Archives de catégorie : Formule entière

La nature est un livre où notre âme attendrie — 1850 (9)

Louis Dureau Poésies

Sonnet

La nature est un livre où notre âme attendrie
Peut lire sans effort de divines leçons :
Le ruisseau coule et dit : hommes, flots, nous passons :
L’oiseau nous dit : priez, quand sa voix chante et prie.

Quels doux enseignements dans une fleur flétrie,
Dans la rosée, et dans l’aurore et ses rayons ! …
Sur la pervenche bleue, au matin nous voyons
La goutte d’eau briller comme une pierrerie.

Dans leur frêle union, la rosée et la fleur
Confondent leur éclat, leur grâce et leur couleur ;
Mais quand l’une se meurt sur sa tige brisée,

L’autre en vapeur de feu monte au foyer du jour :
Abandonnant ainsi sa dépouille épuisée,
Mon ame montera vers Dieu, soleil d’amour.

Q15  T14 – banv

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E.M.P. Laas d’Agen Dictionnaire portatif … – le sonnet se compose rigoureusement de deux strophes de quatre, et de deux strophes de trois vers ; le tout en rimes croisées, la première féminine. Du reste, le poète peut choisir la mesure qui lui convient, pourvu qu’il la conserve jusqu’à la fin.

Le sonnet peut être en vers de douze, de dix, de huit ou de sept syllabes, mais les sujets nobles et sérieux n’admettent que le vers de douze, ou alexandrin.

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O chêne hospitalier ! dont le front séculaire — 1850 (8)

Juste-Urbanie Auvert Les primevères et les soucis

Le chêne

O chêne hospitalier ! dont le front séculaire
S’élance vers les cieux, et dont l’ombrage épais
Couronne ce vallon de fraîcheur et de paix,
Que j’aime à rechercher ton abri tutélaire !

Le voyageur y goute un repos salutaire
Qui n’a de ta bonté ressenti les effets ?
Et moi me souvenant toujours de tes bienfaits,
Je reviendrai m’asseoir sous ton toit solitaire.

Oui, je me plais à voir reverdir, au printemps,
Tes rameaux protecteurs, respectés des autans,
Oh ! que de ton beau tronc n’approche la cognée !

Que ne t’assaillent pas les rigueurs du destin !
Et que ta cime soit de la foudre épargnée !
Que le soir de tes ans ressemble à leur matin !

Q15  T14 – banv

Brûler, transir, oser, perdre courage, — 1850 (7)

– Général d’Alvimar Œuvres poétiques

Définition de l’amour. sonnet

Brûler, transir, oser, perdre courage,
Etre à la fois gai, triste, doux, fâcheux ;
Hautain, soumis, agréable, sauvage,
Extrême en tout, confiant, soupçonneux :

De la raison abhorrer le langage,
Traîner sa chaîne en gémissant honteux ;
Prendre à longs trait un poison pour breuvage,
Chérir son mal en le trouvant affreux ;

Vouloir jouir d’un bonheur impossible,
Croire le ciel dans un enfer horrible,
L’y rechercher en vain avec fureur ;

Ne voir qu’en beau l’objet qui tyrannise,
Craindre d’ouvrir les yeux sur son erreur :
Tel est l’amour, qui l’a connu le dise.

Q8  T14  déca

Notre vie est semblable aux monts de Pyrénées ; — 1850 (5)

Armand de Flaux Nuits d’été

Sonnet

Notre vie est semblable aux monts de Pyrénées ;
Aux pieds naissent des fleurs dans toutes les saisons,
Et du haut des glaciers les neiges entraînées,
Coulent plus mollement sur des lits de gazons.

Des forêts de sapins sur leurs flancs inclinées,
A jamais, du soleil leur cachent les rayons,
Et, dans l’azur des cieux, leurs têtes couronnées
Sont éternellement couvertes de glaçons.

Ces gazons et ces fleurs n’est-ce pas la jeunesse ?
Ces forêts, d’un aspect plus grave et plus obscur
Dont l’oeil est attristé, n’est-ce pas l’âge mûr ?

Ces sommets dévastés, n’est-ce pas la vieillesse ?
Puis cette immensité des pics au firmament
N’est-ce pas de la mort le vide et le néant ?

Q8  T30

Toi, dont la vie errante est de charmes remplie, — 1850 (4)

Paul-Eugène Bache Les oranaises

La plume

Toi, dont la vie errante est de charmes remplie,
Plume, faisceau léger d’un duvet blanc et pur,
Dont le tube flexible au moindre vent se plie
Plissant tes fils d’argent de doux reflets d’azur.

Burin que l’oiseau porte en son aile assouplie,
Qui puises son éclat dans un liquide obscur,
Qui façonnes les mots en musique accomplie,
Dont le bec meurtrit mieux que le fer le plus dur ;

Toi, qui nages dans l’or, toi qui rases la terre.
Toi, qui vivant d’amour, de gloire ou de mystère,
Gémis en t’envolant comme un baiser d’adieu ;

Pourquoi n’écris-tu pas, quand de nos mains tu tombes,
Sur la page d’airain qu’on ferme sur nos tombes,
Au lieu d’un nom glacé, ce mot sublime : DIEU !

Q8  T15

La vie et son matin me disaient : Espérance ! — 1849 (6)

– Auguste Brizeux in Revue de Lille (1900)

L’arbre du Nord

La vie et son matin me disaient : Espérance !
Une immense journée apparaît devant toi :
Dans ton magique empire arrive, jeune roi ;
L’oiseau chante, la fleur embaume, et c’est en France !

Voici venu midi, morne, silencieux ;
L’oiseau cache, endormi, sa tête sous son aile,
La fleur tombe, épuisée et l’âme fait comme elle.

Ranime ces langueurs, ô matin gracieux !
Que rapide elle a fuit, la journée éternelle !
La nuit tombe, un long crêpe enveloppe les cieux.

Mais une autre, plus belle, à l’horizon commence,
Elle vient, doucement, poindre aux yeux de la foi.
Chantez, oiseaux du ciel ! fleurs d’or, brillez sur moi !
Ah ! voici la journée invariable, immense.

Q1 (abba) T1 (cdd) T2 (cdc) Q2 (abba) – Tercets embrassés dans les quatrains. a.ch : ‘sonnet polaire’.

Toi, l’amour de mon cœur, l’espoir de ma vieillesse, — 1849 (3)

Alphonse Chaulan L’Arc-en-ciel

Sonnet à …

Toi, l’amour de mon cœur, l’espoir de ma vieillesse,
Etoile solitaire en mon cœur orageux,
Ma Caroline, avec ces poétiques jeux,
Reçois le pur encens de toute ma tendresse.
J’invoque, pour veiller sur ta frêle jeunesse,
Ta noble mère, assise au séjour des heureux ;
Ah ! puisse, cher enfant, notre zèle et nos vœux,
Vers un port de bonheur diriger ta faiblesse !
Un jour, lorsque le temps et la réflexion
Chasseront les vapeurs de tes illusions,
A mes mânes errants tu diras je l’espère :
Ami, tu disais vrai : le monde avec ses fleurs,
Ses plaisirs d’un moment, ses trompeuses erreurs,
Ne remplace jamais l’amour d’un tendre père.

Q15  T15  sns

Nous t’aimions bien jadis quand sur ta triste harpe — 1849 (2)

Baudelaire in La Silhouette

A une jeune saltimbanque

Nous t’aimions bien jadis quand sur ta triste harpe
Tu raclais la romance, et qu’en un carrefour,
Pour attirer la foule à voir tes sauts de carpe,
Un enfant scrofuleux tapait sur un  tambour;

Quand tu couvais de l’oeil, en tordant ton écharpe,
Quelque athlète en maillot, Alcide fait au tour,
Qu’admire le bourgeois, que la police écharpe,
Qui porte cent kilogs et t’appelle mamour.

Ta guitare enrouée et ta jupe à paillettes
Etalaient à nos yeux le rêve des poëtes,
La danseuse d’Hoffmann, Esmeralda, Mignon.

Mais déchue à présent, te voilà, ma pauvre ange,
Sultane du trottoir, ramassant dans la fange
L’argent qui doit soûler ton rude compagnon.

Q8 – T15 Paru sous la signature de Privat d’Anglemont ce sonnet à été restitué à Ch.B. par W.T. Bandy.

Lorsque dans ma route isolée — 1848 (5)

Eugène Debons Chants d’amour

Lorsque dans ma route isolée
Ton regard vient, plein de douceur,
Me montrer la voûte étoilée
Où s’élance mon cœur ;

Tel, se glissant, dans la vallée,
Un joyeux rayon de chaleur
Rend à la fleur étiolée
La vie et le bonheur.

Quand ton sourire, après l’orage,
Dissipe le sombre nuage
Qui me voilait les cieux ;

O blanche étoile de mon âme !
Qu’il m’est doux, guidé par ta flamme,
De baiser tes beaux yeux !

Q8  T15  2m

Aux murs où Jean Calvin brûla Michel Servet, — 1848 (4)

Charles Didier La porte d’ivoire


A Jacques-Imbert Gallois

Le poète :  Mais, monseigneur, il faut bien que je vive
Le Cardinal de Richelieu : je n’en vois pas la nécessité.

Aux murs où Jean Calvin brûla Michel Servet,
D’agio vit et vit bien le banquier magnifique ;
Bien vermeil et bien gras, le bourgeois prolifique
Se fait du doux rien-faire un commode chevet.

Au nom du plébéien qui souffrait, qui sauvait,
Le prédicant bavard du Dieu vivant trafique,
Et, damnant son prochain d’une voix séraphique,
Il mange bien, boit mieux et dort sur un duvet.

Le danseur vit du bal, le docteur de la goutte,
Sur le char du budget le pédant fait la route,
Comme un singe autrefois le fit sur un dauphin.

La courtisane vit de ses banales veilles,
L’espion est payé pour avoir des oreilles,
Le parasite dîne …. et le poëte a faim.

Genève, 1827

Q15  T15