Archives de catégorie : rons

Q15 – T15

Près d’un « objet charmant » — 1884 (3)

– Le Docteur (Georges) CamusetLes Sonnets du Docteur

Préservatifs

Près d’un « objet charmant »
Lorsque l’amour m’appelle,
Avant de voir ma belle
Je passe chez Millant.

Là, du petit au grand,
Flotte une ribambelle
De rubans qu’avec zèle
Il gonfle en y soufflant.

Enfin! j’ai ma mesure!
Au sein de la luxure,
Vite, allons nous plonger.

Caché dans la baudruche,
Je veux comme l’autruche,
Ne plus croire au danger.

Q15 – T15 – 6s

Bien avant que Fourier rêvât le Phalanstère,— 1884 (2)

– Le Docteur (Georges) CamusetLes Sonnets du Docteur

Le ver solitaire

Bien avant que Fourier rêvât le Phalanstère,
Bien avant Saint-Simon et le Père Enfantin,
Dans les retraits ombreux du petit intestin
Le Scolium déjà pratiquait leur chimère.

Un cestoïde obscur, un simple entozoaire,
Avait constitué l’Etat républicain.
Martyr voué d’avance au remède africain,
Salut, fils du Scolex, pâle et doux Solitaire!

Tes anneaux, dont chacun forme un ménage uni,
Sur un boyau commun prospèrent à l’envi
L’un à l’autre attachés, pas plus sujets que maîtres.

Oui, c’est un beau spectacle, et l’on doit respecter
Le sentiment profond qui me pousse à chanter
En vers de douze pieds le ver de douze mètres.

Q15 – T15 – cestoïde (Héloise Neefs : Les disparus du Littré) terme didactique. Qui a la forme d’un ruban, d’une ceinture. // vers cestoïdes, ordre d’animaux de la classe des helminthes, caractérisés par un corps mou. Le taenia est un vers cestoïde – (TLF° scolex : Partie antérieure des vers cestoïdes ou tête de ténia, pourvue de ventouses et parfois de crochets

Il siège au coin du feu, les paupières mi-closes, — 1883 (19)

Hippolyte Taine Douze sonnets sur les chats

A 3 chats, Puss, Ebène et Mitonne, … ces douze sonnets sont dédiés par leur ami, maître, et serviteur

IV
Les souvenirs

Il siège au coin du feu, les paupières mi-closes,
Aspirant la chaleur du brasier qui s’éteint;
La bouilloire bouillonne avec des bruits d’étain.
Le bois flambe, noircit, s’effile en charbons roses.

Le royal exilé prend de sublimes poses;
Il allonge son nez sur ses pieds de satin;—
Il s’endort, il échappe au stupide destin,
A l’irrémédiable écroulement des choses.

Les siècles en son coeur ont épaissi leur nuit,
Mais au fond de son coeur, inextinguible, luit
Comme un flambeau sacré, son rêve héréditaire:

Un soir d’or, le déclic empourpré du soleil,
Des fûts noirs de palmiers sur l’horizon vermeil,
Un grand fleuve qui roule entre deux murs de terre

Q15 – T15

Source vénérienne ou vont boire les mâles! — 1883 (14)

Edmond Haraucourt La légende des sexes

La Source

Source vénérienne ou vont boire les mâles!
Fissure de porphyre où frise un brun gazon,
Qui, fin comme un duvet, chaud comme une toison,
Moutonne dans un bain de senteurs animales.

Quand un homme a trempé dans tes eaux baptismales,
Le désir turgescent qui troublait sa raison
Il en garde à jamais la soif du cher poison
Dont s’imprègne sa peau dans ses lèvres thermales.

O Jouvence des coeurs! Fontaine des plaisirs!
Abreuvoir ou descend le troupeau des désirs
Pour s’y gorger d’amour, de parfums & d’extase.

Il coule de tes flancs, le nectar enchanté.
Elixir de langueur, crême de volupté …
Et pour le recueillir, nos baisers sont des vases!

Q15 – T15

Dire qu’au fond des cieux n’habite nul Songeur, — 1883 (11)

Jules LaforgueLe sanglot de la terre

Intarissablement.

Dire qu’au fond des cieux n’habite nul Songeur,
Dire que par l’espace où sans fin l’or ruisselle,
De chaque atome monte une voix solennelle,
Cherchant dans l’azur noir à réveiller un coeur!

Dire qu’on ne sait rien! et que tout hurle en choeur
Et que pourtant malgré l’angoisse universelle!
Le Temps qui va roulant les siècles pêle-mêle,
Sans mémoire, éternel et grave travailleur,

Charriant sans retour engloutit dans ses ondes
Les cendres des martyrs, les cités et les mondes,
Le Temps, universel et calme écoulement,

Le Temps qui ne connaît ni son but, ni sa source,
Mais rencontrant toujours des soleils dans sa course,
Tombe de l’urne bleue intarissablement.

Q15 – T15

C’est un cadre divin pour un petit tableau, — 1883 (9)

Camille Crêvecoeur (pseud. de Charles Fournier) Poésies

Le sonnet

C’est un cadre divin pour un petit tableau,
Un merveilleux fourreau pour une courte lame,
Fourreau d’or et d’argent ciselés que réclame
Tout rimeur qui n’est pas au bout de son rouleau.

Perle, diamant pur et de la plus belle eau,
A ses rayons l’oeil pers de Minerve s’enflamme
Et sa ‘beauté suprême’ a désarmé le blâme
Du critique qui tond les chiens – maître Boileau.

Il ne procède pas par nappes épandues.
De fait, il s’interdit les vastes étendues.
De Notre-Dame on n’y peut point bâtir les tours.

Mais baste! On  l’aime pour sa forme décidée
Qui douze fois sur vingt emprisonne une idée,
Sa couleur opulente et ses fermes contours.

Q15 – T15 – s sur s

Le mystère infini de la beauté mauvaise — 1883 (6)

Maurice RollinatLes Névroses

La Joconde

Le mystère infini de la beauté mauvaise
S’exhale en tapinois de ce portrait sorcier
Dont les yeux scrutateurs sont plus froids que l’acier,
Plus doux que le velours et plus chauds que la braise.

C’est le mal ténébreux, le mal que rien n’apaise;
C’est le vampire humain savant et carnassier
Qui fascine les coeurs pour les supplicier
Et qui laisse un poison sur la bouche qu’il baise.

Cet infernal portrait m’a frappé de stupeur;
Et depuis, à travers ma fièvre ou ma torpeur,
Je sens poindre au plus creux de ma pensée intime

Le sourire indécis de la femme serpent:
Et toujours mon regard y flotte et s’y suspend
Comme un brouillard peureux au-dessus d’un abîme.

Q15 – T15 – un point de vue peu attendu sur Mona

Pour y brûler un grain d’ambre ou d’encens — 1882 (15)

Eugène Manuel En voyage

Cassolette
Vieux sonnet

Pour y brûler un grain d’ambre ou d’encens
Gentil sonnet est une cassolette :
Nous y mettrons innocente amourette
Regrets tardifs ou bien désirs naissants.

Tels du soleil les feux ébouissants
Sont réfléchis même en la gouttelette,
Telle, en un bois, la simple violette
Sous les buissons, se trahit aux passants.

Plus fort parfum n’irait à sa mesure !
Quant à railler sa fine ciselure,
C’est blâmer fleurs en un petit terrain,

Dessins légers sur une broderie,
Joyaux mignons pour la galanterie :
Orfèvre suis, et non fondeur d’airain !

Q15  T15  octo  s sur s

Dans un petit sonnet mettre l’immensité : — 1882 (14)

Eugène Manuel En voyage

Sur la falaise

Dans un petit sonnet mettre l’immensité :
Y renfermer le ciel profond, la mer, la grève,
Le flot mouvant, le roc miné, le bruit sans trève,
Et la brume d’hiver, et l’ouragan d’été ;

Montrer à l’horizon, sur la vague emporté,
Le navire, fétu que l’abîme soulève ;
Et jeter dans cette ombre, et mêler à ce rêve
Ta lumière, Seigneur, et ton éternité » :

Ah ! c’est vraiment alors écrire un long poème ;
C’est introduire l’âme aux régions qu’elle aime,
Et grandir l’humble vers qui promettait si peu !

Le cadre est assez vaste, et le poète à l’aise
Peut vivre tout un jour, au bord de la falaise,
De ce petit sonnet qui lui parle de Dieu.

Q15  T15  s sur s

Léandre amoureux qui recourt — 1882 (12)

Antoine Cros Les belles heures

Sonnet-chanson

Léandre amoureux qui recourt
A Rosine, blanche et fleurie,
Doit-il, pour son amour qui crie,
Choisir le chemin le plus court ?

Voit-on l’Archer-dieu, qui parcourt
L’Azur d’Aurore en Hespérie,
Montant son char d’orfèvrerie,
Choisir le chemin le plus court ?

Pour vous conquérir, fleurs sacrées,
Toisons d’or de loin désirées,
Lyre, sagesse, clair flambeau,

Pour vous cueillir, ô palmes vertes,
Par la Gloire sereine offertes,
Suivons le chemin le plus beau !

Q15  T15  octo  –  v.4=v.8