Archives de catégorie : Genre des rimes

Souffle, songe, silence, invisible accalmie, — 1934 (8)

Abel Valabrègue Les uns et les autres, pastiches

Paul Valéry

Souffle, songe, silence, invisible accalmie,
Sur qui la paix soudaine a trompé la douleur,
Quand de ce plein sommeil l’onde grave et l’ampleur
Semblent se concevoir à la bouche infinie.

Pire. Pire ? – Comme ils venaient d’une autre vie.
Mais toi, de bras plus purs, présent comme une odeur,
Ouvre au ciel en moi-même une autre profondeur
Dont la close étendue au centre me convie.

Gemmes rouges de jus, mépris de tanr d’azur,
Ne cherchez plus … Pleurez la chance d’un fruit mur !
Sous nos mêmes amours à peine il se redresse.

Mais, comme les soleils ne voient plus que le sang
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Epuise l’infini de l’effort impuissant

Bibliographie Dormeuse-Anne- La jeune Parque – Fragment du Narcisse – Au platane – Ebauche d’un serpent – Air de Sémiramis- La femme forte – La grenade – Le rameur – Dolmen – Cantique des colonnes – La fileuse

Q15  T14 – banv

A quoi te sert de fuir ? l’Angoisse est prête. — 1934 (7)

– Benjamin Fondane L’exode in Le mal des fantômes (ed.1996)

Voix de l’Esprit

A quoi te sert de fuir ? l’Angoisse est prête.
– Je veux dormir. Qui crie ? est-ce moi ?
Une lumière gicle – Sang ou soie ?
C’était, je m’en souviens, c’était la fête …

Ce n’est, inimitable, qu’une voix
Qui coule de mes reins jusqu’à ma tête :
Arrête-toi ! qui parle ?  suis-je bête !
C’était, je m’en souviens, c’était la joie …

Figures vierges. Solitudes grasses.
Est-ce le plat démon ? une ombre passe,
Emplit mon arc tendu, de mouvement.

Délices fortes que le temps renoue !
O voix !  plus assassines que le sang.
Et pas un fleuve pour coucher ma joue.

Q15  T14  – banv – déca

La chair a beau crier: l’Angoisse est lourde. — 1934 (6)

– Benjamin Fondane L’exode in Le mal des fantômes (ed.1996)

La chair a beau crier: l’Angoisse est lourde.
Et l’Ange a beau gémir : il est lié.
Qui suis-je ? en quelles paumes oublié ?
Mer repliée au cœur de la palourde.

Es-tu ici prière ? o grande sourde !
Je crie. Le monde me revient crié.
Rien ! rien que ce sanglot du temps nié
Où pèse des soleils la masse sourde.

Pas même seul. Des tas ! des tas de SEULS !
Ont elles droit, si maigres, aux linceuls,
Ces pures ombres que l’histoire traque ?

Puisse-t-il être ton moyeu, sommeil,
Ce centre où Dieu rayonne le Zodiaque !

…. Ô terres du futur ! puissants orteils ! ….

Q15  T14  déca – disp: 4+4+3+2+1

Je l’avais compris un soir de légende — 1934 (5)

Patrice de La Tour du Pin La quête de joie

Je l’avais compris un soir de légende
Si profondément que j’en avais peur,
Et notre amitié devenait si grande
Que nous n’en pouvions saturer nos cœurs.

Je ne connaissais que toi de si rare,
De si lumineux dans le haut chemin;
Je croyais que seule la mort sépare
Et que ton absence aurait une fin.

Par les soirs cruels de l’indifférence,
Je vivais dans ta très douce présence,
Attendant des jours tranquilles et clairs.

J’ai veillé longtemps sans âme et sans force:
Peut-être as-tu su déchirer l’écorce
Qui voilait si mal un cœur si désert?

Q59 – T15 – tara – taratantaras (avec un couac métrique au vers 7: une césure ‘lyrique’)

Ici que, déroulant une éternelle chaîne, — 1934 (4)

Vincent Muselli Sonnets moraux

Naissance

Ici que, déroulant une éternelle chaîne,
L’Univers, aujourd’hui, se retrouve enfanté,
Qui d’imiter leur œuvre eut la témérité,
Suscite des grands dieux le secours et la haine.

Aussi bien, ce n’est point, sous leur œil vigilant,
La sainte angoisse ou l’angélique maladie,
Ce n’est point seulement une branche alourdie,
Ni d’un lait généreux un beau sein se gonflant!

C’est de sang et de nuit la mixture créée,
C’est la torture ouvrant une cruelle entrée
Sur ce vivre qui n’est qu’un incessant finir.

Seule, à ce long chevet, l’espérance infirmière
Berce un ventre rempli d’orage et d’avenir,
Mais, du cloaque enfin dégainée, ô lumière!

Q63 – T14

‘Au Robert Guy l’an neuf’, hurlait, blême et sauvage, — 1934 (3)

Georges Fourest in Robert Guy d’Helle Poèmes actinimorphes

Pseudosonnet truculent et liminaire

‘Au Robert Guy l’an neuf’, hurlait, blême et sauvage,
l’aubage sourd-muet, debout sur le menhir
et, parmi la rafale, on entendait hennir
l’adultère homard tout nu sur le rivage.

Robert Guy, Robert Guy, sur le Gaurisankar,
tes chants feront saigner le quartz et le basalte
et ton verbe, déjà, que le sinople exalte,
bleuit les dahlias d’Arckangel à Dakar!

En vain, le corbillard, traîné par vingt licornes,
trucidant l’étendue infinie et sans bornes,
écrase les têtards pêle-mêle et sans choix,

car, bravant le klaxon de nos automobiles,
dans le golfe d’Oman des éponges nubiles,
au rythme de tes vers, berceront les anchois.

Q63 – T15

Quand le docteur lui dit: « Monsieur, c’est la vérole — 1934 (2)

Georges Fourest Le géranium ovipare

Un homme
Justum et tenacem propositi virum (Horace)
Gémir, pleurer, prier est également  lâche (Alfred de Vigny)

Quand le docteur lui dit: « Monsieur, c’est la vérole
indiscutablement! « , quand il fut convaincu
sans pouvoir en douter qu’il était bien cocu
l’Homme n’articula pas la moindre parole.

Quand il réalisa que sa chemise ultime
Et son pantalon bleu par un trou laissaient voir
Sa fesse gauche et quand il sut que vingt centimes
(oh! pas même cinq sous!) faisaient tout son avoir

il ne s’arracha pas les cheveux, étant chauve,
il ne murmura point: « Que le bon Dieu me sauve! »
ne se poignarda pas comme eût fait un Romain,

sans pleurer, sans gémir, sans donner aucun signe
d’un veule désespoir, calme, simple, très-digne
il prononça le nom de l’excrément humain.

Q62 – T15

Il avait ce jour-là défloré mille vierges — 1934 (1)

Georges Fourest Le géranium ovipare

Le nouvel Origène
ou
Le rut vaincu
Les effets de la castration sur les animaux sont connus; ils ne sont pas autres chez l’homme
Th. Ribot (Les maladies de la personnalité)

Il avait ce jour-là défloré mille vierges
de diverses couleurs et, suivant les leçons
des Pentapolitains huit cents jeunes garçons
parmi lesquels le fils – horreur! – de ses concierges!

Mais il ardait toujours, ahanant, frénétique
il investit des ours et des rhinocéros,
des lynx, des sphinx, le dieu-serpent d’Abonotique,
mais toujours il flambait sur le brasier d’Eros

et toujours le désir mordait sa génitoire
et vers le firmament l’orgueil ostentatoire
de son membre viril se dressait.  » Par Mithra!  »

s’écria-t-il,  » ô rut générateur du monde,
bâtard du vouloir vivre, à nous deux, rut immonde! »
il dit, s’arma d’un bon rasoir et se châtra.

Q62 – T15

Mon âme éteint ses lumières — 1933 (10)

Armand Masson in Felix  Arvers : articles (fonds rondel, RF 21313)

à la manière de Paul Valéry

Mon âme éteint ses lumières
Pour que le silence élude
L’amour que, sous mes paupières,
A figé la solitude.

Et la page est vierge où l’homme
Compose et dédicace
La prière inefficace
Avec l’estampe et la gomme.

Comme rien n’emplit le vide
Du néant qu’elle dévide,
Elle écoute sans entendre

La voix muette et soupire :
« Qu’est-ce que cela veut dire ? »
Mais semble ne pas comprendre

Q60  T15   rim.fem. arv pastiche -7s

Comme le fruit son ver, ma vie — 1933 (9)

Armand Masson in Felix  Arvers : articles (fonds rondel, RF 21313)

à la manière de P.J Toulet

Comme le fruit son ver, ma vie
Cèle un tourment secret,
Bien malin qui devinerait
Le nom de mon envie.

Toi-même ne me connais point,
Qui nourrit ma pensée,
Et qui plus distraite est passée
Que le vent sur les coings.

Car ce désir qui me lancine,
Il cède à ta vertu :
Et si je t’aime, je l’ai tu
Ou si c’est la voisine.

– arv  pastiche  3 qu – 2m: octo, 6syll