Archives de catégorie : Mètre

Chacune de tes fleurs renferme dix baisers — 1887 (14)

Julles Nollée in Revue de Paris et de Saint-Petersbourg

A Mademoiselle ***, pour accuser réception d’une boite contenant des fleurs odorantes

Chacune de tes fleurs renferme dix baisers
Qui me sont destinés, dis-tu. Total : soixante !
Cette somme serait pour tout autre importante
Et le mettrait au rang des amoureux aisés.

Hélas ! de moi le ciel fit un enfant prodigue.
Je vis comme un torrent que nulle main n’endigue.
Pauvre dissipateur, je me trouve aux abois,
Car mes lèvres ont pris le tout en une fois.

Cigale au front léger, je viens crier famine !
Comment à mon destin faire meilleure mine ?
Iras-tu m’envoyer au bal ?

Montre que la fourmi parfois est secourable,
Et, voulant à tout prix faire mentir la fable,
Renouvelle mon capital.

Q61  T15   2m : v 11 & 14 : octo

Ah ! Nada ! Nadada ! — 1887 (11)

? Jeune Belgique

11
Nihilisme trismégiste

Ah ! Nada ! Nadada !
Petit cheval de bois !
La canne à Canada !
Oh ! plusieurs à la fois !

Voilà : Goya gronda
Nada, quand Quincampoix,
Camarda, canarda
Soulary sous la croix.

Du carrefour. L’ara
Qu’aura Lara leurra
Laura, qu’amarrera,

Flotte ! l’honorera
Ses père et mère. Hara
Kiri, Caro, Cora.

Q8 – T1 –  y=x  6s  quasiment monorime – attribué à Max Waller par Jean de Palacio dans le Silence du texte poétique de la Décadence (2003)

Pour un civet, il faut un lièvre: — 1887 (6)

Le Chat Noir,

Armand Masson

Bouchée à la reine

Pour un civet, il faut un lièvre:
Il faut une idée au sonnet.
Prenez-là délicate et mièvre,
Un déjeuner de sansonnet.

Dans une coupe de vieux Sèvre
Faites-là fondre un tantinet
Avec ces mots doux à la lèvre
Où Benserade butinait.

Saupoudrez de rimes parfaites,
Poivre, piments, cannelle, et faites
Un trait précieux pour la fin:

Vous aurez une chose exquise,
Un plat de petite marquise,
– Bon pour les gens qui n’ont pas faim.

Q8 – T15 – octo  – s sur s

O bien-aimé mollusque vert! — 1887 (3)

Tancrède MartelLes poèmes à tous crins

Le sonnet de l’huître

O bien-aimé mollusque vert!
Sais-tu bien que notre existence,
Sans toi, perdrait en importance?
Quel Lucullus t’a découvert!

Toi seul eusses charmé Javert,
Ce modèle de tempérance;
Chrémès, qui posa pour Térence,
Te chérissait, dit-on, l’hiver.

Phoebus s’intéresse à ta race
Depuis que le compère Horace
A fait le tour du lac Lucrin;

Et ta chair est si délectable,
Que ton écaille est un écrin,
O perle fine de la table!

Q15 – T14 – banv – octo

La lune à travers les quinconces — 1887 (1)

Jean LorrainLes griseries


Rocailles
pour M. Edmond de Goncourt

La lune à travers les quinconces
Erre, illuminant les ronces,
Du parc, illustre endormi;

Et le bassin des Rocailles,
Où rôde un reflet ami,
Songe, dans l’ombre à demi
Plongé, de l’ancien Versailles.

Fille et sœur des dieux augustes,
La lune en domino blanc
Glose et d’un baiser tremblant
Effleure en passant les bustes,

Et sur un rythme très lent,
Au loin sur les gazons jaunes,
Tourne une ronde de faunes.

aab cbbc deed eff – 7s (vers1 :8 ) – Autre ‘sonnet à la Lorrain’.

Du ciel tendre où court la nue indécise, — 1886 (26)

Albert Pinard Sonnets, ghazels, …

Louise

Du ciel tendre où court la nue indécise,
Des bois assoupis dans leur profondeur,
De l’eau murmurante et du sein des fleurs,
Nous voulons tirer, quintessence exquise,

Harmonie auguste, une voix qui dise :
« Fleurs qui frémissez aux vents maraudeurs,
Rayons, ruisseaux, charme épars des odeurs,
Formez un concert pour fêter Louise.

Composez sa vie uniment d’étés,
Versez vos fraîcheurs & vos puretés,
Etendez sur elle une ombre propice . »

Mystère des nuits, vérité du jour,
Nous vous invoquons, sûrs de votre hospice :
La nature entend les cœurs sans détour.

Q15  T14  – banv – tara  bi

Crapuloz, mon ami d’enfance, — 1886 (24)

Sylvain Dorabel Equevilles

Crapuloz

Crapuloz, mon ami d’enfance,
Avec plaisir, je te fumais,
Quand ma lèvre sentait le rance
Cher Crapuloz, que je t’aimais !

Avec toi, bien souvent je flâne !
Quel bonheur quand je te fumais,
En vaguant par là, comme un âne,
Cher Crapuloz, que je t’aimais !

Et maintenant, pas de centimes !
Le vieux tabatier, sur mes rimes,
Crache un dédain que je connais.

Je n’ai pas le sou, pas de graisse,
Je passe comme un chien en laisse,
Cher Crapuloz, que je t’aimais !

Q38  T15  octo  refrain : v 4-8-14 Le crapulos est un cigare très bon marché, d’après le TLF

Absinthe, je t’adore, certes ! 1886 (21)

Raoul Ponchon in Le courrier français

L’absinthe

Absinthe, je t’adore, certes !
Il me semble, quand je te bois,
Humer l’âme des jeunes bois,
Pendant la belles saison verte !

Ton frais parfum me déconcerte,
Et dans ton opale je vois
Des cieux habités autrefois,
Comme par une porte ouverte.

Qu’importe, ô recours des maudits !
Que tu sois un vain paradis,
Si tu contentes mon envie ;

Et si, devant que j’entre au port,
Tu me fais supporter la vie,
En m’habituant à la mort.

Q15  T14  – banv – octo

On peut interroger l’histoire, — 1886 (20)

Evariste Carrance in  Littérature Contemporaine, 36

Le siècle de Victor Hugo
Proclamons-le hautement, proclamons dans la chute et dans la défaite, ce siècle est le plus grand des siècles – V.H.

On peut interroger l’histoire,
Aucun siècle n’a projeté
Plus de grandeur et plus de gloire,
Plus de justice et de clarté!

Il grave au temple de mémoire
La sainte et pure égalité;
Il commence dans la victoire,
Et finit dans la liberté!

Ce siècle à la marque profonde
Inscrit sur la carte du monde
Ses merveilles et ses grandeurs;

A travers ses rudes tempêtes
Il a fait jaillir des poètes,
Comme de nouveaux rédempteurs!

Q8 – T15 – octo