Archives de catégorie : Mètre

Brûler, transir, oser, perdre courage, — 1850 (7)

– Général d’Alvimar Œuvres poétiques

Définition de l’amour. sonnet

Brûler, transir, oser, perdre courage,
Etre à la fois gai, triste, doux, fâcheux ;
Hautain, soumis, agréable, sauvage,
Extrême en tout, confiant, soupçonneux :

De la raison abhorrer le langage,
Traîner sa chaîne en gémissant honteux ;
Prendre à longs trait un poison pour breuvage,
Chérir son mal en le trouvant affreux ;

Vouloir jouir d’un bonheur impossible,
Croire le ciel dans un enfer horrible,
L’y rechercher en vain avec fureur ;

Ne voir qu’en beau l’objet qui tyrannise,
Craindre d’ouvrir les yeux sur son erreur :
Tel est l’amour, qui l’a connu le dise.

Q8  T14  déca

J’ai perdu ma force et ma vie, — 1850 (2)

Alfred de Musset Poésies nouvelles

Tristesse

J’ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté;
J’ai perdu jusqu’à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.

Quand j’ai connu la Vérité
J’ai cru que c’était une amie;
Quand je l’ai comprise et sentie,
J’en étais déjà dégoûté.

Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d’elle
Ici-bas ont tout ignoré.

Dieu parle, il faut qu’on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d’avoir quelquefois pleuré.

Q16 – T15 – octo

Lorsque dans ma route isolée — 1848 (5)

Eugène Debons Chants d’amour

Lorsque dans ma route isolée
Ton regard vient, plein de douceur,
Me montrer la voûte étoilée
Où s’élance mon cœur ;

Tel, se glissant, dans la vallée,
Un joyeux rayon de chaleur
Rend à la fleur étiolée
La vie et le bonheur.

Quand ton sourire, après l’orage,
Dissipe le sombre nuage
Qui me voilait les cieux ;

O blanche étoile de mon âme !
Qu’il m’est doux, guidé par ta flamme,
De baiser tes beaux yeux !

Q8  T15  2m

O doux baiser, qu’au milieu des alarmes, — 1847 (6)

Gabriel Monavon Jeunes fleurs

Un baiser

O doux baiser, qu’au milieu des alarmes,
J’osai ravir au sein de la beauté,
Riant larçin, trésor de volupté,
Dont les périls ont redoublé les charmes.

A tes élans, pour opposer des armes,
La crainte en vain s’unit à la fierté,
Tu sus t’ouvrir un passage enchanté,
Et la pudeur t’a pardonné ses larmes.

O doux baiser ! tendre espoir d’un amant,
Sois le prélude et le gage charmant
Des biens promis à ma flamme discrète.

Sur ce beau sein que tu pris en vainqueur,
Laisse à jamais ton empreinte secrète,
Et sois le sceau des mystères du cœur.

Q15  T14  déca – banv

Dans ces élans de ma tendresse — 1847 (5)

dr. Alexandre Delainne Hommage lyrique aux sciences naturelles

A toi

Dans ces élans de ma tendresse
Lorsque mon cœur bat près de toi,
D’où vient mon indicible ivresse ?
Oh ! si tu le sais, dis-le moi !

Mon âme qui n’est plus maîtresse
De ses transports, de son émoi,
Vers la tienne vole, s’empresse
Et veut s’y confondre … pourquoi ?

C’est que du ciel l’ordre inflexible
Par ses lois, de l’être sensible
Veut aussi charmer le séjour.

Et l’attraction si féconde,
Ce sublime pivot du monde,
Entre nous deux s’appelle … amour !

Q8  T15  octo

Quel caprice vivant qu’Alice! — 1847 (3)

Charles Hugo in Album d’Alice Ozy

Quel caprice vivant qu’Alice!
Par caprice elle eut pour amant
Un prince. On ne sait pas comment
Elle le quitta. – Par caprice!

L’éclat n’a rien qui l’éblouisse.
Elle préfère à tout moment
L’humble fleur au fin diamant,
Du beau rayon le pur calice.

Aujourd’hui sans savoir pourquoi,
Par caprice elle m’aime, moi! –
Par caprice, elle m’est fidèle.

Je ne connais dans ses amours
Qu’un caprice qu’elle a toujours:
C’est le caprice d’être belle.

Q15 – T15 – octo  Un des poèmes écrits par un des fils de Victor Hugo, rival (malheureux) de son père pour les faveurs de la belle Alice Ozy .

Ni dans les cieux étoiles voyageuses, — 1847 (1)

Emma Méhul Cent cinquante sonnets … traduits… de Pétrarque

Ni dans les cieux étoiles voyageuses,
Ni dans les champs beaux et fiers étrangers,
Ni dans les bois faons joyeux et légers,
Ni sur les mers voiles blanches nombreuses;

Ni d’un bien cher des nouvelles heureuses,
Ni de l’amour les discours mensongers
Ni dans les près ou sous les orangers
Douces chansons de femmes vertueuses;

Ni rien jamais ne touchera mon coeur,
Tant a su bien sous sa pierre avec elle
L’ensevelir, ma clarté, mon miroir.

Pour moi la vie est un poids de douleur:
Je veux mourir afin de revoir celle
Qu’il eût valu beaucoup mieux ne pas voir.

Q15 – T36 – déca – rvf  Traduction du sonnet 312 ( ‘Né per sereno ciel ir vaghe stelle« ) de Pétrarque qui respecte (chose rarissime) la disposition des rimes de l’original (ce qui implique aux vers 11-12 une violation de la règle d’alternance)

Il est des moments de mélancolie — 1846 (6)

Alfred des Essarts Les chants de la jeunesse

Il est des moments de mélancolie
Où le cœur se lasse, où coulent les pleurs,
Où le noble espoir s’appelle folie,
Où l’homme à plaisir cherche des douleurs.

Il est des moments où brille la joie
Alors à nos yeux le ciel est d’azur ;
Comme un beau tapis le sol se déploie ;
La fleur est suave et l’air est plus pur.

Mais si le sourire est doux, que de charmes
Vous avez parfois, poétiques larmes !
Et quand trop d’éclat fatigue l’esprit,

Que ne donnerait l’heureux de la terre
A qui le destin constamment sourit,
Pour sentir des pleurs mouiller sa paupière !

Q59  T14  tara

J’aurais été Petrarca — 1845 (8)

Alphonse Duchesne Les chants d’un oiseau de passage

A ma mie – sonnet

J’aurais été Petrarca
Si vous aviez été Laure,
Et les pèlerins d’Arqua
Parleraient de vous encore ;

Si vous étiez Francesca
Je serais, moi qu’on ignore,
Paolo qui l’adora,
Et l’on me crierait : Raca !

Ou bien si vous étiez celle
Qu’on nomme Isaure la belle,
Je serais grand troubadour,

Car au gai savoir fidèle,
Je ferais, ma jouvencelle,
Des chants avec de l’amour.

abab  abaa T6  7s. ‘crier ‘raca’ : Marquer un profond mépris à l’égard de quelqu’un (TLF)