Archives de catégorie : Mètre

J’aimais autrefois la forme païenne; — 1871 (12)

Parnasse contemporain, II

Théophile Gautier

Sonnet

J’aimais autrefois la forme païenne;
Je m’étais créé, fou d’antiquité,
Un blanc idéal de marbre sculpté
D’hétaïre grecque ou milésienne.

Maintenant j’adore une italienne,
Un type accompli de modernité,
Qui met des gilets, fume et prend du thé,
Et qu’on croit anglaise ou parisienne.

L’amour de mon marbre a fait un pastel,
Les yeux blancs ont pris un ton de turquoise,
La lèvre a rougi comme une framboise,

Et mon rêve grec dans l’or d’un cartel
Ressemble aux portraits de rose et de plâtre
Où la Rosalba met sa fleur bleuâtre.

Q15 – T30 – tara

Voici l’Hiver aux mains livides — 1871 (7)

Joséphin Soulary Oeuvres poétiques


Jours froids

Voici l’Hiver aux mains livides
Ses dents sans pain claquent de froid
Sa voix pleure comme un beffroi;
Ce sont des fosses que ses rides.

L’Ennui bat nos fronts assombris;
La brume abaisse le ciel gris;
Adieu les horizons sans bornes!

Comme un essaim d’oiseaux mouillés,
Nos beaux Amours éparpillés
Rentrent au nid, frileux et mornes.

Chaque hiver leur nombre décroit;
Et le cœur trébuche en ses vides,
Comme un promeneur à l’étroit
Dans l’enclos des tombes humides.

QTTQ octo

Mon cœur est une tour perdue — 1871 (6)

Joséphin Soulary Oeuvres poétiques

Le sonneur

Mon cœur est une tour perdue
En vedette sur l’étendue;
Il y pend deux timbres d’airain.

L’un est la cloche d’allégresse,
L’autre est le tocsin de détresse;
Le sonneur les mène bon train!

Toujours en quête d’un nuage;
Toujours le nez au firmament,
De ses cloches; à tout moment;
L’espiègle intervertit l’usage;

Il sonne en mort le mariage,
En baptême l’enterrement.
Se tromperait-il sciemment?
N’est-ce qu’un fou! Serait-ce un sage?

s.rev  – octo

O chair lactée, ô cheveux d’or, — 1870 (3)

Charles Legrand

VII – Pierson

O chair lactée, ô cheveux d’or,
O front d’ivoire, ô rire rose,
Glauque regard qui, frais, repose,
O sein de neige au doux essor!

C’est Vénus de la lame éclose,
C’est Eve étincelant au jour,
La fraîcheur, le parfum, la rose,
C’est le printemps et c’est l’amour.

Donc, comment voulez-vous madame,
Quand vous prenez les yeux et l’âme
Et nous perdez de désirs fous,

Qu’on puisse votre jeu décrire?
Est-ce qu’on entend? On admire.
Que ne vous enlaidissez-vous!

Q17 – T15 – octo

Voyant qu’aujourd’hui les marchands — 1869 (32)

Louis de Veyrières Monographie du sonnet

Un improvisateur, de dix-neuf à vingt ans, déjà célèbre, heureux héritier d’Eugène de Pradel, nous fournira le second exemple par le sonnet suivant, composé dans une réunion au collège de Roanne, le 4 avril 1865.

Alfred Besse

La Loire

Voyant qu’aujourd’hui les marchands
Ont le pas même sur les princes,
Que les lauriers les plus brillants
Sont pour les cerveaux les plus minces,

Que des critiques insolents,
A Paris narguant leurs provinces,
Pour briser les plus beaux talents,
De leurs plumes se font des pinces ;

La sainte Poésie en pleurs
S’est dit : « cherchons des cieux meilleurs,
Où l’on puisse rêver la gloire ».

Puis, implorant votre concours,
Elle vient abriter ses jours
Sur les bords fleuris de la Loire.

Q8  T15  octo

Que de mystères couvre un nom ! … — 1869 (30)

Louis de VeyrièresMonographie du sonnet

Georges Garnier

Sonnet-Anagramme
Marie-Aimer

Que de mystères couvre un nom ! …
Sous la lettre palpite l’âme :
Le caillou recèle la flamme ;
Dans le granit chante Memnon.

– ‘ Oh ! ‘ bégaye un grave Zénon,
Cet exorde est une réclame
Pour un jeu que la raison blâme …
Quelque anagramme ? … – pourquoi non ?

La vérité se voile d’ombres :
Pythagore l’extrait des nombres :
Des mots nous pouvons l’exhumer.

Amor ! – Roma ! dit Egérie …
Si ma bouche murmure : « Aimer ! »
L’écho des cieux répond : « Marie ! »

Q15  T14 – banv –  octo

La deuxième règle consiste à croiser les rimes de chaque quatrain, et par conséquent à ne pas les croiser dans le second tercet.