Archives de catégorie : Mètre

Les rythmes d’or et les voix pures — 1868 (20)

Antoine Cros in Catulle Mendés : La maison de la vieille (ed. Jean-Jacques Lefrère …)

A Madame Nina de Callias

Les rythmes d’or et les voix pures
Du claveçin obéissant
Sortent en suaves mesures
Sous vos doigts au charme puissant.

Oh ! l’émoi que chacun ressent ! –
Les éloges se font murmures.
Pareils au bruit, dans les ramures,
Du vent d’automne caressant.

Vous groupez les être qu’on aime
Comme les chants d’un beau poëme.
Vous répandez autour de vous

Une sympathique atmosphère
Où votre jeu savant sait faire
Vibrer l’esprit superbe et doux

Paris, 30 VIIbre 1868

Q10  T15 – octo

Dans le parc au noble dessin — 1868 (6)

Coll. Sonnets et Eaux-Fortes

Théodore de Banville


Promenade galante

Dans le parc au noble dessin
Où s’égarent les Cydalises
Parmi les fontaines surprises
Dans le marbre du clair bassin.

Iris, que suit un jeune essaim,
Philis, Eglé, nymphes éprises,
Avec leurs plumes indécises,
En manteau court, montrant leur sein,

Lycaste, Myrtil et Sylvandre
Vont, parmi la verdure tendre,
Vers les grands feuillages dormants.

Ils errent dans le matin blême,
Tous vêtus de satin, charmants
Et tristes comme l’Amour même.

Q15 – T14 – banv – octo

De l’orient passé des Temps — 1868 (2)

Stéphane Mallarmé – in Lettre à William Bonaparte- Wyse

De l’orient passé des Temps
Nulle étoffe jadis venue
Ne vaut la chevelure nue
Que loin des bijoux tu détends.

Moi, qui vis parmi les tentures
Pour ne pas voir le Néant seul,
Aimeraient ce divin linceul,
Mes yeux, las de ces sépultures.

Mais tandis que les rideaux vagues
Cachent des ténèbres les vagues
Mortes, hélas! ces beaux cheveux

Lumineux en l’esprit font naître
D’atroces étincelles d’Etre,
Mon horreur et mes désaveux.

Q63 – T15 – octo Un autre premier état: abba  a’b’b’a’   ccd  ede

Loin des terres labourées, — 1867 (5)

Charles Monselet Les potages Feyeux

Farine de châtaignes

Loin des terres labourées,
Quand de hardis villageois
Exécutent des bourrées
Dont tremble tout l’Angoumois;

Comme la châtaigneraie
Forme un tapis de velours
Sous la danse qui s’essaie
En groupes joyeux et lourds!

Eh bien! sous la même écorce,
Cette grâce et cette force
Se retrouvent dans un mets;

C’est toi, que nul ne dédaigne,
Toi farine de châtaigne,
Mes délices désormais!

Q59 – T15 – octo

L’Iambe estropié, — 1867 (1)

J.F. CostaLa Harpe éolienne

L’Iambe

L’Iambe estropié,
Cherchant un dactyle,
Rencontre Batylle,
Qui le met sur pié.

Alors, pour marcher,
Il bat la mesure;
Mais une césure
Le fait trébucher.

Il faut un spondée;
Il faut une idée,
Pour plus de soutien;

Cherche dans la nue,
Iambe, et continue
Ton métier de chien.

Q63 – T15 – 5s

de la préface: « A quoi rime, par le temps qui court, un recueil de sonnets? C’est ce que vont se dire les rares curieux qui jetteront un regard, en passant, sur la couverture de ce livre. Je trouve qu’ils auront parfaitement raison, et que notre époque a autre chose à faire que de s’occuper de ces vétilles. Elle a …. elle a …. je ne dirai pas ce qu’elle a.

Je confesse donc humblement ma faute; et les confessions publiques étant les plus méritoires, ces quelques lignes ont uniquement pour but de demander pardon pour les pages qui vont suivre. On me fera observer qu’il était plus simple de supprimer les pages; cela est encore vrai; mais, comme on n’est pas forcé de les lire, la chose revient absolument au même.

J’offre ici moins, à la vérité, un recueil de sonnets qu’une poignée de rêves. Je les donne dans l’état où ils sont venus et avec la forme qu’ils ont voulu revêtir. Il est possible, du reste, que ce soient des sonnets; ce dont je conviens, c’est que quelques uns en remplissent les conditions rythmiques. « 

L’élégante à la mode a mis de côté — 1866 (11)

Eugène de Lonlay (sans titre)

La Vénus moderne – Sonnet de onze pieds

L’élégante à la mode a mis de côté
La pudeur d’autrefois qui faisait son charme,
Elle porte culotte et son pied botté
Imite à s’y tromper le pan d’un gendarme.

Le cigare à sa lèvre et l’oeil effronté
Sont même pour les fous un sujet d’alarme ;
La femme perd ses droits à la royauté
Quand elle ne sait plus répandre une larme.

Le chapeau de travers et le ton mutin
Vont à ravir sans doute à toute lorette
Mais de l’hymen jamais ne font la conquête:

A la fille qui prend un air masculin
L’homme le plus épris hésite à se rendre
Il craint de n’épouser qu’un amas de cendre

Q8 – T30 – 11s             Monsieur de Lonlay signale fièrement son emploi de l’hendécasyllabe, bien négligé jusque là dans le siècle

Voyant qu’aujourd’hui les marchands — 1865 (5)

Alfred Besse in Choix des improvisations…

L’histoire

L’histoire est une belle chose
Pour celui qui l’écrit sans fard ;
De l’effet il cherche la cause,
Qu’il chante Alexandre ou César ?

Mais souvent un auteur qui glose ;
Dans un livre écrit au hasard,
De fables augmente la dose,
Et vend des contes de bazar.

Un quidam (le fait est notoire),
Veut pour les récits de l’Histoire,
Des écrivains sans passion ;

Mais moi dont l’âme est plus naïve,
Je veux que celui qui l’écrive
Soit un auteur …. Sans pension.

abab’ abab’ – T15  octo  improvisé au Petit-Séminaire, Saint-Gaultier (Indre le 4 juin 1865 »

Je n’ai reçu pour apanage — 1865 (4)

Edouard Monod Le cœur et les lèvres

Préface courte

Je n’ai reçu pour apanage
Qu’un peu d’esprit, ainsi que Dick* :
– Assez pour faire un badinage
Trop peu pour en faire trafic.

En faveur de mon très-jeune âge,
Je demande grâce au public.
Je me suis souvent mis en nage,
Souvent même j’ai pleuré (sic),

Pour composer ce petit tome
De rimes, j’ai bien peur, vraiment,
Qu’on n’en ait pas pour son argent.

Enfin, l’on verra. – C’est, en somme,
L’histoire de mon cœur d’enfant
Et de mes péchés de jeune homme.
* En Angleterre, nom de clown

Q8  T28  octo

Aimez toujours, disait votre romance, — 1865 (1)

Valéry Vernier Les filles de minuit

Fier est mon coeur

Aimez toujours, disait votre romance,
Aimez toujours, et nous verrons après;
Et malgré vous, votre air d’insouciance
Raillait vos lèvres, et disait: jamais!

Merci pour moi, Louison, l’expérience
M’a révélé les féminins protêts;
Je ne saurais, à si longue échéance,
Vous adorer, malgré tous vos attraits.

Ses yeux sont beaux: à cette ardente flamme
Facilement on se grillerait l’âme,
Si de dédain on ne se cuirassait.

Fier est mon coeur, comme disait Musset:
De l’abaisser en une attente vaine,
En vérité, non, ce n’est pas la peine

Q8 – T13- déca Ce cousin d’Hugo Vernier (l’auteur, entre autres, du Voyage d’Hiver) nous révèle ceci: « il m’est arrivé d’écrire de la prose à la clarté du jour, je n’ai guère composé de vers que la nuit ». On remarque la césure ‘à l’italienne’ au vers 4.