Archives de catégorie : Mètre

C’est ici la case sacrée — 1864 (8)

Baudelaire in Revue Nouvelle


Bien loin d’ici

C’est ici la case sacrée
Où cette fille très-parée,
Tranquille et toujours préparée,

D’une main éventant ses seins,
Et son coude dans les coussins,
Ecoute pleurer les bassins:

C’est la chambre de Dorothée.
– La brise et l’eau chantent au loin
Leur chanson de sanglots heurtée
Pour bercer cette enfant gâtée.

Du haut en bas, avec grand soin,
Sa peau délicate est frottée
D’huile odorante et de benjoin.
Des fleurs se pâment dans un coin.

s.rev. – eee ddd babb abaa – octo

Vous qui, remplis d’une adorable ivresse, — 1864 (5)

Hippolyte Lucas Heures d’amour

Vous qui, remplis d’une adorable ivresse,
Avec mystère, alors que fuit le jour,
Tombez aux pieds d’une belle maîtresse,
Priez, priez dans mes Heures d’amour.

Si le dépit succède à la tendresse,
Si le regret vous domine à son tour
Cherchez ici votre propre tristesse:
Priez, priez dans mes Heures d’amour.

N’y touchez pas, matrones sans faiblesse!
N’y touchez pas, ô tartufes que blesse
Un sein charmant qui montre son contour!

Le doux plaisir eut ses autels en Grèce;
Il sera dieu toujours pour la jeunesse:
Chantez son culte, ô mes Heures d’amour.

Q8 – T6  déca – y=x (c=a & d=b) Sonnet sur deux rimes seulement. ‘Heures d’amour ‘ aux vers 4,8,14

Quatrième éd., d’après l’auteur; après Le coeur et le monde 1834; et une 2ème ed. en 1844. « cette édition fut mise à l’Index, parce que le mot Heures y était pris dans le sens du Livre de messe. « 

Je me suis laissé prendre au piège — 1863 (12)

François-Victor Lacrampe Les chaumes

Sonnet

Je me suis laissé prendre au piège
De ces deux yeux noirs et profonds,
Et les miens leur font un cortège
Comme aux roses les papillons.

Ces yeux ornent un front de neige
Couronnés de beaux cheveux blonds,
C’est comme un voile qui protège
Leurs mélancoliques rayons.

Malgré moi, je reste en extase ;
Je veux parler, mais chaque phrase
S’arrête et jamais ne finit.

J’admire leur beauté divine,
Silencieux … çà, ma voisine,
Je suis bien près de votre nid.

Q8  T15  octo  bi

Au fond des bois, sous l’humide feuillée, — 1863 (11)

Alexandre Toupet Vieux péchés

Emma Livry

Au fond des bois, sous l’humide feuillée,
Tout gazouillait de badines chansons,
Des bruits joyeux montaient de la vallée,
Et dans leurs nids chantaient les oisillons.

Un papillon avait pris sa volée !
Sylphe rapide, il faisait sa moisson
D’un beau jardin parcourant chaque allée,
Se promenant de la fleur au buisson.

Comme une abeille, ô mutine sylphide,
Tu voltigeais, sans craindre l’avenir
Qui t’entrainait d’un sourire perfide.

Car sans songer qu’un jour tout doit finir,
Tu vins frôler une funeste flamme
Qui dans l’azur fit s’envoler ton âme

Le 15 novembre 1862, pendant une répétition sur la scène de l’Opéra, la gracieuse artiste chorégraphique, qui allait reprende le rôle de Fenella, dans La muette de Portici, s’étant imprudemment mise sur un praticable, placé près d’une herse de gaz, se vi soudainement entourée d’un réseau de flammes.

Q8  T23  déca  bi

Je lui montrai les blondes mousses — 1863 (7)

Léon Valade & Albert Mérat Avril, Mai, Juin

Je lui montrai les blondes mousses
Et tout l’essaim des choses douces
Dont avril est environné :
– Elle prit un air étonné.

Je lui fis voir mon cœur plein d’elle,
La priant de brûler son aile
Hardiment au flambeau sacré.
–       Elle ouvrit un œil effaré.

Je lui parlai des belles fièvres
Qui vous montent du cœur aux lèvres,
Au clair de lune, après minuit :

Elle eut un bâillement d’ennui.
Voulant obtenir quelque chose,
Je lui fis voir un chapeau rose.

PL  octo

Des dons du ciel ce beau pays comblé, — 1863 (4)

Antonio Zingaro Sonnets et autres rimes

Lucerne

Des dons du ciel ce beau pays comblé,
N’est, après tout, qu’un grand hôtel meublé!
Que Dieu nous garde, ô rêveurs, de Lucerne!
Le lac est bleu, mais la ville est bien terne.

Le Schweizerhof est peu corinthien,
Malgré son porche et sa grecque ordonnance,
Et c’est en vain que l’Hof de La Balance,
Veut se donner un air vénitien.

Les ponts, flanqués de peintures d’auberge,
Ont des Holbein couleur de jus d’asperge;
Mais dans le bourg, où l’on boit du gros vin,

L’Art a pourtant posé son pied divin,
Et Thorwaldsen a taillé dans la roche,
Un fier Lion, sans peur et sans reproche.

Q57 – T13 – déca

Ils ont chassé de l’antique Munster, — 1863 (3)

Antonio Zingaro Sonnets et autres rimes

Bâle, sonnet

Ils ont chassé de l’antique Munster,
Les Saints nimbés, la Vierge rayonnante;
Où fleurissait la rose flamboyante
On voit fleurir la trogne de Luther.

Erasme est là sous un pilier gothique;
Il va la nuit, voir le cloître ogival,
Où le portrait byzantin, de Saint Gall;
Avec Holbein, le peintre catholique.

Erasme raille et d’un crayon mordant,
Son compagnon dessine le tympan,
Où les dormeurs, surpris par la trompette

De Josaphat, oubliant l’étiquette,
Ne songent plus à nouer leur braguette,
Et courent, nus, au dernier jugement.

Q63 – T11 – déca

Le vert colibri, le roi des collines, — 1862 (8)

Leconte de Lisle Poèmes barbares

Le colibri

Le vert colibri, le roi des collines,
Voyant la rosée et le soleil clair
Luire dans son nid tissé d’herbes fines,
Comme un frais rayon s’échappe dans l’air.

Il se hâte et vole aux sources voisines
Où les bambous font le bruit de la mer,
Où l’açoka rouge, aux odeurs divines,
S’ouvre et porte au coeur un humide éclair.

Vers la fleur dorée il descend, se pose,
Et boit tant d’amour dans la coupe rose,
Qu’il meurt, ne sachant s’il l’a pu tarir.

Sur ta lèvre pure, ô ma bien-aimée,
Telle aussi mon âme eût voulu mourir
Du premier baiser qui l’a parfumée!

Q8 – T14 – tara