Archives de catégorie : shmall

Quelconque une solitude — 1899 (30)

Mallarmé Poésies

Petit air

I

Quelconque une solitude
Sans le cygne ni le quai
Mire sa désuétude
Au regard que j’abdiquai

Ici de la gloriole
Haute à ne la pas toucher
Dont maint ciel se bariole
Avec les ors de coucher

Mais langoureusement longe
Comme de blanc linge ôté
Tel fugace oiseau si plonge

Exultatrice à côté
Dans l’onde toi devenue
Ta jubilation nue

shmall – 7s

Pas les rafales à propos — 1899 (29)

Mallarmé Poésies

Billet

Pas les rafales à propos
De rien comme occuper la rue
Sujette au noir vol de chapeaux;
Mais une danseuse apparue

Tourbillon de mousseline ou
Fureur éparses en écume
Que soulève par son genou
Celle même dont nous vécûmes

Pour tout, hormis lui, rebattu
Spirituelle, ivre, immobile
Foudroyer avec le tutu,
Sans se faire autrement de bile

Sinon rieur que puisse l’air
De sa jupe éventer Whistler.

shmall – octo

Ta paille azur de lavandes, — 1899 (28)

Mallarmé Poésies

Chansons bas

II
(la Marchande d’Herbes Aromatiques)

Ta paille azur de lavandes,
Ne crois pas avec ce cil
Osé que tu me la vendes
Comme à l’hypocrite s’il

En tapisse la muraille
De lieux les absolus lieux
Pour le ventre qui se raille
Renaître aux sentiments bleus.

Mieux entre une envahissante
Chevelure ici mets-là
Que le brin salubre y sente,
Zéphirine, Paméla.

Où conduise vers l’époux
Les prémices de tes poux.

shmall – 7s

Hors de la poix rien à faire, — 1899 (27)

Mallarmé Poésies

Chansons bas

I
(le Savetier)

Hors de la poix rien à faire,
Le lys naît blanc, comme  odeur
Simplement je le préfère
A ce bon raccomodeur.

Il va de cuir à ma paire
Adjoindre plus que je n’eus
Jamais, cela désespère
Un besoin  de talons nus.

Son marteau qui ne dévie
Fixe de clous gouailleurs
Sur la semelle l’envie
Toujours conduisant ailleurs.

Il recréerait des souliers,
O pieds, si vous le vouliez!

shmall – 7s

Tout à coup et comme par jeu — 1899 (25)

Mallarmé Poésies

Feuillet d’album

Tout à coup et comme par jeu
Mademoiselle qui voulûtes
Ouïr se révéler un peu
Le bois de mes diverses flutes

Il me semble que cet essai
Tenté devant un paysage
A du bon quand je le cessai
Pour vous regarder au visage

Oui ce vain souffle que j’exclus
Jusqu’à la dernière limite
Selon mes quelques doigts perclus
Manque de moyens s’il imite

Votre très naturel et clair
Rire d’enfant qui charme l’air

shmall – octo

La chevelure vol d’une flamme à l’extrême — 1899 (23)

Mallarmé Poésies

La chevelure vol d’une flamme à l’extrême
Occident de désirs pour la tout éployer
Se pose (je dirai mourir un diadème)
Vers le front couronné son ancien foyer

Mais sans or soupirer que cette vive nue
L’ignition du feu toujours intérieur
Originellement la seule continue
Dans le joyau de l’oeil véridique ou rieur

Une nudité de héros tendre diffame
Celle qui ne mouvant astre ni feux au doigt
Rien qu’à simplifier avec gloire la femme
Accomplit par son chef fulgurante l’exploit

De semer de rubis le doute qu’elle écorche
Ainsi qu’une joyeuse et tutélaire torche

shmall

Pour oublier la vie et ses — 1899 (8)

Léopold DauphinCouleur du temps

Miousic
à Georges Auriol

Pour oublier la vie et ses
Leurres, les plumes que nous prîmes
Exerçons-les en des essais
Où s’entrelaceront nos rimes.

Ce nous vaudra mieux que d’aller
Au café casser du fort sucre ,
Ou, sur les chemins, pédaler,
A pneu-que-veux-tu, vers le lucre.

Lorsqu’au bout de nos vers le vol
Papillonnant des rimes vierges
Se pose, il n’est plaisir plus fol,
Et nous lui devons de beaux cierges.

Lyrique et funambule ami,
Accordons-nous: ut, sol, la, mi.

shmall – octo

Si ne sont verts ni bleus et les verts et les bleus — 1899 (7)

Léopold DauphinCouleur du temps

Guirlande mortuaire tressée pour l’ami
Je la suspends aux fers noirs de la tombe où je pleure . L. D.
… une lune est brisée, une étoile s’est éteinte – Ferdinand Loviot
Alors se voiler la face de sanglots moins par le cauchemar que dans le  sinistre bris de tout exil; qu’est-ce le Ciel? – Mallarmé – Divagations –

Si ne sont verts ni bleus et les verts et les bleus
Dissipés bien avant qu’au souffle des névroses
S’effacent nos Passés dans l’oubli nébuleux
Où roses aussi plus les roses ne sont roses

Déjà que cependant nés meurent nos Présents
Ras fauchés par le dur tranchant des heures brèves
Encor ne nous laissant quelle part des présents
Dont la vie illumine éphémères leurs rêves

Sous le tertre fatal se perdent les chemins
Noirs et vides combien si peu vers, bleus ou roses
Que sont inquiétants Futurs nos lendemains
Dehors les aujourd’huis et les hiers sans roses

Mais le ciel de l’Enfer au profond du Léthé
Mire, splendide horreur, son éternel été.

shmall

A toi, pauvre vieux, je souhaite — 1897 (5)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris

Souhaits à Léopold Dauphin
1er janvier 1897

A toi, pauvre vieux, je souhaite
De vivre tel que te voilà
Avec les maux par-ci, par-là,
Et la rage d’être poète.

Pour que la douleur si souvent
Morde ton corps et le pâlisse
(Dixit Monsieur de la Palisse)
Il faut que ton corps soit souffrant:

Tu souffres, donc tu vis, que diable!
Et vivre est encor, vois-tu, vieux,
Ce qu’on nous a trouvé de mieux
Pour rendre la vie enviable.

Sois résigné, deviens meilleur
Et bon poète, rimailleur.

shmall – octo

L’arrière saison s’avance — 1897 (4)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris

« Fais dodo …  »

L’arrière saison s’avance
Avec, cortège automnal,
Les heures de connivence
Agissant pour le final.

Et mon âme, guêpe pâle,
Reste calme vers le soir
Des apeurements, du râle
Où vient la fin sans surseoir:

Elle écoute si l’appelle
Quelque voix par les ailleurs
Indifférente à la pelle
Lugubre des fossoyeurs.

La Terre n’est pas méchante:
Une berceuse, elle chante.

shmall – 7s