Archives de catégorie : Formule entière

Comme un cherché de sa province — 1895 (2)

Mallarmé in La Revue scolaire – journal général de l’instruction publique

Toast
Porté à M. Rousselot, directeur du collège Rollin, à l’occasion du banquet de la Saint-Charlemagne,
2 février 1895

Comme un cherché de sa province
Sobre convive mais lecteur
Vous aimâtes que je revinsse
Très cher Monsieur le Directeur

Partager la joie élargie
Jusqu’à m’admettre dans leur rang
De ceux couronnant une orgie
Sans la fève ni le hareng

Aussi je tends avec le rire
– Ecume sur ce vin dispos –
Qui ne saurait se circonscrire
Entre la lèvre et les pipeaux

A vous dont le regard me coupe
La louange haut notre Coupe

shmall – octo

Ce me va hormis l’y taire — 1895 (1)

Mallarmé in La Revue Blanche

Petit Air
(guerrier)

Ce me va hormis l’y taire
Que je sente du foyer
Un pantalon militaire
A ma jambe rougeoyer

L’invasion je la guette
Avec le vierge courroux
Tout juste de la baguette
Au gant blanc des tourlourous

Nue ou d’écorce tenace
Pas pour battre le Teuton
Mais comme une autre menace
A la fin que me veut-on

De trancher ras cette ortie
Folle de la sympathie

shmall – 7s

Les yeux obscurs sur le sépulcre de granit, — 1894 (18)

Revue de l’Est

L’éternel passant

Les yeux obscurs sur le sépulcre de granit,
Je criai : trouve-tu le repos dans ta couche,
Toi qui tentas d’une âpre et lamentable course
Etreindre l’Idéal par delà les zéniths ?

Toi que hante le noir secret des aconits,
Toi qui, raillé par le Temps chauve au sceptre courbe,
Au lit de Procuste trouvas l’heure trop courte,
Réponds, as-tu trouvé la Fin où tout finit ?

Dors-tu, toi l’Eternel Passant, écrasé d’ivres
Calvaires fous à travers les cités, maudites
Par les désespoirs las qu’ont saigné tes orteils ? –

Or du Sépulcre sourd sourdit une voix morne :
Mais, ô Songeur, comment voudrais-tu que je dorme
Avec ces vers rongeurs au cœur de mon sommeil ?

(Charles Guérin)

Q15  T15  rimes b et c : assonances

Dans des gouffres nimbés d’auréoles rosâtres, — 1894 (17)

Revue de l’Est

Deux maîtresses en une

Dans des gouffres nimbés d’auréoles rosâtres,
Où transparaît l’horreur d’un enténèbrement,
Je trace tes contours sur les célestes plâtres
Qui tapissent le bleu morne du firmament !

Sur la palette d’or des lunes idolâtres,
J’étale la couleur de ton rose piquant,
Et le halo des nuits vient ceindre tes albâtres
De ton flanc callipyge, où clame mon tourment !

Alors tu te fais chair, chair de jeune maitresse,
Des hurlantes amours recélant la caresse,
Dans l’ondulation d’un frêle corps d’enfant!

Tes reins ont des serpents les plis noueux et lisses,
Tes yeux ont les éclairs de leurs yeux, et tes cuisses
L’élastique rondeur des trompes d’éléphant !

(Louis Baboulet)

Q8  T15

Je suis prisonnier de tes yeux — 1894 (15)

Verlaine Dédicaces (2ème ed.)

A E…
en lui offrant « Mes prisons’

Je suis prisonnier de tes yeux
Toujours – et parfois de tes bras,
Mais ne plains pas ces embarras
Qui ne sont guère qu’ocieux.

L’odieux, ô mais, là, c’est dur,
C’est que mon coeur est en prison
En même temps que ma raison
Dans ton amitié, cachot pur!

Et bien que trop intelligents,
Mes désirs, quoique diligents,
S’en ressentent jusqu’à parfois

Ressembler à d’affreux courrous …
Mais tu les mets sous les verrous
De ta bonté, coeur, geste, et voix.

Q63 – T15 – octo – Tous les vers sont en rime masculine

Zut, il n’en faut plus, c’est une hypocrite — 1894 (12)

Verlaine Dédicaces (2ème ed.)

A***

Zut, il n’en faut plus, c’est une hypocrite
A rebours ou c’est une folle ou, mieux,
Une sotte en cinq lettres, mais de vieux
Jeu, trop Second Empire, – et qui s’effrite.

Car jeune elle est très loin de l’être encor
Et la date de sa naissance est un trésor
De suppositions contradictoires.
Cela ne ferait rien sans doute au cas présent,

Moi n’étant plus non plus l’adolescent
Epris de sa cousine, lys! Ivoires!
Mais surtout elle est sotte, démérite

Pire à mes yeux que tous maux sous les cieux
Et, tort non moindre en surplus à mes yeux,
Elle a le don qui fait que je m’irrite.

QTTQ mais disposition standard – 10s 

Comme un troupeau docile au Maître Capital, — 1894 (11)

Tristan Bernard Vous m’en direz tant!

Comme un troupeau docile
Comme un vol de gerfauts…

Comme un troupeau docile au Maître Capital,
Du palais de Bourbon, proche la Madeleine,
Ceusses de la Montagne et ceusses de la Plaine
S’en venaient, attirés, vers le guichet fatal.

Ils venaient pour palper l’avantageux métal
Accru depuis longtemps au fond des bas de laine.
Puis leur rut obstiné vidait leur poche pleine
Aux nids luxurieux du monde horizontal.

Le vin, qui ruisselait des mains des courtisanes
Leur faisait entrevoir les deux mers océanes
Heurtant à des flots d’or les flots céruléens.

Mais voici qu’inclément l’Avenir se révèle;
Et bientôt, transportés aux frais des citoyens,
Ils verront resplendir tes étoiles, Nouvelle!

Q15 – T14 – banv – parodie

Le vélin crie et rit et grimace, livide. — 1894 (10)

Alfred JarryMinutes de sable mémorial
Les trois meubles du mage surannés

II
Végétal

Le vélin crie et rit et grimace, livide.
Les signes sont dansants et fous. Les uns, flambeaux,
Pétillent radieux dans une page vide.
D’autres en rangs pressés, acrobates corbeaux,

Dans la neige épandue ouvrent leur bec avide.
Le livre est un grand arbre émergeant des tombeaux.
Et ses feuilles, ainsi que d’un sac qui se vide,
Volent au vent vorace et partent en lambeaux.

Et son tronc est humain comme la mandragore;
Ses fruits vivants sont des fèves de Pythagore;
Ses feuillets verdoyants lui poussent en avant.

Et les prédictions d’or qu’il emmagazine,
Seul peut les lire sans péril le nécromant,
La nuit, à la lueur des torches de résine.

Q8 – T14

L’insénescence de l’humide argent accule — 1894 (5)

Laurent TailhadeAu pays du Mufle – (ed.1920)
(Deux sonnets pour être dits en expectant claudication)

I
Le limaçon (d’après feu Rimbaud)

L’insénescence de l’humide argent accule
La glauque vision des possibilités
Où s’insurgent, par telles prases abrités,
Les désirs verts de la benoîte renoncule.

Morsure extasiant l’injurieux calcul,
Voici l’or impollu des corolles athées
Choir sans trève! Néant des Sphinges Galathées
Et vers les nirvânas, ô Lyre, ton recul!

La mort est un vainqueur Loyal et redoutable
Aux vénéneux festins où Claudius s’attable
Un bolet nage en la saumure des bassins.

Mais, tandis que l’abject amphictyon expire
Eclôt, nouvel orgueil de votre pourpre, ô Saints,
Le lis ophilial orchestré par Shakespeare.

Q15 – T14 – banv

L’aile s’évanouit et fond — 1894 (1)

Mallarmé manuscrit


A Méry Laurent

L’aile s’évanouit et fond
Des Cupidons vers d’autres nues
Que celles peintes au plafond,
Prends garde! quand tu éternues –

Ou que ce couple qui jouait
N’interrompre sa gymnastique
Pour te décerner le fouet
Sur quelque chose d’élastique

Si (moi-même je reconnais
Comme avec à propos on t’aime
Pâlie en de petits bonnets)
Jamais tu gazouilles ce thème

Ancien: Z’ai mal à la gorze –
Pendant l’an quatre-vingt-quatorze.

shmall – octo