez l’échelle,
Voyez tous vos petits enfants …

Q8  T15  octo

Manger le pianiste? Entrer dans le Pleyel? — 1923 (1)

Jean PellerinLe bouquet inutile

La Grosse Dame chante

Manger le pianiste? Entrer dans le Pleyel?
Que va faire la dame énorme? l’on murmure …
Elle racle sa gorge et bombe son armure:
La dame va chanter. Un œil fixant le ciel

L’autre suit le papier, secours artificiel –
Elle chante. Mais quoi? le printemps? la ramure?
Ses rancœurs d’incomprise et de femme trop mûre?
Qu’importe! c’est très beau, très long, substantiel.

La note de la fin monte, s’assied, s’impose.
Le buffet se prépare aux assauts de la pause.
« Après, le concerto. … » – Mais oui, deux clavecins »

Des applaudissements à la dame bien sage …
Et on n’entendra pas le bruit que font les seins
Clapotant dans la vasque immense du corsage.

Q15 – T14 – banv – un hiatus partculièrement odieux au vers 13

Dans le xyste où rêvait sa jeunesse immortelle, — 1922 (7)

Marguerite Yourcenar in Les dieux ne  sont pas morts

L’Apparition

Dans le xyste où rêvait sa jeunesse immortelle,
L’éphèbe Antinoos aux jardins de Tibur
Vit, parmi les débris détachés de sa stèle,
Les ronces l’envahir sous l’impassible azur.

À l’heure où les ramiers, d’un lourd battement d’aile,
Font trembler l’ombre claire aux blancheurs du vieux mur,
Seul, le tiède baiser de la clarté fidèle
Consolait la Statue au geste calme et pur.

Les siècles ont détruit cette image mystique
Et terni la candeur du marbre éblouissant.
Qu’importe… Je revois le bel Adolescent :

Il monte avec lenteur les degrés du portique,
Et, posant ses pieds nus sur le sable vermeil,
Revit pour un instant et s’étire au soleil…

Q8 – T30

Parmi les brumes des lointains — 1922 (1)

Jean RichepinLes glas

Sonnet boustrophédon

Parmi les brumes des lointains
Vient de refleurir une flore
Multiforme et multicolore,
Aux tons naissants, peut-être éteints.

En sons d’angélus argentins
Est-ce que l’on chante, ou s’éplore?
Est-ce cette âme près d’éclore,
Celle des soirs ou des matins?

La nuit fonce et le jour éclaire
Ce doux instant crépusculaire
Qui n’est pas la nuit, ni le jour,

Et dont la splendeur vague et brève
Est pourtant l’éternel séjour
Où se plaît le mieux notre rêve;

Au papillon de notre rêve
Nul jardin n’est un bon séjour
Que celui dont la rose est brève.

Il faut à son amour d’un jour
La lumière crépusculaire
Douce, et qui pas trop n’éclaire. ?

Sinon, les flèches des matins
Le percent quand il vient d’éclore,
Et son glas dans nos cœurs s’éplore
En rosée aux pleurs argentins;

Car voici qu’à nos yeux éteints
Meurt son essor multicolore
Tandis que se fane la flore
Fleurie aux brumes des lointains.

Q15 – T14 + s.rev: ede dcc abba abba – octo – Palindromique par les rimes (et parfois le vers entier) – banv

Madame, de ce jour vous souvient-il encore — 1921 (18)

Emile Faguet Chansons d’un passant

Sonnet serpentin

Madame, de ce jour vous souvient-il encore
Qui s’écoula pour moi si rapide et si doux,
Où, de l’aurore au soir et du soir à l’aurore,
Je ne fis que vous voir ou que penser à vous ?

Un bon feu pétillant dans le foyer sonore,
Dehors un temps de chiens orné d’un froid de loups,
Et moi les yeux fixés sur deux yeux que j’adore,
Sans fâcheux importuns et sans témoins jaloux ;

Et puis le soir, plein de mystère et de silence,
De vos lèvres faisant tomber la confidence,
Et tout bas dans mon cœur balbutier l’amour ;

Puis la nuit m’endormant sous le toit où vous êtes,
Pleine pour moi de trouble et d’angoisses secrètes…
Vous souvient-il encor, Madame, de ce jour ?

Q8 – T15  ‘sonnet serpentin’ : le dernier vers reprend plus ou moins le premier

Le rire tenait sa bouteille — 1921 (10)

La vie des lettres et des arts

Paul Eluard

Bouche usée

Le rire tenait sa bouteille
A la bouche riait la mort
Dans tous les lits où l’on dort
Le ciel sous tous les corps sommeille

Un clair ruban vert à l’oreille
Trois boules une bague en or
Elle porte sans effort
Une ombre aux lumières pareille

Petite étoile des vapeurs
Au soir des mers sans voyageurs
Des mers que le ciel cruel fouette

Délices portées à la main
Plus douce poussière à la fin
Les branches perdues sous la rouille

Q15  T15  octo (irr.)

Le ballon bleu de la pendule — 1921 (9)

La vie des lettres et des arts

André Breton

Titre

Le ballon bleu de la pendule
Et les petits nids des manchons
C’est là-dessus que nous couchons
Notre matin est incrédule.

A l’écureuil fou qui recule
La hampe offre ses cabochons
De faux rubis et nous trichons
Pour passer l’eau quand elle ondule

Les comédiens du bosquet
Sauvent le puits où l’on vaquait
A ses conquêtes en musique

Un évêque éteint nommé Jean
Ramène sa chape de brique
Sur le grand espace changeant

Q15  T14  –  banv – octo

Banvilien de sructure (ce que ne sont pas ceux des deux acolytes) le sonnet de Breton n’est pas régulier en ses mots-rimes : « jean / changeant » !

Rampant d’argent sur champ de sinople, dragon — 1921 (4)

Alfred Jarry in Le Disque vert

Le Bain du Roi

Rampant d’argent sur champ de sinople, dragon
Fleurie, au soleil la Vistule se boursoufle.
Or le roi de Pologne, ancien roi d’Aragon
Se hâte vers son bain, très nu, puissant maroufle.

Les pairs étaient douzain: il est sans parangon.
Son lard tremble à sa marche et la terre à son souffle;
Pour chacun de ses pas son orgueil patagon
Lui taille au creux du sable une creuse pantoufle.

Et couvert de son ventre ainsi que d’un écu
Il va. La redondance illustre de son cul
Affirme insuffisant le caleçon vulgaire

Où sont portraiturés en or, au naturel,
Par derrière, un Peau-Rouge au sentier de la guerre
Sur un cheval, et par devant, le tour Eiffel.

Q8 – T14

Ferrée à rouge te voilà devant l’enclume — 1921 (2)

Roger VitracLe faune noir – in Des-lyre (ed.1964)


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Ferrée à rouge te voilà devant l’enclume
Bouche au collier de larmes Forgeron
Que l’ombre de ton bras lève la femme plume
Et que ton bras lui plante une harpe en plein front

Et qu’elle chante avec l’écharpe de bitume
Hyperbole des cils, gril où nous rôtirons
Sous l’arbre ensanglanté dont elle se parfume
Et nos poumons légers sont là pour le clairon

Ah nature insensible à l’étincelle mâle
Fille du vin Elle est jolie au bord de l’eau
A ses dents tu peux voir si son squelette est pâle

Mais si tu veux passer par les coups de marteau
D’un poing fêlé comme le cœur de l’étrangère
Frappe Le Forgeron est bien en chair ma chère

Q8 – T23