Archives de catégorie : 1-fem

sonnets à première rime féminine (Malherbe)

Lorsque, pensif, j’entends le doux ramage — 1827 (2)

M.M.J. in L’hommage aux demoiselles

Imitation de Pétrarque

Lorsque, pensif, j’entends le doux ramage
De Philomèle exprimant ses douleurs,
Le vent frémir au travers du feuillage,
Et le ruisseau qui baigne ce rivage
En mumurant bondir parmi les fleurs,
Mon esprit suit sa vague rêverie
Et pénétré des feux que je ressens,
Je vois, j’écoute une beauté chérie,
Qui retourna vers les cieux, sa patrie,
Et qui, de loin, répond à mes accents !
Sa voix me dit, dans un tendre langage :
« Pourquoi vouloir, au milieu de ton âge
Te consumer en stériles regrets ?
Si j’ai quitté le bocage si frais,
Si le néant a dévoré mes charmes,
Sur mon destin ne verse pas de larmes ;
Songe plutôt à mes félicités,
La mort me donne une vie immortelle,
Et quand mes yeux, de douleur attristés,
Semblaient voilés par la nuit éternelle,
Ils se rouvraient aux célestes clartés »

21 octosyllabes  rvf  sns

Prince, c’en est donc fait, tu te rends dans la tombe!! … — 1827 (1)

Emile Astaix Essais de Versification

Sonnet sur la mort de Sa Majesté Louis XVIII, Roi de France

Prince, c’en est donc fait, tu te rends dans la tombe!! …
Le burin de l’histoire et la postérité,
Qui pleureront le jour où ta bonté succombe,
Diront que ta vertu vaut l’immortalité!

Hélas! les vifs regrets de la tendre colombe
Lorsque du plomb mortel son amant est blessé,
N’égaleront jamais ceux où mon coeur retombe
Au douloureux aspect de ton astre éclipsé.

Que m’importe la vie en ce moment funeste?
Au trépas de mon roi, grand Dieu, quel bien me reste? …
Le seul épanchement de mes chagrins pieux.

Mais sans doute ton âme à ses aïeux augustes
Ne pouvait envier un sort plus glorieus …
LOUIS s’est endormi du beau sommeil des justes!

Q8 – T14

Employé de banque à Bordeaux. L’un de ses deux sonnets. (L’autre est un acrostiche).

Salut monarque heureux qui protegeas Molière, — 1826 (1)

L.M. Perenon Promenades poétiques

Sonnet aux manes de Louis XIV

Salut monarque heureux qui protegeas Molière,
Les Racine, Boileau, Corneille & Fénelon,
Bossuet & Fléchier, D’Aguesseau, Massillon,
Fontenelle et Rousseau, Sévigné, Deshoulière;
Descartes, Cassini, Pascal et Lafontaine;
Les Couston, les Andreau, le Poussin, & Mignard,
Richelieu, Mazarin, Jean-Bart, Vauban, Villard;
Villeroy, Cativaud, Saxe, Condé, Turenne
Mille contemporains qui tous ont mérité
Tant de bienfaits, vivront dans la postérité!

Du plus grand de nos rois, quand on revoit l’image,
Colbert parle à nos sens, revis ô Belle-Cour :
L’équestre de Louis des beaux-arts doux langage
A son aspect français, nous dicte un cri d’amour.

Q63 – T14- disp: 10+4

Sur un trône éclatant de gloire et de clémence — 1825 (1)

– Jacques-Dominique Harman, Baron de Heermann
Sur le Sacre de Charles X

Sonnet

Sur un trône éclatant de gloire et de clémence
Apparaît un Bourbon, égide de la France
Successeur de Louis, le Solon de nos lois ,
Il marche sur les pas du modèle des rois.

Du faîte des grandeurs, par sa munificence,
On le voit chaque jour secourir l’indigence :
Ralliant les Français aux accords de sa voix,
Sa bonté les accueille et les touche à la fois.

Pour conserver toujours l’éclat de sa couronne,
Dans le rayon divin qui déjà l’environne,
Et réfléchit ses feux au front de Dieudonné ;

Tel qu’à Jérusalem, aux pieds de l’arche sainte,
Du Sceau de l’Eternel David reçut l’empreinte,
Charles X en triomphe à Reims est couronné.

Q1  T15

Prions! De ses vertus une vierge parée, — 1824 (4)

Hippolyte Thomas
Sonnets

La prise d’habit

Prions! De ses vertus une vierge parée,
Chaste épouse du Ciel à la paix consacrée,
S’avance, et le front calme, aux pieds de l’éternel,
Prononce avec transport un serment immortel.

Simple fille des champs, par la grâce abreuvée,
Sur un riche avenir ta foi s’est élevée
Sublime est ta prière, ô touchante Israël;
De ses parfums pieux elle embaume le Ciel.

Athée, ah! Loin de moi va traîner ta souffrance,
Laisse-moi le bonheur, laisse-moi l’espérance:
Jusques à tes bienfaits épouvantent mon coeur.

Douce immortalité, que ma jeune pensée
Laisse aux regrets mortels sa dépouille glacée,
Trompe-moi, j’y consens: je chéris mon erreur.

Q27 – T15

‘parée’ et ‘abreuvée’ ne riment pas classiquement

Vaste Napoléon, plus d’un jeune Alexandre — 1824 (3)

Hippolyte Thomas Sonnets

Napoléon

Vaste Napoléon, plus d’un jeune Alexandre
Envîra tes débris, et consacrant tes fers,
Et ton courage encor plus grand que tes revers,
Des pleurs de l’héroïsme ira baigner ta cendre.

O cygne harmonieux des rives du Méandre!
Renais de ton génie et vole au sein des mers,
Où ta valeur absente effrayait l’univers.
Quelle gloire à chanter! quelles pleurs à répandre!

A ses affreux destins rien n’a pu l’arracher!
Trop serré dans l’Europe il meurt sur un rocher.
Ce siècle à Vaterlo s’arrête avec sa gloire.

Des passions en feu l’apôtre et le martyr,
Sur tes vastes débris consommant ta victoire,
C’était à Vaterlo que tu devais mourir.

Q15 – T14 – banv

Monsieur Thomas joint ‘pleurs’ à ‘amours, délices et orgues’. Cela est courant encore à l’époque.

Louis montait au ciel; son frère sans défense, — 1824 (2)

Hippolyte Thomas Sonnets

Louis XVIII et Madame

Louis montait au ciel; son frère sans défense,
Loin de la tombe, hélas! où dorment ses aïeux,
Traînant de rois en rois une oisive espérance,
Sur des malheurs sans crime interrogeait les Cieux.

Partout du désespoir le douloureux silence!
Tel, dans la Grèce antique, un sort injurieux
De coupables remords effrayait l’innocence
Et dévouait Oedipe aux caprices des dieux.

Fille du roi-martyr, dans ces longs jours d’orages,
Devant l’éternité, cette mer sans rivages,
Tu dépouillas la gloire à l’ombre des autels!

Là, sous un deuil pieux, dans une vie austère,
Cultivant du Thabor la palme solitaire,
Ta vertu vengea Dieu du mépris des mortels.

Q8 – T15

jeune, tu nous offrais la rose près d’éclore — 1823 (1)

F(idèle) Delcroix Poésies

Sonnet du Tasse
Negli anni acerbi tuoi …

Jeune, tu nous offrais la rose près d’éclore
Qui timide, élevant son bouton virginal,
De sa verte prison s’échappe, et n’ose encore
Entr’ouvrir sa corolle au zéphyr matinal.

Ou mieux, tu ressemblais à la vermeille Aurore,
Qui, du jour aux humains donnant l’heureux signal,
Sous un ciel pur, sourit aux monts qu’elle colore,
Et fait briller les prés d’un liquide cristal.

Le Temps à ta beauté n’a fait aucune injure:
Une vierge, empruntant tout l’art de la parure,
A ton seul négligé le cèdera soudain.

Telle est, dans son éclat, la rose épanouie;
Tel encore, à midi, plus ardent qu’au matin,
L’oeil du jour étincelle à la vue éblouie.

Q8 – T14  – tr

De l’antique Sonnet les grâces surannées — 1822 (1)

Comte François de Neufchateau in L’Album, Journal des arts, des modes et des théâtres

Sonnet

Sur le genre du Sonnet même

De l’antique Sonnet les grâces surannées
L’ont presque fait bannir du Parnasse français
Les ballades aussi semblent abandonnées,
Et le Rondeau, lui seul, trouve encor quelque accés.

Hélas, je vis jadis, dans mes tendres années,
Le Sonnet plus en vogue, et j’y réussissais.
Des Bouts-Rimés gênants remplir les lois données
Ne fut qu’un jeu pour moi dans mes premiers essais.

Osè-je y revenir? c’est une rude tâche!
Mais voilà deux Quatrains: allons! point de relâche;
Ajoutons deux Tercets, et ce sera fini.

Contre un peu d’amour-propre on n’a point de défense:
Voyez! pour un Sonnet, je me crois rajeuni,
Ou pour dire encor mieux, je retombe en enfance.

Q8 – T14 – s.sur.s

Le thème est indiqué dans le titre. Il commence par les plaintes habituelles sur la décadence de la forme; puis se transforme, dans les tercets, pour rejoindre la variante traditionnelle du sonnet en train de s’écrire. L’histoire de cette variété curieuse de l’espèce sonnet est encore à faire. Je n’en connais pas d’italien; le premier recensé est espagnol, du milieu du seizième siècle (Diego Hurtado de Mendoza); il est passé ensuite en France, dans l’école de Voiture. La Fontaine en a transposé le principe à la ballade. (Le sonnet sur le sonnet du protestant Pierre Poupo (1590) n’appartient pas à la même sous-espèce, étant un poème sur l’art du sonnet).

Italie! Italie! Ah! quel destin perfide — 1821 (4)

Madame de Staël Oeuvres (tome XVII)

Traduction du sonnet de Filicaia sur l’Italie

Italie! Italie! Ah! quel destin perfide
Te donna la beauté, source de tes malheurs?
Ton sein est déchiré par le fer homicide,
Tu portes sur ton front l’empreinte des douleurs.
Ah! que n’es-tu moins belle, ou que n’es-tu plus forte?
Inspire plus de crainte, ou donne moins d’amour.
De l’étranger jaloux la perfide cohorte
N’a feint de t’adorer que pour t’oter le jour.
Quoi! verras-tu toujours descendre des montagnes
Ces troupeaux de Gaulois, ces soldats effrénés,
Qui, du Tibre, du Pô, dans nos tristes campagnes,
Boivent l’onde sanglante, et les flots enchaînés?
Verra-t-on tes enfans, ceints d’armes étrangères,
Des autres nations seconder les fureurs;
Et ne marchant jamais sous leurs propres bannières,
Combattre pour servir, ou vaincus, ou vainqueurs?

ababcdcdefefghgh – sns – 16v – tr