Archives de catégorie : Mètre

Ma sœur, ce seraient des jours de silence — 1904 (4)

Charles Derennes – L’enivrante angoisse

Ma sœur, ce seraient des jours de silence
Et, sur le penchant bleuté des collines,
Argentines et cristallines
Les clochettes du troupeau dense.

Des jasmins flétris que le vent balance
Et, peut-être, loin, des chansons câlines,
– Mandolines sous les glycines; –
Et peut-être quelque souffrance.

Quelque nuage au bleu du jour,
Un peu de rêve, un peu d’amour,
Quelque parfum trop lourd de fleur;

Quelque souvenir, quelque pleur,
Trop de langueur lassant le cœur,
Ou, peut-être, trop de bonheur ….

Q15 – T12  m.irr

Dans le frais jardin contigu — 1904 (2)

Alphonse Allais Mes insolations –

L’aquarelle

Dans le frais jardin contigu
A ma chétive maisonnette,
Peint – sous le soleil chaud, aigu –
L’enfant chétive mais honnête.

Dans un récipient exigu
Ses petits pinceaux font trempette:
Pinceaux poil de cheval bégu,
Poil de blaireau, poil de belette.

Elle aquarellise, vraiment,
Elle est bien dans son élément,
La vierge aux poses si gentilles.

Musset ne l’a-t-il pas chanté,
Avec sa grande autorité?
Aquarell’ veut les jeunes filles!

Q8 – T15 – octo   (TLF) bégu ; [En parlant d’un cheval, d’une jument] Dont les incisives conservent la cavité externe au-delà de l’âge normal (10 ans en moyenne)

O crapaud, que ta nuit est belle — 1904 (1)

Léon Deubel Vers de jeunesse

O crapaud, que ta nuit est belle
Par ton art sobre et trémébond,
Et comme tu manquerais à elle
Rêveur, proscrit et vagabond!

Lazzaron des Naples lunaires,
Christ des infiniment petits,
Morne Caïn des accroupis
Chassé des marges de lumière,

Affirme ta douceur têtue
D’être angoissé qui s’évertue
Derrière un Nirvanah profond;

Moi, je m’endors à ton bruit sec,
L’âme grise, la pipe au bec,
Et le pâtis jusqu’au menton.

Q59 – T15 – octo

Il part très atteint et sans mot dire ; — 1903 (7)

Dr Abdullah-Djevdet-Bey in La jeune Champagne

D’un amour répudié

Il part très atteint et sans mot dire ;
Ses douleurs et ses aveux d’amant
Il les garde comme un diamant
Dans son cœur qui n’a pas su maudire.

Un silence rogue l’accompagne :
Il va tuer son rebelle espoir.
Il s’éloigne à travers la campagne
Où se déploie un triste soir.

Devant lui s’étire le chemin
Et se peuple d’images fatales
Soûles d’extases orientales.

Bref fut l’espoir, longue est l’agonie,
Et voici que le rêve d’hymen
Nimbe la funèbre symphonie.

Q62  T34  9 syll (v.8 : octo !)

Faire un sonnet semble chose facile; — 1903 (6)

L.D. Bessières Mes trois sansonnets

Le sonnet

Faire un sonnet semble chose facile;
L’alexandrin et le versiculet
S’y prêtent, mais, fait ou non d’un seul jet,
Le réussir en tout est difficile.

Il n’y faut mettre un seul mot inutile,
Lui bien donner la couleur du sujet;
Qu’il soit mordant, amoureux, indiscret,
Extravagant, sérieux, ou futile.

Mais commencer, avant d’avoir rien fait,
Par composer le deuxième tercet;
S’il est bon, c’est la moitié de l’ouvrage.

Car là devra se porter tout l’effet,
Le coloris, la plus puissante image
Qui doit former la chute du sonnet.

Q15 – T14 – banv –   – s sur s  déca

D’aucuns, très loin de Charenton, — 1902 (16)

Vincent Hyspa in Léon de Bercy : Montmartre et ses chansons

Sonnet Express

D’aucuns, très loin de Charenton,
Piquent d’innocents hannetons ;
D’autres ne piquent, on le sait,
Que vers, fards, renards ou veau frais.

Moi, j’ai piqué dans mon plafond
Une araignée aux doigts si longs
Que voici la pensée express
Qu’ils chatouillent pour vous exprès :

La ligne droite, dites-vous,
Est le plus court chemin d’un point
A un autre – Eh bien ! ce n’est point !

Le plus court chemin, entre nous,
Malgré sa ligne de travers,
C’est encor le Chemin de Fer.

Q1  T30  octo

Sous votre petit blanc bonnet, — 1902 (11)

F.A CazalsLe jardin des ronces

Sonnet à l’infirmière

Sous votre petit blanc bonnet,
Blanc bonnet, bonnet blanc qu’on jette
Par-dessus – sautez et tournez –
Tous les moulins de la Galette !

Vous trottez et vous trottinez,
Telle, en d’autres temps, Marinette,
Souriant à quel Gros-René
Sous votre bonnet de soubrette ?

Vous prenez un air virginal
Pour, avec un geste adorable,
Présenter, quoi donc ? l’urinal ! …

Cependant qu’un vieil incurable,
Mis en goût par son lavement,
Vous mange des yeux goulûment !

Q8  T14  octo

Bon! l’ami Raynaud m’accuse — 1902 (9)

F.A CazalsLe jardin des ronces

Vers de Bohème

Bon! l’ami Raynaud m’accuse
D’avoir un poil dans la main…
Comment trouve-tu, ma Muse
Cette pierre en mon jardin?

Est-ce à dire, d’aventure,
Qu’un poil serait tout mon bien?
Toi, qui connais ma nature,
Réponds-lui qu’il n’en est rien.

Qu’en Bohème je travaille,
Que je raisonne, rimaille
Sans rimes et sans raisons,

Soit! Mais lorsque je m’amuse
Avec toi, petite Muse,
Qu’ai-je dans la main? Gazons …

Q38 – T15 – 7s la rime ‘a’ : use – la rime a’ : ure