Archives de catégorie : Ornements

Je t’attends samedi, car, Alphonse Allais, car — 1898 (6)

Jean Goudezki Hercule ou la vertu récompensée

Invitation
sonnet olorime

Je t’attends samedi, car, Alphonse Allais, car
A l’ombre, à Vaux, l’on gèle. Arrive. Oh ! la campagne !
Allons – bravo ! – longer la rive au lac, en pagne ;
Jette à temps, ça me dit, carafons à l’écart.

Laisse aussi sombrer tes déboires, et dépêche !
L’attrait (puis, sens !) : une omelette au lard nous rit,
Lait, saucisse, ombre, thé des poires et des pêches,
Là, très puissant, un homme l’est tôt. L’art nourrit.

Et, le verre à la main, – t’es-tu décidé ? Roule –
Elle verra, là mainte étude s’y déroule,
Ta muse étudiera les bêtes et les gens !

Comme aux dieux devisant, Hébé (c’est ma compagne)…
Commode, yeux de vice hantés, baissés, m’accompagne…
Amusé tu diras :  » L’Hébé te soûle, hé ! Jean !  »

Q62 – T15

Je ne suis pas de ceux que de vains mots on paie ; — 1895 (17)

Alexis Chavanne Murmures

?
Sonnet de monosyllabes

Je ne suis pas de ceux que de vains mots on paie ;
Je me plais d’y voir clair en tout ; mais, bien que j’aie
L’œil sain, quand je le tends soit en haut soit en bas,
Le vrai sens de la vie en traits nets n’y luit pas.

Or, quel que soit le cours que mon bon sens me fraye,
S0us ce ciel gris que nul arc-en-ciel gai ne raie,
Pas plus que d’où je viens je ne sais où je vas.
Le faux jour que je suis me fait choir en faux pas

C’est en un cul-de-sac que je me meus ; la voie
Est sans huis : et de près, un sphinx sûr de sa proie
Me suit … Je sais mon sort, & j’y vais franc de peur.

Ô mort ! est-ce en ton sein que le sens de la vie
Se tient clos ? c’est à toi qu’à la fin je me fie.
O mort ! dis-moi le mot ? – Le mot est dans ton cœur.

Q1  T15

Le soir de soie issu des seins — 1891 (8)

Pierre LouÿsPoèmes in Oeuvres complêtes

Chrysis, II

Le soir de soie issu des seins
Palpite un peu de pâle peine
Plainte en pleur dans la palme pleine
Du deuil des doigts aux durs desseins.

Et l’âme en mal d’amour immole
Un lot de lys lents en lambeaux
Au bout de bras ballants et beaux
Où la mort des mains est moins molle.

Fol effort de feinte en effet
Nulle nuit de nul dard ne fait
Que la crême en croisse crevée

Et rien n’aura leurré l’erreur
Si le tiers n’éteint ta terreur
Voile vain de valve avivée.

Q63 – T15 – octo – Remarquer la contrainte consonnantique en chaque vers

Un jour au cabaret, dans un moment d’ivresse, — 1890 (26)

G. de Viney in L’Aurore

Mots carrés syllabiques

Un jour au cabaret, dans un moment d’ivresse,
L’ivrogne Mathurin en se disputant fort,
A son ami Denis cherchait dernier sans cesse
Armé de son couteau pour lui donner la mort.

Il fond sur lui soudain et fortement le blesse ;
Arrêté sur le champ en prison il s’endort.
Ensuite condamné, pour la Nouvelle, en laisse,
On le conduit ; mais lui mécontent de son sort,

S’évade dans le bois et rencontre un deuxième
Que l’on nomme premier. de cet homme méchant
Il craint la dent cruelle, et veut, en se cachant

Echapper à la mort et se sauver quand même …
Plus loin un caïman, au milieu des roseaux,
Le happant en passant, l’entraîne au fond des eaux.

Q8  T30

Mon premier, pavé d’or des palais merveilleux — 1890 (25)

Paul Bourget in L’Aurore

Sonnet-charade

Mon premier, pavé d’or des palais merveilleux
Que baigne une lumière éblouissante et pâle
Dans le scintillement magique de l’opale,
Résonne sous les pas et fait baisser les yeux.

Entre le double azur de la mer et des cieux,
Et parmi la rumeur confuse et sépulcrale
De l’immense Océan qui sanglote et qui râle,
Mon second dans les flots se dresse, radieux.

Quand votre sang s’étend en pourpre triomphale,
Lamentable troupeau des héros expirants
Vous criez mon troisième aux cieux indifférents.

Aucin, Sémiramis, Penthésilée, Omphale,
Visages tour à tour perfides et charmants,
Mon tout vient prendre place, ô femmes, dans vos rangs !

Q15  T29

Minet te guette, cher petit, — 1890 (24)

– « Black » in L’Aurore

Anagramme-sonnet

Minet te guette, cher petit,
Gare-toi de son vol rapide ;
Crois-moi, ne fais pas l’intrépide
Pour contenter son appétit.

Sur toi son œil s’appesantit ;
Il trompe, son regard stupide …
Vois du gourmand la gueule avide
Qui t’enserre et qui t’engloutit ! –

Lentement je vais à la fosse,
Moi qu’on nommait un sacerdoce
Et qui ne suis qu’un vil métier !

Le peintre vend .. de la céruse ;
Et le poète vend … sa muse …
C’est à qui sera le moins fier !

Q15  T14  octo

Ah ! plaignez mon destin, sensible et bon lecteur, — 1890 (22)

Cirederf Ybl. in L’Aurore

Enigme-sonnet
dédiée aux lectrices langonnoises

Ah ! plaignez mon destin, sensible et bon lecteur,
Car il est peu d’humains, sur la terre et sur l’onde,
Qui ne se sente pris d’une pitié profonde
Au récit émouvant de mon cruel malheur.

Dans un boudoir parmi des meubles de valeur
Ou bien dans une chambre où la richesse abonde
L’on me couche et voyez la cruauté du monde
Chacun me foule aux pieds et m’écrase le cœur !

Mais là n’est pas le terme, hélas ! de mon martyre,
Poussé par je ne sais quel infernal délire,
Un monstre au bras nerveux, au regard sombre et dur,

Me soulève et s’armant d’un bâton – oh ! l’infâme ! –
Frappe et me bat si fort qu’aussitôt je rends l’âme
Fin nuage poudreux qui se perd dans l’azur …

Q15  T15

O ravissant moulin, pittoresque séjour, — 1890 (21)

A.Ellivedpac (Capdeville) in L’Aurore

Le joli moulin

O ravissant moulin, pittoresque séjour,
Voici le gai tic-tac de la meule joyeuse,
Que l’écume des flots recouvre tour à tour
De dentelle d’argent et d’hermine soyeuse

Avec le deux Babot, compagne de l’Amour,
Arrive de la ville, et, là-bas, sous l’yeuse
Elle prépare alors le boudin, un du jour,
Bravo ! charmante épouse à l’humeur travailleuse.

Le mari beau gaillard apprête un gros baiser
A l’ombre du total, où viennent se poser
Les effrontés pierrots tout neigeux de poussière.

Oiseaux enfarinés j’aime votre doux chant,
Rivière de cristal, je t’adore et pourtant
Je préfère au moulin … la gentille meunière!

Q8  T15  Sonnet-charade . (Prime : 1 timbre en caoutchouc aux initiales du lauréat)

Le poupard était bon: le raille nous aggriffe, — 1889 (11)

Marcel Schwob Oeuvres de Jeunesse

L’emballage

Le poupard était bon: le raille nous aggriffe,
Marrons pour estourbir notre blot dans le sac.
Il fallait être mous tous deux comme une chiffe
Pour se laisser paumer sur un coup de fric-frac.

Nous sommes emballés sans gonzesse, sans riffe,
Où nous faisions chauffer notre dard et son crac
Chez le bistrot du coin, la sorgue, quand on briffe
En se palpant de près, la marmite et son mac.

Le mazarot est noir; pas de rouges bastringues,
Ni de perroquets noirs chez les vieils mannezingues;
Il faut être rupin, goupiner la mislocq.

Bouffer sans mettre ses abatis sur la table
Et ne pas jaspiner le jars devant un diable;
Nous en calancherons, de turbiner le chocq.

Q8 – T15  argot poupard : se dit d’un bébé grassouillet