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coda 11 Risquant un caprice

Jean-François Goyet Initiales sonnaient – douze acrobaties érotiques et progressives sur la forme du sonnet             – in Nioques

Elle voulut qu’on la fit jouir en lui suçant les seins

(5)

Risquant un caprice
L’aimée ne voulait
Laisser sa matrice
Rissoler sous les

Assauts trop voraces
Que donnait ma queue.
Que plutôt je fasse
A ses seins nique.

Ores je prends sa gorge,
Acharné je forge.
Orgie où je mâche!

Outrageant des outres,
Achevais-je de foutre
Ou trayais-je une vache?

coda 10 Main d’humain

Jean-François Goyet Initiales sonnaient – douze acrobaties érotiques et progressives sur la forme du sonnet – in Nioques

Elle exige d’être seulement maniée (3)

Main d’humain
S’enfonçant
Sent l’chemin.
Main douce en

Con doux qu’on
Branle, sabrant
Branchu con,
Con vibrant.

Pouce va, pousse,
Paume pompe, où ce
Pouls sous peau

Hèle, appelle.
Porte d’elle
Hait le drapeau.

coda 9 Oh la profonde nuit qui s’étend déjà sur le monde

William Cliff L’état belge

Pas un iota

Oh la profonde nuit qui s’étend déjà sur le monde
Oh l’épaisse noirceur s’entassant partout dans le ciel
J’ai peur quand le jour est tué par la mort du soleil
Surtout si c’est l’automne, et que l’année blessée s’effondre.

Oh que ce sera long d’entrer dans le soir et de voir
La ténèbre méchante grandir et former un mur
Insurmontable.  Oh qu’il nous sera de perdurer  dur
Devant l’immensité d’un univers qui nous écrase

Et qu’il est doux pourtant d’entendre autour de nous les hommes
Dans les bras de leurs rêves là qui tombent qui s’endorment
Le rêve de l’homme est plus grand que le vaste univers

Le rêve humain embrasse  un monde qui ne rêve pas
Mais la somme des rêves rêvés depuis que l’on rêve
N’aura pas de l’univers changé un iota.

coda 8 Te voici donc au début de la cuisson des carottes

Jacques Réda   La course

Le malaise, VI

Te voici donc au début de la cuisson des carottes
Et vers le commencement de la fin des haricots.
Le catarrhe s’invétère et se fixent les marottes,
C’est le rayon du légume et l’étage des tricots.

L’allant n’a pas trop souffert mais tu sens, dès que tu trottes
Que ta colonne et tes reins ne sont plus si verticaux.
Chacun de tes abattis craque, tu les numérotes,
Ils anticipent déjà leurs tourments chirurgicaux.

Que dire de l’estomac, du côlon, du coeur, du foie?
Rien: ça flotte par grand calme avant l’orage – louvoie
Au plus près. Je ne veux pas nager dans cet avenir

Exigu qui rétrécit à chaque bond de seconde.
Je navigue sur l’instant, le présent me dévergonde
Comme s’il se dilatait pour ne plus jamais finir.

coda 7 On écoutait l’American Forces Network

Jacques Réda La course

Juillet 44

On écoutait l’American Forces Network
Alors que des Lightning par couples en maraude
Bondissaient tout à coup d’un air presque joueur
Carrément au niveau des fraises. Ah faraude

Jeunesse, nous étions en ce temps de sueur
Et de sang, immortels. Et la terre était ronde
Encore sous le ciel où l’énorme lueur
De l’été transformait le fleuve en émeraude

Comme dans les petits verlaines clandestins
Que l’on dissimulait sous des thèmes latins,
Au revers des devoirs toujours mauvais d’algèbre.

Et sans cesse le souffle à peine exténué
Des bombes et l’écho d’une rumeur funèbre
Suivaient le bercement de notre canoë.

coda 6 La façon dont le temps s’en va, vraiment ça me dégoûte.

Jacques Réda La course

Les Rhododendrons

La façon dont le temps s’en va, vraiment ça me dégoûte.
L’instant qu’on croit vivre on dirait l’avoir vécu déjà.
Et ceux qu’on a cru vivre, qui nous les désagrégea
Si bien qu’il n’en reste qu’une ombre? On vit coûte que coûte,

Mais où, mais quand, comment, puisque tout ce que l’on ajoute
Est aussitôt soustrait? A quoi bon poursuivre? Qu’ai-je à
M’agiter de la sorte, à m’agiter comme un goujat
Sur chaque minute qui passe et qui me laisse en déroute

Entre une espérance déçue et le prochain regret?
Je suis sûr cependant qu’il existe un endroit secret,
Jusque dans cette ville où tout sans arrêt change et bouge,

Où le temps s’est mangé lui-même. – Alors nous reviendrons
Pour le trouver peut-être à la butte du Chapeau Rouge
En mai sous les massifs éclatants de rhododendrons.

coda 5 Sur le défilé d’ombre et la fente d’azur

Jacques Réda La course

Villa des Fêtes

Sur le défilé d’ombre et la fente d’azur
Que garde le motif de sa ferronnerie,
Il faut toujours pousser la porte à tout hasard
Bien qu’elle soit toujours fermée (et, je parie,

Ne livre à l’autre bout, sombre comme un puisard,
Qu’une cour sentant l’ail et la buanderie).
Or voici qu’elle cède, en effet; qu’un trésor
Se découvre à l’abri du temps et de la rue

Des pavillons et des jardins anesthésiés
Par un vieux soleil jaune entre des cerisiers,
Dans l’herbe à l’abandon – le goût de la fignole

S’est perdu puisque rien ici ne change plus.
C’est l’éternité même (avec une bignole
Qui m’épie et défend le séjour des élus).

coda 4 La rue du Tunnel et la rue du Plateau communiquent

Jacques Réda La course

Un passage

La rue du Tunnel et la rue du Plateau communiquent
Par un passage étroit dont j’ai perdu le nom.
C’est à deux pas du saut que les Buttes-Chaumont
Exécutent avec leur charge botanique

Au-dessus de Paris. Dans ce couloir où mon
Envergure se cogne aux murs (j’avance oblique),
Des deux côtés la vie est presque bucolique:
Un peu d’herbe, des fleurs, un chat, un cabanon

Et surtout (ça m’émeut toujours), sur une corde
Du linge féminin qui vibre. Je m’accorde
Un moment de répit comme dans un étau

De douceur qui m’enserre. il aurait fallu vivre
Ici caché, peut-être, et n’écrire qu’un livre
Entre la rue du Tunnel et la rue du Plateau.

coda 3 La plate-bande était sans doute plus étroite

Jacques Réda La course

L’impasse revisitée

La plate-bande était sans doute plus étroite
Mais déjà divisée ainsi par du grillage en fil
De fer, des clôtures de bois. nous sommes en avril,
Toutes sortes de fleurs y poussent. Sur la droite,

La bâtisse de brique, aussi longue, aussi coite,
Me paraît d’un rouge moins sourd qu’en hiver; le profil
De la chapelle bien moins lourd. Et comment se peut-il
Que le portail tout neuf à présent se déboîte?

C’est pourtant, trébuchant sur le même pavé,
Le même visiteur, à coup sûr, et la même
Allée où tout a l’air un peu différent. Le problème

Est de savoir à quel moment j’ai dû rêver:
Dans l’ombre de novembre, ou dans la clarté fraîche
Voilant ce que j’avais cru voir s’ouvrir comme une brèche
Dans le temps?

coda 2 Ce qui surgit encore au détour d’une rue,

Jacques Réda      La course

Le ciel

Ce qui surgit encore au détour d’une rue,
C’est le ciel comme – rien: le ciel. Pas simplement
Le ciel:  un autre ciel, par le surgissement
Du même ciel debout dans la splendeur accrue.
Ou, peu à peu noyé sous une large crue
De nuages, lançant de moment en moment
Un rayon comme un doigt rapide et véhément
Qui fait rire l’espace et qui le désobstrue.
Des silences de feu s’ouvrent dans ce récit
Echevelé mais tous restent à la merci
De son flot dont la force emporte les façades,
Les toits, et pulvérise au milieu du pavé
Des flaques, où le bleu sous de sombres torsades
Se penchait sur lui-même afin de s’abreuver.