Archives de catégorie : Genre des rimes

Il neige dans mon cœur …. et le printemps éclate — 1912 (2)

– Docteur Paul PersyLes sonnets de l’or (1903-1912) –

Triomphe

Il neige dans mon cœur …. et le printemps éclate
En fleurs
De vives et fastueuses couleurs
Partout le blanc, le bleu, le roi et l’écarlate.

La brise chaude – comme on flatte
Un visage d’enfant en pleurs –
Caresse ces blancheurs, ces roses enjôleurs,
Ces bourgeons incarnats que le soleil dilate.

Or, pendant que la vie infatigable sort
Des tiges qu’elle brise et qu’un souffle plus fort
Chasse en un vol d’or les corolles libres,

Les flocons froids tombent plus pressés dans mon cœur,
Glaçant, tordant, broyant ses fibres;
Et c’est la mort et son ricanement vainqueur.

Q15 –  T14 – banv – m.irr

Qui donc es-tu? toi qui te lèves — 1912 (1)

Raoul Lecomte, l’employé de métro poète – Recueil de poésies

Aurora (sonnet)

Qui donc es-tu? toi qui te lèves
Là-bas où paraît le soleil
Toi qui fait achever mon rêve
En souriant à mon réveil.

Resplendissante tu t’élèves
Embrasant l’horizon vermeil,
Décor sublime et sans pareil
Surgit dans la nuit qui s’achève.

De tes éclats éblouissants
Aux mille feux étincelants
Tu fais s’épanouir la flore.

Et parmi le calme serein
A ma fenêtre le matin
Je vois apparaître « L’aurore ».

Q9 – T15 – octo  – « Au fond du souterrain où ma vie se déroule »
En quatrième de couverture: « Toi qui souffres et te lamentes / Ayant des troubles dans le cœur, / De Ricqlès prend l’Alcool de Menthe / Tu trouveras le vrai bonheur // »

Dans les rameaux des ifs et des cèdres en cône, — 1911 (10)

Léon Vérane Terre de songe

Dans les rameaux des ifs et des cèdres en cône,
Les perroquets rouges et verts se sont juchés
Et troublent d’un frôlis d’ailes le soir d’automne
Au long des boulingrins de corolles jonchés.

Et le nain, sous son chaperon de velours jaune
Où comme un bleu panache un iris est fiché,
Jongle avec des citrons, des cédrats et des pommes
Aux cris rauques des grands oiseaux effarouchés.

Mais la lune surgie au ciel de lazulite,
Ecorne sa rondeur aux ifs pointus du bois,
Et le nain qui jonglait, soudain devenu triste,

Songe qu’il a manqué pour la première fois
Un citron, un cédrat ou une pomme blanche,
Puisqu’un fruit est resté dans la fourche des branches

Q8  T23  quelques assonances

L’ennui tombe sur moi comme un lourd crépuscule. — 1911 (9)

Léonce Cubelier de Bagnac La naissance du verbe

La lampe

L’ennui tombe sur moi comme un lourd crépuscule.
Ma chambre est pleine d’ombre & mon cœur est désert.
Espoirs, regrets, désirs, tout est mort ! et dans l’air,
Je ne sais quoi de morne et de glacé circule.

Mon âme, où tout le deuil des choses s’accumule,
Tremble, devant le soir, d’un grand frisson amer.
L’horizon a sombré dans la brume d’hiver …
On dirait que la vie, incertaine, recule.

Je vais mettre très haut ma lampe & ma pensée,
Pour que, si quelque ami, passant sur la chaussée,
Vers mon humble logis vient à lever les yeux ;

Ou bien, si quelque rêve égaré dans les cieux
Cherche, pour s’y poser, un âme triste et tendre,
L’ami songe à monter, et le rêve à descendre.

Mon front trop lourd s’incline – et je suis las d’attendre.
Voici que le jour point, ma lampe va mourir …
Ils ne sont pas venus, ceux qui devaient venir.

Q15  T13  + eff  17v

Ainsi qu’un coeur brisé, ton cul saigne, mignonne — 1911 (6)

J.K. Huysmans

Sonnet saignant

Ainsi qu’un coeur brisé, ton cul saigne, mignonne
Les règles à grands flots coulent, et, affamé
D’amour et de mucus, faune enthousiasmé,
Je bois ton vin sanglant et je me badigeonne

Les lèvres d’un carmin vaseux qui me goudronne
Et moustache et langue. Ah! dans ton poil, gommé
Par les caillots fondus, j’ai maintes fois humé
Une odeur de marine, et, pourtant, ça t’étonne,

Que je puisse avaler ton gluten sans dégoût,
Mais c’est le vrai moment, pour un homme de goût,
De barbouiller sa bouche au suc rouge des règles,

Alors que les Anglais ont débarqué, joyeux!
Pour activer ce flux, vite l’ergot de seigle;
Car si baiser est bien, gabahoter* est mieux.

Q15  T14 gabahoter* : gamahucher

Je lève haut la tête et dois encor prétendre — 1911 (5)

Anthologie Hospitalière

E.Feld

Sonnet du Dard vert

Je lève haut la tête et dois encor prétendre
Que Nemrod à mon maître enseigna l’art de tendre:
Tendre et dur à la fois! Le seul art vénérien
Les fait, les synthétise en ne partant de rien.

Ô beauté pénisienne, ô beauté préputiale!
Pour vous plus d’une fille à … l’âme virginale
A désiré tailler cette plume d’amour
Qui sait mettre en relief le charme du contour.

Aussi mon possesseur me chérit, me vénère,
Il sait, quand il le faut, m’appeler: –  » Petit frère « .
Et puis d’une caresse augmenter mes appas.

A toutes j’ai montré, prodigue, ma plastique;
Fidèle à mon dicton : –  » Qui s’y frotte … s’y pique  »
Et j’ai … pleuré souvent en ne m’essuyant pas!

Q58 – T15

Son corps a son secret, son vagin son mystère — 1911 (4)

? Anthologie Hospitalière

Imité du sonnet d’Arvers

Son corps a son secret, son vagin son mystère
Mal horrible, éternel, en un moment conçu.
Et, puisqu’il est secret, pourquoi ne pas le taire?
Car ne vaut-il pas mieux qu’il n’en soit rien su.

Ciel! je vous remercie de m’en être aperçu;
Je vous en remercie pour mon ver solitaire,
Car j’aurais pu passer près d’elle sur la terre,
N’ayant rien demandé, pourtant l’ayant reçu.

Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle ira son chemin, cruelle et sans entendre
Les soupirs douloureux élevés sur ses pas.

A son noble métier obstinément fidèle,
Elle dira, le mal l’effleurant d’un coup d’aile:
« Quel est donc le salop? » Mais ne trouvera pas.

Q10 – T15 – arv

Au-delà de l’Araxe où bourdonne le gromphe, — 1911 (3)

Philippe Berthelot in Philippe Martinon Dictionnaire méthodique et pratique des rimes françaises

« … triomphe, l’exemple ordinaire des mots sans rimes, n’aura pas de rime ici, puisqu’il n’en pas dans l’usage. *
* Nous citerons pourtant, à titre de curiosité, le sonnet suivant, de M. Philippe Berthelot

Alexandre à Persépolis 330 av J.C.

Au-delà de l’Araxe où bourdonne le gromphe,
Il regardait, sans voir, l’orgueilleux Basileus,
Près du rose grandit que poudroyait le leuss,
La blanche floraison des étoiles du romphe .

Accoudé sur l’Homère au coffret chrysogromphe,
Revois-tu ta patrie, ô jeune fils de Zeus,
La plaine ensoleillée où roule l’Aenipeus,
Et le marbre doré des murailles de Gomphe?

Non! le roi qu’a troublé l’ivresse de l’arack,
Sur la terrasse où croît un grêle azédarac,
Vers le ciel, ébloui du vol vibrant du gomphe

Levant ses yeux rougis par l’ivresse et le vin,
Sentait monter en lui comme un amer levain
L’invincible dégoût de l’éternel triomphe.

Q15 – T15 –  y=x ( d=a ) – – Cet exemple nous a été signalé par mr J.Cl. Milner.(JR)

Ma douce enfant ma gosseline, — 1911 (1)

Arthur Cravan Premiers poèmes (1908-1911)

Solo de soir

Ma douce enfant ma gosseline,
Le golfe dort adamantin
Seul quelque obstiné galantin
Pince un lento de mandoline.

Dans la brise frôlant câline
Comme une manche de satin,
Goûtons ce soir napolitain,
Suave ainsi qu’une prâline

Qui fond au cœur exquisément.
Un oiseau dans l’enchantement
Rossignole avec véhémence.

Nous écouterons si tu veux
Sa sentimentale romance
Car il lune dans tes cheveux.

Q15 – T14 -banv –  octo

Les bruits nous l’ont décrit d’une façon exacte. — 1910 (10)

Edmond Rostand Didascalie de Chantecler

Les bruits nous l’ont décrit d’une façon exacte.
Portail croulant. Mur bas fleuri d’ombelles. Foin.
Fumier. Meule de paille. Et la campagne au loin.
Les détails vont se préciser au cours de l’acte.

Sur la maison, glycine en mauve cataracte.
La niche du vieux chien de garde, dans un coin.
Epars, tous les outils dont la terre a besoin.
Des poules vont, levant un pied qui se contracte.

Un merle dans sa cage. Une charrette. Un puits.
Canards. Soleil. Parfois une aile bat, et puis
Une plume, un instant, vole, toute petite.

Des poussins, pour un ver, se disputent entre eux.
Le dindon porte au bec sa rouge stalactite.
– Silence chaud, rempli de gloussements heureux.

Q15 – T14 – banv