Archives de catégorie : Mètre

Sous les terrasses du Royal défilent les goums — 1902 (6)

Henri Jean-Marie LevetCartes Postales

Algérie – Biskra
A Henry de Bruchard

Sous les terrasses du Royal défilent les goums
Qui doivent prendre part à la fantasia:
Sur son fier cheval qu’agace le bruit des zornas,
On admire la prestance du Caïd de Touggourth …

Au petit café maure où chantonne le goumbre
Monsieur Cahen d’Anvers demande un cahouha:
R.S. Hitchens cause à la belle Messaouda,
Dont les lèvres ont la saveur du rhât-loukoum …

Le soleil, des palmiers, coule d’un flot nombreux
Sur les épaules des phtisiques radieux;
La baronne Traurig achète un collier d’ambre;

La comtesse de Pienne, née de Mac-Mahon
Se promène sur le boulevard Mac-Mahon …
– « Hein! Quel beau temps! se croirait-on à fin décembre?  »

Q15 – T15 – m.irr  – Mètre désinvolte

Que reste-t-il de la Suzette, — 1901 (6)

Charles-Adolphe Cantacuzène Sonnets en petit deuil

Suzette

Que reste-t-il de la Suzette,
Que reste-t-il de la Suzon?
Quand j’y pense, mon cher poète,
J’ai des frissons dans la raison!

Eteignons les flambeaux de fête,
Car douloureux est leur rayon
Depuis que la Suzon est cette
Noble poussière en du linon!

Mais moins m’affligerait la perte
De cette Suzannette, certe,
Si j’étais très sûr que là-bas

Où gît sa forme gracieuse,
Elle connaît, l’âme rieuse,
Le grand bonheur de n’être pas!

Q8 – T15 – octo

On la descend dans le grand trou, la chérie, — 1901 (2)

Charles-Adolphe Cantacuzène Sonnets en petit deuil

On la descend

On la descend dans le grand trou, la chérie,
La bonne fillette aux clairs yeux lilas!
Tranquille, elle vivait dans ses falbalas –
Petite fille sachant la pauvre vie!

La terre la reprend: terre, je t’envie!
Je perds une amoureuse aux bras délicats,
Une enfant qui toujours me serrait le bras, –
Tu gagnes une chair polie et fleurie!

Je ne la verrai donc plus les soirs de mai
Et d’octobre venir tout comme un bienfait
Surtout comme un sourire en marche vers l’âme.

Je te vois disparaître, ô toi qui fus toi! –
Toi qui fus toi, moi! – toi, mon unique foi! –
O sœur, ô mère, ô fille! ô toi seule femme!

Q15 – T15 – 11s

Sur le petit chemin latéral — 1901 (1)

Charles-Adolphe Cantacuzène Sonnets en petit deuil

Sur le petit chemin latéral

Sur le petit chemin latéral
Quelques violons avec folie
Font résonner le langoureux val
De leur musique lente et jolie.

C’est un tendre chant hyménéal
Où, doux, le cœur à l’âme s’oublie, –
Et mon vague amour se trouve mal
Par la fraîche nuit déjà pâlie.

La passion, l’orgueil et l’espoir
Me sont un vide affreusement noir
Qui se débat dans l’âme torride ….

Mais peut-être que les violons
Et ces amoureux aux rêves blonds
Sentent dans leur cœur le même vide.

Q8 – T15 – 9s

Je voudrais t’enguirlander de mille phrases enclose — 1900 (17)

Nathalie Clifford-BarneyQuelques portraits-sonnets de femmes

XIV

Je voudrais t’enguirlander de mille phrases enclose
En des rythmes gracieux aussi cambrés que tes pieds,
Talonner les mots de rouge afin que, si ça te plaît,
Tu puisses marcher dessus, haussant ta beauté mi-close.

Qui donc te réveillera, l’âme gaie où se repose
Tout un souriant jadis couronné de menuets,
Où se mêle au decorum plus d’un propos indiscret
Fait pour enrichir celui qui les joliment propose ?

Belle de cour, cheveux poudrés, audaces de clair minuit,
Que le madrigal polit l’avide regard qui luit
Sur les cous frêles et blancs de si mignonnes marquises !

« Oh ! les jeunes gens banals ! » et leurs brusques flirtations !
Qu’ils heurtent brutalement les demi-vierges exquises
D’un passé glorifié par ton imagination !

Q15  T14 – banv –   14s

Rien ne te peut toucher, rien ne t’émeut, — 1900 (16)

Nathalie Clifford-BarneyQuelques portraits-sonnets de femmes

XIII

Rien ne te peut toucher, rien ne t’émeut,
Ton cœur est éclos dans un grand bloc de glace
Tout se brise au mur de sa calme surface,
Ta chair semble de marbre et d’airain tes yeux.

Ta passivité brave même les dieux,
Et ta vierge beauté fait rêver l’audace
Qui s’éteint de trop voir ta froideur en face
Pétrifiant tout, l’amour comme les feux.

Tu sembles un gouffre où ton rire sans joie
Veut ce qui plane et l’appelle pour proie
Afin de combler ton goût pour le néant.

Tes seins sont deux fleurs grandes épanouies,
Berçant le poison de leur laiteuse envie
Comme des cygnes sur un étang stagnant.

Q15  T15  11s

Et puis en somme, et malgré tout, — 1900 (12)

Camille Mauclair Le sang parle


Epilogue,     III

Et puis en somme, et malgré tout,
Que j’aie été mauvais ou fou,
Voici des vers et des pensées
Qui vous seront fruits et rosées.

Voici bien des choses blanches,
Toute lueur qui fut en moi,
Toute la source qui s’épanche,
Et mon cœur aride en fait foi.

Franchissez-vous, goûtez l’arôme,
Que votre cœur vous soit très doux!
Entendez la source qui pleure …

J’étais le verre, et voici le baume,
Le flacon est brisé, parfumez-vous,
Mon glas ne sonne pas votre heure …

Oubliez-moi, mais aimez-vous.

Q56- T36 + d –   y=x (d=a) – 15v  octo

Je ne sais pas ce que je dis, — 1900 (11)

Camille Mauclair Le sang parle

Epilogue, I

Je ne sais pas ce que je dis,
Car c’est un autre qui le dit:
Moi, vous me connaissez, mais lui seul vous connaît
Et vous mourez lorsqu’il renaît.

Je ne sais pas, mais il sait tout,
Puisqu’il est Dieu, j’ai l’air d’un fou
N’écoutez pas, puisqu’il entend,
Méprisez-moi, il me pardonne.

Tout ce que j’ai, je vous le donne,
C’est lui qui me l’avait donné:
Voici mes fleurs qui sont des fleurs,

Voici mes pleurs qui sont ses larmes,
Voici mon cœur qui vient de lui,
Prenez-moi pour l’amour de Lui.

aabb ccxd dyz uee – octo sauf vers 3