Archives de catégorie : Mètre

Je connais bien le comte Dracula — 1981 (4)

Pierre Gripari L’Enfer de poche

Sexy Dracula

Je connais bien le comte Dracula
Et je souris, quand j’entends ceux qui disent
Que les fleurs d’ail, et tout le tralala,
Balles d’argent, miroirs, latin d’église,

Epieux pointus, conjurations apprises,
Ou crucifix peuvent le réduire à
Ce petit tas d’os et de cendres grises
Qu’un courant d’air emporte … au cinéma !

C’est mon ami, je l’avoue, je m’en vante
Je suis de ceux qui volontiers le hantent,
Il me reçoit le soir, en son hôtel ;

Ses dents sont bien rangées, blanches, petites,
Mais ce qu’il a, c’est une belle bite,
Et ceux qu’il baise, il les rend immortels !

Q11  T15  déca

Alors cette fois merci, quand nous entendrons — 1978 (3)

Paul-Louis Rossi Inimaginaire IV

Sonnet idéologique en quatre langues sur la guerre des paysans

Alors cette fois merci, quand nous entendrons
Le coq chanter et sonner ensemble les cloches
We will be happy: Frères quel travail! Freu dich
Du Schöne … les buches enfin toutes fendrons

Quand à la rude église le gros Luther
Dira son sermon les Seigneurs comme des buches
Nous les fendrons tous, c’est ma foi la riche souche
Qu’il doit cogner pour vivre l’Homme, et lutter

To judge both the quick and the dead … pour juger
Ensemble morts et vivants, dit Thomas Münzer
Oui; conduis-nous comme des rosses aux sommets

Cibus orms et virgum asimo .. Si la mort
En écume nous vient à la bouche plus ne
Prierons ni vivrons jamais comme des porcs

r.exc. – m.irr

à la beauté déserte! ses rôles et ses parcs! — 1978 (2)

Lionel Ray Inimaginaire IV


Dévotion

à la beauté déserte! ses rôles et ses parcs!
A une oreille sonore! à tant d’autres marches
Dans le bleu rare et proche, les tempêtes, la traque!
Aux très hautes partitions! brouillage et départ.

aux pierres des murs endormis! aux lampes-fenêtres!
aux touffes de la parole impatiente! au retour
des rires et des fièvres! aux oiseaux qui cherchent
leur ciel! aux paumes de la pluie! aux roses peintes!

à Notre-Dame de l’Impossible! dame des roches!
à une imploration! à la gaîté fréquente!
aux lèvres du soupçon! aux grilles entrouvertes!

aux nuits sans autrefois des morts, si peu secrètes,
sans paroles brisées, sans dérive et sans cris!
au temps désassemblé! à sa très sûre approche!

r.exc – m.irr

Ces cretonnes ces chutes de tissus croisés par — 1978 (1)

Pierre Lartigue Inimaginaire IV


Ascension en Patchwork pour Cyrano de Bergerac

Ces cretonnes ces chutes de tissus croisés par
pleins camions comme des romans au hasard côte
à côte porte les près de ton oreille Ecoute
Ces pluies de taffetas cassé cette charpie

de tout imaginaire On dénoue quelque part
une fumée de laine sur les dunes des cata-
ractes blanches  aux panaches d’eau chaude prends tous les coptes
prends le Tour du monde d’un gamin de Paris

et dans ces chasses fabuleuses taille découpe cache
ton coeur puis ces pauvres pages cousues à petits
points rêve que le grand vent te happe et t’arrache

papier qui tremble cerf volant frisson de quiche –
nottes  Adieu mines d’or d’Eluard! Adieu pépites!
Adieu glaçons dans les poches de René Char!

r.exc. – m.irr

Je suis le fol Roy de Colchide — 1977 (11)

Roger Gilbert-Lecomte Oeuvres complètes, II

L’Heur du Roy de Colchide

Je suis le fol Roy de Colchide
J’habite dans sept grands palais de Jade
Et j’ai sept caravelles dans ma rade
Qui m’apportent les trésors de l’Atlantide.

Pour avoir erré sur la mer viride
Dans un clair de lune de sérénade
Leurs pourpres gardent un peu du bleu fade
Des cieux où la nuit veut compter le vide.

Le seul sérail dont je fasse parade
C’est le ciel d’étoiles: j’entends, maussade,
Tintinabuler leur cristal limpide.

Je meurs de langueur. Dans mon coeur malade
Des poissons dorés à l’éclat splendide
Vont nageant en désespoir de noyade!

Q15 – T7 – 2m: 10s; octo: v.1; 11s: v.4 –  y=x: c=b, d=a

Il portait un oeil louche extraordinaire et répugnant — 1976 (1)

William Cliff Ecrasez-le

Plongeur
A Conrad Detrez

Il portait un oeil louche extraordinaire et répugnant
En plongeant la vaisselle en l’eau graisseuse et qui clapote
Il levait cet oeil louche aux trois clients de la gargote
Avaler faisait mal sous ce regard inquiétant.

Etait-il vraiment laid visage et corps absolument
Un monstre relégué aux profondeurs de cette grotte
A moitié camouflé par le comptoir et par la hotte
Enorme qui buvait la friterie et ses relents?

Je ne sais quelle grâce transpirait de sa personne
Noblesse du maintien beauté du geste affinité
Avec la majesté des grands malheurs qui nous étonnent

Vieilles malédictions ou catastrophes héréditaires
D’ancêtres très lointains acharnés pilleurs de charognes
Dont on paye aujourdhui le prix du vice et du péché.

Q15 – T17? – 14s – Formule des tercets approximative

J. ma jacinthe mon jasmin — 1974 (1)

Yves GascL’instable, l’instant (?)

1
Sur la lettre J en l’honneur de son nom

J. ma jacinthe mon jasmin
ma jaspe du Japon ma jade
jonquille de janvier ma joie
joyau du jour en mon jardin.

J. jarre d’eau jatte de lait
à jeun jeudi de jouissance
jour de jais jambes jumelles
jalousie jaune de juin.

En juillet les javelles jointes
Javelines et joncs de la joute
Jeu de la jungle juvénile

Jadis justice de Jésus
jeune jamais je n’ai jugé
si joli joug de jubilé.

bl – octo – J’emprunte cet exemple à un essai inédit de Mr Tuillière

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers — 1972 (2)

Pierre Albert-Birot Dix sonnets et une chanson

II

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers
Certes plus de pieds sont à la caserne
Si vous préférez quatorze pins verts
Allez aux pins en ce qui me concerne

Vais à sonnet n’est pas piqué des vers
Direz que je m’éclaire à la lanterne
Soit! Tout flambant le moderne univers
Me plaît ce soir d’entrer dans la caverne

Pétrir le silence avecque la nuit
Cherche la loi comme un vieil alchimiste
Aimer ce qui sert barrer ce qui nuit

Tel mot n’entre pas tant pis on le tord
On fait le savant et on fait l’artiste
Ci-gît un sonnet peut-être ai-je eu tort

Q8 – T24 – 10s – s sur s

La nuit était ancienne — 1971 (3)

René CharLe nu perdu

Déshérence

La nuit était ancienne
Quand le feu s’entrouvrit.
Ainsi de ma maison.

On ne tue point la rose
Dans les guerres du ciel.
On exile une lyre.

Mon chagrin persistant,
D’un nuage de neige
Obtient un lac de sang.
Cruauté aime vivre.

O source qui mentis
A nos destins jumeaux,
J’élèverai du loup
Ce seul portrait pensif!

s.rev – bl – 6s