Archives de catégorie : Mètre

Maître, que l’on dit de Villon le frère, — 1913 (4)

Adrien RemacleLe Livre d’une jeunesse

Sonnet pour Paul Verlaine
« Il y eut plusieurs apôtres Paul, vers Damas  » Le Dépareillé
Argument: Paul, dans sa vie, un géant poète, effrayant, venant, leur frère, après les autres géants Charles d’Orléans, Villon, Vigny, Musset, Baudelaire, aussi grand qu’eux, aussi doux et tendre, plus doux et plus tendre qu’aucune tremblante brise humaine, et accroupi, acculé au roc d’une misère farouche qui était une grandeur de plus.

Maître, que l’on dit de Villon le frère,
Taureau très enfant, Platon sourcilleux,
Monstre en pleurs très doux de terribles yeux,
Humble et juste orgueil jadis et naguère,

Ton cœur si vibrant qui, délicat, erre
De l’amour humain vers celui des cieux,
Reste orphelin calme aujourd’hui que, vieux,
Ton amer Gaspard chante ta misère.

Tu n’as « balladé » tes belles margot;
Ni chanté « repue » en peine d’écot:
Tu restes dévot de la bonne Vierge,

Timide chrétien du péché confus,
Et, chantre indompté de l’horrible verge,
Quêtant du Seigneur pardons éperdus …

1886 Paris. Pavillon d’Assas

Q15 – T14 – banv – tara

Les foules sont depuis cent ans venues — 1913 (2)

Edouard DujardinPoésies

Hommage à Shakespeare – suite –

Les foules sont depuis cent ans venues
Contempler le tombeau de ceux qui ne furent point;
Sans cesse et du plus loin,
Des mains inconnues

Ont gravé leur hommage sur le sépulcre où ingénue
Flotte la vision du couple surhumain,
Et plus d’un
A prié, près de ce marbre, vers ces ombres inadvenues.

Ainsi, ciel vide, ciel désolé, ciel morne, où sûrement,
Nul dieu n’habite, nul père, et nul espoir! ô firmament
Désert, divinement ainsi tu brilles,

Et bien que tel l’esprit te sache vide, désert et désolé,
Tu demeures, ainsi que le tombeau du jeune amant de la jeune fille,
Notre foyer, notre amour, et notre clarté.

Q15 – T14 – banv – m.irr

Dans la barque, au ras des eaux, qui s’assoupit, — 1913 (1)

Edouard DujardinPoésies

Hommage à Mallarmé (Souvenir du voilier de Valvins)

Dans la barque, au ras des eaux, qui s’assoupit,
La voile large tendue parmi l’espace et blanche,
Tandis que le jour décroît, que le soir penche,
Le bon nocher vogue sur le fleuve indéfini.

A pleine voile, aussi, le soir, l’idée luit,
Au-dessus de la vie et du tourbillon et de l’avalanche,
Blanche en un encadrement de sombres branches,
Là-bas à l’horizon vague de l’esprit.

Maître,
Sur la rive d’où je vois votre voile apparaître,
Et dans mon âme que réconforte la clarté,

Je regarde et j’adore
Le rayonnement argenté
Qui dans le crépuscule semble une aurore.
1897

Q15 – T14 -banv –  m.irr

Carabin, prends ta carabine ! — 1912 (12)

André Salmon

L’amour médecin

Carabin, prends ta carabine !
– Car je présume que te navre
Ce manque absolu de cadavre –
Et dissèque ta concubine.

Feu ! et surtout point ne la rate.
La petite maîtresse est morte ;
Voici le cœur, voici la rate
De qui venait t’ouvrir la porte.

Voici ses seins joyeux, pivoines
Lourdes, ses poumons qu’un ultime
Soupir gonfle, et le péritoine.

Grimoire où l’œil de l’aruspice
Lit avec l’ordre du supplice
Rédempteur le pardon du crime.

Q62  T25  octo

Iris, quand ton cu dodeline — 1912 (8)

Fernand Fleuret Le Carquois du Sieur Louvigné du Dezert

Sonnet pour une belle Personne de qui l’on disoit que le gros Derrière avoit le balancement agréable d’un navire

Iris, quand ton cu dodeline
Souz les Ombres de ces jardins,
L’on ne sçait si ton pas chemine
Ou si tu vogues par chemins.

Ouy! Ce Sable est onde marine
Qui meurt au pié de ces Jasmins:
Sur elle ton cu se dandine,
Et ces Pigeons sont des dauphins.

Non! ce cu-là n’est qu’un derrière,
Et, lorsque tu l’assieds par terre,
Lasse des amoureux traffics,

Les Morts, que ta chaleur oppresse,
Erigent vers ta belle Fesse
Les pasles vits des Agarics.

Q8 – T15 – octo

Le Printemps et l’Automne ont mêlé leurs étreintes, — 1912 (7)

Louis Mandin Ariel esclave

Le Printemps et l’Automne

Le Printemps et l’Automne ont mêlé leurs étreintes,
Et leurs fruits et leurs fleurs, et la lumière de leurs yeux,
Et sont partis dans l’ombre où, comme une âme sainte
A l’horizon du soir s’élève une aurore sur eux.

Et leurs baisers sont pleins de rayons et de larmes.
Sans bruit, l’Automne pleure en sentant le froid et le soir,
Mais le Printemps sourit à l’aurore où les charmes
Des paradis perdus versent la féerie au sol noir.

Novembre, verras-tu des nids, la fleur nouvelle?
Car un miracle prend ton ciel et l’ensorcelle,
Et c’est l’aurore-amour où te voici transfiguré.

Dans les gouttes de fleurs va flamber son mirage.
Et, palpitants de ses mêmes baisers dorés,
Le Printemps et l’Automne ont même âge et même visage.

Q59 – T14 – 2m : les vers 2 ,4,6,8, 11 et 14 ont 14 syllabes

Il neige dans mon cœur …. et le printemps éclate — 1912 (2)

– Docteur Paul PersyLes sonnets de l’or (1903-1912) –

Triomphe

Il neige dans mon cœur …. et le printemps éclate
En fleurs
De vives et fastueuses couleurs
Partout le blanc, le bleu, le roi et l’écarlate.

La brise chaude – comme on flatte
Un visage d’enfant en pleurs –
Caresse ces blancheurs, ces roses enjôleurs,
Ces bourgeons incarnats que le soleil dilate.

Or, pendant que la vie infatigable sort
Des tiges qu’elle brise et qu’un souffle plus fort
Chasse en un vol d’or les corolles libres,

Les flocons froids tombent plus pressés dans mon cœur,
Glaçant, tordant, broyant ses fibres;
Et c’est la mort et son ricanement vainqueur.

Q15 –  T14 – banv – m.irr

Qui donc es-tu? toi qui te lèves — 1912 (1)

Raoul Lecomte, l’employé de métro poète – Recueil de poésies

Aurora (sonnet)

Qui donc es-tu? toi qui te lèves
Là-bas où paraît le soleil
Toi qui fait achever mon rêve
En souriant à mon réveil.

Resplendissante tu t’élèves
Embrasant l’horizon vermeil,
Décor sublime et sans pareil
Surgit dans la nuit qui s’achève.

De tes éclats éblouissants
Aux mille feux étincelants
Tu fais s’épanouir la flore.

Et parmi le calme serein
A ma fenêtre le matin
Je vois apparaître « L’aurore ».

Q9 – T15 – octo  – « Au fond du souterrain où ma vie se déroule »
En quatrième de couverture: « Toi qui souffres et te lamentes / Ayant des troubles dans le cœur, / De Ricqlès prend l’Alcool de Menthe / Tu trouveras le vrai bonheur // »

Ma douce enfant ma gosseline, — 1911 (1)

Arthur Cravan Premiers poèmes (1908-1911)

Solo de soir

Ma douce enfant ma gosseline,
Le golfe dort adamantin
Seul quelque obstiné galantin
Pince un lento de mandoline.

Dans la brise frôlant câline
Comme une manche de satin,
Goûtons ce soir napolitain,
Suave ainsi qu’une prâline

Qui fond au cœur exquisément.
Un oiseau dans l’enchantement
Rossignole avec véhémence.

Nous écouterons si tu veux
Sa sentimentale romance
Car il lune dans tes cheveux.

Q15 – T14 -banv –  octo

J’ai voulu plonger jusqu’au fond dans ta chair, — 1910 (7)

Paterne Berrichon Poèmes décadents 1883-1895

Vertige

J’ai voulu plonger jusqu’au fond dans ta chair,
Front bas, pieds joints, tout; et j’en suis revenu
Sans moi, rien qu’avec encor de derme cher
A soi trop assez pour s’aimer vil et nu

Sous l’âcre épreinte du jeu de ta chair nue,
O panthère aux plasmatures de vachère!
Pour s’aimer vers toi, bien haïe et connue
D’abord comme, et toujours ensuite, en enchère,

Si que, des baisers d’un bain de chair mieux cher
De retour, je voudrais plonger dans ta chair:
Le démon de Poe et qu’Eve avait connu,

Ce soir de sang, vêt de pourpre maraîchère
Ses replis d’appels senestre sur ta nue,
O vachère à redondances de bouchère!

Q11 – T14  -Qu1 masc Qu2 fem – 11s