Archives de catégorie : 15v

Ce poème s’écrit sous l’oeil d’un charpentier — 1995 (1)

Jacques Réda L’incorruptible

Le charpentier

Ce poème s’écrit sous l’oeil d’un charpentier
Qui s’active au sommet de la maison voisine
Avec des bruits de clous, de brosse et de mortier.
Peut-être me voit-il, et la petite usine

Que font ma cigarette, un crayon, la moitié
D’une feuille où ma main hésitante dessine,
Comme un échantillon d’un étrange métier
Qu’on exerce immobile au fond de sa cuisine;

A chacun son domaine. Il faut dire pourtant
Que, du sien, mon travail n’est pas aussi distant
Qu’il peut le croire: lui, répare une toiture

Tuile à tuile, et moi mot à mot je me bâtis
Une de ces maisons légères d’écriture
Et je sors volontiers, laissant là mes outils,
Pour aller respirer un peu dans la nature.

Q59 – T14 + d – 15v

Paf ! d’un bond rivière ! — 1983 (5)

Jacques Demarcq Derniers sonnets

Celle même, miss, taire
(ter)

Paf ! d’un bond rivière !
taille-doigt, d’ôte queuté
sur l’abrège : pater
d’un gué) dans les pognes

Aléa, Jacques t’es
tu parles ! d’un cutter
papa-rasoir ? gnon
castrat, d’compendium

Ca laisse des légions
en gaule) t’es fort guère
gars ! depuis que Rogne

Est-ce ? la pine de niée
sort d’cité : un gnome
Compiègne
où t’es né

Complet’ment … Sonnets !

1983 (3-5) : une séquence de 3 sonnets. Rimes orales, on lit la formule suivante , valable pour les trois:  abac  badc  dac  bcb b . Reprises de sonnets à sonnet (à vous de voir comment)
Les vers sont de 5 positions (comptées oralement). Un quinzième vers, de longueur variable, rime avec le quatorzième
Les strophes sont signalées par la majuscule de leur premier vers.
Homophonies à débusquer

L’oiseau, qui est site — 1983 (4)

Jacques Demarcq Derniers sonnets

Celle même, miss, taire
(bis)

L’oiseau, qui est site
lieu ! de m’écouter
l’âme d’ici : t’invite
pourquoi forêt ? stère

Sans phallé : d’où t’es
coup ça biche, touriste
chair urge ) oui dare-dare
spasme ! le guérit ver

Avec un d’César
au rut) bite qu’on risque
gare ! à ton guerrière

Tant saigne, qu’impregne
dans l’ouate, on trop perd
con
piège où t’es né

Mentionné …

Souvent me suis, comme un con, pris — 1965 (7)

Olivier Larronde L’ivraie en ordre (ed. 2002)

A sa queue

Souvent me suis, comme un con, pris
A rêver, un doigt sur ta nuque
De trancher le sphinx incompris
Qui, bien membré, me laisse eunuque.

Puisque tu n’appartiens qu’à toi.
Si je t’osais tailler en pipe
Gicler au visage des rois
Plutôt que visiter la tripe.

Exaspérant bête. Joie
Lors, à mâchonner impuissant
Ton pétale, qui le rougeoie.

Son menstruel frère de sang!
Va, d’autre tunique – mon chat, loir
Sans griffe et d’épine que toi -,
Cauchemarde le nonchaloir.

Q59 – cdc dec e – octo – 15v

L’amoureuse immuable au fétiche de bête — 1957 (2)

Pierre-Jean JouveLA VIERGE DE PARIS

L’homme fatal

L’amoureuse immuable au fétiche de bête
N’avait pas négligé son soulier de satin
Remuements de peau neuve et toisons cris de têtes
Assouvissement vaste! Et des années plus loin

Il recherchait partout une sombre catin
Voisine: aux armes de Ses poids et de Ses bêtes
Sans jamais revenir à Son cœur clandestin
Sans être désembrassé de Ses bras funestes.

Cependant d’autres femmes nues et élancées
Dont les mains rappelaient le pouvoir de la mer
Dans les villes passant lui faisaient souvenir

Par son étrange ride et forte dignité
De la Nudité rousse au sein décapité
Qui plus ancienne encor que l’amoureuse amère
De son enfance avait plongé jusqu’à la mort.

Q8 – ccx ddx y – 15v

Des croix basques décoraient la maison — 1946 (6)

Armen Lubin Le passager clandestin

Sanatorium dans les Hautes -Pyrénées

Des croix basques décoraient la maison
Où des choses élevées étaient en danger de chute.
Les poitrinaires ne pensaient qu’à leurs minces cloisons
Des leurs membres étendus amortissant les disputes.

Au milieu d’une jeunesse restée à l’état larvaire
Les outils nobles avaient été posés de travers
Et tout se refusait. Absence complète
Dans le sentier réservé au passage du prophète.

Mais le pays d’automne bruissait le soir
Lorsqu’une mésange sur une poitrine en dentelle
Se posait avec sa confiance intacte.

Délicates ondes et bondissantes goutelettes
Nous rassuraient sur les intentions réelles des Pyrénées
Déjà presque seraines par endroit,
La boite à outils devenait visible au sommet de l’Ararat.

Q58 – T exc – m.irr – 15v

L’homme s’enfuit, le cheval tombe, — 1926 (3)

Paul Eluard Capitale de la douleur


Le jeu de construction
A Raymond Roussel

L’homme s’enfuit, le cheval tombe,
La porte ne peut pas s’ouvrir,
L’oiseau se tait, creusez sa tombe,
Le silence le fait mourir.

Un papillon sur une branche
Attend patiemment l’hiver,
Son cœur est lourd, la branche penche,
La branche se plie comme un ver.

Pourquoi pleurer la fleur séchée
Et pourquoi pleurer les lilas?
Pourquoi pleurer la rose d’ambre?

Pourquoi pleurer la pensée tendre?
Pourquoi chercher la fleur cachée
Si l’on n’a pas de récompense?
– Mais pour ça, ça et ça.

Q59 – tercets non rimés – 15v

Le pré est vénéneux mais joli en automne — 1913 (13)

Guillaume Apollinaire Alcools

Les Colchiques

Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne

Les enfants de l’école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne

Q10  – T13 -y=x: e=a  – 15v – disp: 7+5+3m.irr.On peut à la rigueur considérer qu’il s’agit d’un sonnet, si on admet qu’il a été ‘dénaturé’ par le découpage en deux vers de l’alexandrin ‘Les vaches y paissant ..’ (qui a eu lieu sur épreuves) et le déplacement des frontières strophiques.

Les spécieuses, les prenantes rêveries — 1905 (12)

John-Antoine Nau in Les écrits pour l’art

Roses jaunes

Les spécieuses, les prenantes rêveries
S’envolent de ton front où le caprice dort
De ton front pâle et chaud comme un lys au cœur d’or
Et s’enroulent dans nos têtes endolories,

Vapeurs de Hells ou de Walhallas trop fleuries,
Nuages de vertige embaumés de l’odor
Di fémina, vitale aube ou suave mort …
………………………………………………………………………
Tel au parc affolés de trompeuses féeries …

Dans le soir, d’un sachet, orchestre de parfums,
Bosquet lyre, s’éveille en pervers accords bruns,
Et s’émane le chant trouble des roses jaunes,

Hymne subtil et dur en ses fausses langueurs, –
Amoureuses, non – implacables aumônes
Qui glissent un affreux émoi des sens aux cœurs.

Q15 – T14 – 15v – Un vers faits de points allonge le poème. Le vers 3 est ‘racinien’ (douze mots sur le modèle de ‘le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur’).

Et puis en somme, et malgré tout, — 1900 (12)

Camille Mauclair Le sang parle


Epilogue,     III

Et puis en somme, et malgré tout,
Que j’aie été mauvais ou fou,
Voici des vers et des pensées
Qui vous seront fruits et rosées.

Voici bien des choses blanches,
Toute lueur qui fut en moi,
Toute la source qui s’épanche,
Et mon cœur aride en fait foi.

Franchissez-vous, goûtez l’arôme,
Que votre cœur vous soit très doux!
Entendez la source qui pleure …

J’étais le verre, et voici le baume,
Le flacon est brisé, parfumez-vous,
Mon glas ne sonne pas votre heure …

Oubliez-moi, mais aimez-vous.

Q56- T36 + d –   y=x (d=a) – 15v  octo