Archives de catégorie : octo

octosyllabe

Si, subtile, le petit nez — 1890 (3)

Mallarmé in Oeuvres complêtes – Poésies (ed. Barbier-Millan)


Pour un baptême

Si, subtile, le petit nez
Eblouissant noyé dans telle
Candeur de rires devinés
Que s’entr’ouvre cette dentelle,

Le filial instinct vous prit,
Orgueilleuse, mais la seconde,
De ressembler par son esprit
Tout bas à votre aïeule blonde,

Conservez, des fonts baptismaux,
Afin qu’il se volatilise
Miraculeusement en mots
Natifs et clairs comme une brise,

Mademoiselle Mirabel
Sur la langue le grain de sel.

shmall – octo

La Gloire, comme nulle tempe — 1890 (2)

Mallarmé in Oeuvres complêtes – Poésies (ed. Barbier-Millan)

Sonnet à Valère Gille

La Gloire, comme nulle tempe
Encore mi-poivre mi-sel
Ne s’y dora selon la lampe,
De si tôt paraître missel

Ce l’est, avec le commentaire
Par entrelacs colorié:
Je me sens un peu comme en terre
Allé refleurir le laurier.

Le beau papier de mon fantôme
Ensemble sépulcre et linceul
Vibre d’immortalité, tome,
A se déployer pour un seul

Dans le gothique, d’évangile
Par vous rêvé, Valère Gille.

shmall – octo

De frigides roses pour vivre — 1890 (1)

Mallarmé in Oeuvres complêtes – Poésies (ed. Barbier-Millan)


Eventail de Méry Laurent

De frigides roses pour vivre
Toutes la même interrompront
Avec un blanc calice prompt
Votre souffle devenu givre

Mais que tout battement délivre
La touffe par un choc profond
Cette frigidité se fond
En du rire de fleurir ivre

A jeter le ciel en détail
Voilà comme bon éventail
Tu conviens mieux qu’une fiole
Nul n’enfermant à l’émeri

Sans qu’il y perde ou le viole
L’arôme émané de Méry

Q15 – T14 – banv – octo

Tous deux avons ce travers — 1889 (29)

Verlaine Dédicaces

A Paterne Berrichon

Tous deux avons ce travers
De raffoler des bons vers
Et d’aimer notre repos.

Aussi tout, jusqu’aux hasards,
Punit sur nos tristes peaux
Ces principes de lézards.

Alors parfois nons rancunes,
Ne connaissent plus d’obstacles,
Oeuvrent sans mercis aucunes,
Toutes sortes de miracles.

Si que la pante morose
S’indigne que, mal civile,
La muse métamorphose
Le lézard en crocodile.

s.rev  octo  QU fem – T masc

Savantissimo Doctori — 1889 (28)

Verlaine Dédicaces


A Louis et Jean Jullien

Savantissimo Doctori
Bonissimoque Scriptori,
Au frère et puis encore au frère

Ce sonnet les jambes en l’air
Qui commence à chanter son air
En pur latin de feu Molière !

Ce sonnet pour dire à tous deux
Sur un ton badin mais sincère
Que je les aimes bien et serre
Leurs loyales mains à tous deux.

Louis, malgré le sort contraire,
Salut à vous qui guérissez,
A vous aussi qui punissez
L’ordre bourgeois, Jean, mon confrère

s.rev  octo

L’Amour, entre deux madrigaux. — 1889 (19)

Henri Finistère in  Le Parnasse Breton contemporain

L’invention du sonnet

L’Amour, entre deux madrigaux.
De Pan raillait les vers rustiques :
— « Te tairas-tu, dieu des fagots,
« Depuis le temps que tu t’appliques

« A moduler sur tes pipeaux,
« Avec des sons mélancoliques,
« De monotones bucoliques
« Et de sempiternels rondeaux

— « Assez ! dit Pan, le front morose.
« Ferais-tu mieux, critique rose? »
L’Amour sourit d’un air moqueur,

Et de son carquois qu’il balance,
Comme un trait le Sonnet, s’élance…
Cupidon est toujours vainqueur.

Q9  T15  octo  s sur s

Les chiens perdus ont des fourrières ; — 1889 (12)

– Jules Jouy in Le Paris (d’après Patrick Biau, J.J. le ‘poète chourineur’)

Philosophe

Les chiens perdus ont des fourrières ;
Les cygn’ des boit’s sur leurs bassins ;
Les rodeurs de nuit, des carrières,
L’bagn’ sert d’hôtel aux assassins.

La nuit, au poste, les roussins
Ont d’quoi s’coucher sur leurs derrières ;
Les architect’s, pour un tas d’saints,
Ont creusé des nich’s, dans des pierres.

Eh bien, moi, pauvr’ vieux ouvrier,
Parc’ qu’on n’veut plus m’faire travailler,
J’peux mêm’ pas ronfler comm’ Gavroche !

Bah ! j’m’en fich’ d’avoir pas d’foyer ;
Car, si j’ai pas l’sou dans ma poche,
Au moins j’ai pas d’terme à payer.

Q11  T14 – octo Les vers sont comptés ‘oralement’ ce qui fait ‘peuple’. Mais Mr Jouy ne se permet pas de rimer un singulier avec un pluriel, ce qui est bien savant.

Je rêve d’être sous ton corps — 1889 (4)

Le Décadent

Jules Renard

Morvandelle

Je rêve d’être sous ton corps
Une barque fragile et neuve.
Tu ne vivras qu’entre mes bords
Plus solitaire qu’une veuve.

Tu tiendras toute entière en moi,
Car ma poitrine t’a saisie
Comme une prison; j’ai pour toi
De couler à ta fantaisie.

Ma rame bat avec langueur
Sur la mesure de ton coeur.
Puis, las d’amour, j’aurai la joie

Avec un simple tour de reins
De faire voir aux riverains
Comme une maîtresse se noie!

Q59 – T15 – octo

Mais lorsque MataMoréas — 1888 (32)

Jean Ajalbert in Le Figaro

« Un de nos spirituels auteurs explique le style bistourné des symbolo-décadents par ce fait qu’ils écrivent de la main gauche. Le duel morganatique de cette semaine prouvent qu’ils se battent de la même. Il s’agit du combat – singulier – entre le barine Rodolphe Darzens (de Carcassonne) et le klephte Papadiamantaupoulos dit: Jean Moréas (de Clichy-la-Garenne). Combat motivé par une altercation survenue à la Nouvelle-Athènes. Ce dernier réclamait l’épée – de Damoclès; mais on ne put s’entendre sur le choix de la couleur du cheveu. La rencontre a donc eu lieu avec de vulgaires épées, chez M. Fleuret, propriétaire à Villèle – près Médan.  »

Mais lorsque MataMoréas
Dans les bois fleuris de Villèle,
En grave danger se vit l’aile,
Le monocle ou le pancréas,

Se souvenant que chez Zola
Il est attendu, que c’est l’heure,
Avant que le fer ne l’effleure,
Pense à y mettre le holà!

Alors avec calme, il écarte
Le redouté contre de quarte
De son adversaire anormal

– Qui sérieusement l’agresse –
Et, nouveau sage de la Grèce,
Dit: VOUS ALLEZ ME FAIRE MAL!

Q63 – T15 – octo

Atteste l’inane d’oeuvrer! — 1888 (25)

?

Le Décadent

Doctrine
…. L’Idéal éclaté comme une pêche blette …..

Atteste l’inane d’oeuvrer!
Dis-en l’amer et le stupide:
Cueille ta bouche, Aganippide!
Et la jette à l’Oubli sacré.

Sois le mouton qui tond le pré
D’une langue toujours avide.
(Un char-à-bancs revient à vide
De la ducasse de Longpré).

Bâfre des viandes, bois des vins
Vide les mystiques levains …
Une tayolle* tord ses loques

Au torse abrupt des portefaix.
– Le bonnet d’Alberte se moque
De la grimace que je fais.

Q15 – T14 – banv –  – octo

« Notre excellent ami le docteur V***, à l’obligeance de qui nous devons la communication du sonnet d’Arthur Rimbaud publié dans l’avant-dernier numéro de notre Revue, veut bien se dessaisir encore en notre faveur d’un autre poème également inédit du regretté Maître. Tous nos remercîments au Docteur V pour la communication de « cette oeuvre inaugurale qui irradie – et de sorte que glorieuse! – le baume de Socrate et de Pythagore.  »

* mot absent du TLF