Archives de catégorie : Genre des rimes

Rien n’est plus ennuyeux que ces villes banales — 1879 (5)

Albert GlatignyOeuvres

Rien n’est plus ennuyeux que ces villes banales
Débitant du soleil à faux poids, ou des eaux
Qui doivent éclairer nos muscles et nos os,
Pays d’albums usés, stations hivernales.

Des princes vagabonds illustrent leurs annales;
Les hôteliers hargneux combinent des réseaux,
Et l’on voit fuir au loin la joie et les oiseaux
Devant de laids bourgeois livrés aux saturnales.

Mais qu’un jour le hasard, généreux quelquefois,
Fasse se rencontrer dans ces hôtelleries
Deux amoureux de vers et de rimes fleuries,

Tout s’égaye aussitôt: on voit germer des bois
Sur le trottoir fangeux, et les Muses fidèles
Font taire les bruits épars à grands coups d’ailes.

Q15 – T30

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille — 1879 (3)

Albert GlatignyOeuvres

Sonnets spartiates, II

Eh bien, oui! j’aime un plat canaille
Bien mieux que ces combinaisons
Qu’un chef alambique et travaille
Ainsi qu’Enili ses poisons,

Sur le banc de bois où me raille
Le merle chantant aux buissons,
Le cabaret et sa muraille
Que charbonnent les polissons.

Là, je vois des vins populaires
Où Suresnes met ses colères
Et qui font le nez bourgeonné,

Et, pour irriter la fringale,
Cyniquement je me régale
D’un plat de hareng mariné.

Q8 – T15 – octo

La table étincelait. Un tas de bonnes choses — 1879 (2)

Albert GlatignyOeuvres

Sonnets spartiates, I

La table étincelait. Un tas de bonnes choses
Chargeait la noble nappe. On y voyait des mets
Etiquetés de noms savants, chers aux gourmets.
Les crûs fameux brillaient, transparents, blancs et roses.

Sous un prétexte aucun, mes yeux n’avaient jamais
Touché même de loin à ces plats grandioses,
Et cependant mon front, voilé d’ombres moroses,
Montrait que ce n’était point là ce que j’aimais.

« Tu te voudrais sans doute au fond de tes gargotes,
Dans un bouillon Duval, près d’une portion
De lapin contestable ou de boeuf aux carottes,

Misérable! » me dit tout haut l’amphitryon.
Tout tremblant du courroux qu’il ne faisait paraître.
Et moi, je répondis tranquillement: « Peut-être! ».

Q15 – T23

C’est le premier de l’an, mignonne — 1878 (9)

? in Revue de la Société littéraire de l’Ain

Caprice de jeune fille

C’est le premier de l’an, mignonne
Je suis prêt à combler tes vœux.
A tes désirs je m’abandonne,
Quand je saurai ce que tu veux.

Que faudra-t-il que je te donne ?
Veux-tu quelques chiffons soyeux?
A des journaux vraiment joyeux
Préfères-tu que je t’abonne ?

Veux-tu des livres, mon trésor ?
J’en ai de tout chamarrés d’or
Choisis dans ma bibliothèque.

Veux-tu poser pour nos portraits ?
-Non, dit la fille; je voudrais
Voir guillotiner un évêque.

Q9  T15  octo

Puisque le feu sacré dans mon coeur se réveille, — 1878 (5)

F. Cousin (de la Bassée) Dans la charmille

UN SONNET.

Puisque le feu sacré dans mon coeur se réveille,
Muse, à l’oeuvre, je veux trouver sous mon bonnet…
Trouver, devinez quoi?… quel caprice! un sonnet,
Dussé-je prolonger jusqu’au matin ma veille !

Notre grand maître à tous, Boileau, qui s’y connaît,
Nous dit que deux quatrains de mesure pareille,
Où la rime à deux sons frappe huit fois l’oreille,
Suivis de deux tercets distincts, font le sonnet.

Il faut que ces tercets, ajoute-t-il encore ,
Séparés par le sens, aient un rhythme sonore,
Avec un vers final, piquant, inattendu.

Voilà presqu’un sonnet ; c’en est un, sans nul doute,
Du Parnasse, ma foi, je reconnais la route
Que parcourait jadis l’auteur du Temps perdu (*).

(*) Titre d’un volume de poésies de l’auteur.

Q16  T15  s sur s

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde — 1878 (2)

Charles Soullier Mes sansonnets

Le Siècle du Sonnet ou Les sept ages du monde à partir de l’age d’or jusqu’à nos jours

Nous avons eu jadis le siècle d’or : le monde
Qui, jeune encore alors, n’était qu’à son printemps,
Avait pour tout habit sa chevelure blonde:
Mais un soleil si pur ne brilla pas longtemps.

Deux mille ans avaient fuit sur la terre et sur l’onde,
Quand le siècle de fer, grâce au progrès du temps,
Saluant de Papin la science profonde,
Découvrit la vapeur aux longs spireux flottants!

Après, vint au galop le siècle des lumières,
Dont l’astre éblouissant fatiguait les paupières;
Puis le siècle d’argent qui, pour parler plus net,

Fut le siècle du vol , ou siècle de la bourse ,
Que le siècle du sport absorba dans sa course.
Nous avons aujourd’hui le siècle du sonnet .

Q8 – T15 – s sur s – Mr Soullier cite La Harpe (commentant Boileau) : « C’est là pousser trop loin le respect pour le sonnet, où l’on ne trouve d’ailleurs point de différence essentielle entre sa tournure et celle des autres pièces de vers à rimes croisées, telles que le madrigal et l’épigramme dont le principal mérite est de finir aussi par une pensée remarquable. »
Il propose ensuite sa propre définition.
« Les règles d’après les bases qui en ont été posées par les principales autorités littéraires sont:
– 1 – Le sonnet se compose de 14 vers de mesure pareille, principalement de 12 syllabes, mais quelque fois aussi de 10, 8, et même au-dessous de ce chiffre, selon la nature du sujet. Il ne faut que très rarement se départir de ces formes principales.
– 2 – Ces 14 vers doivent être divisés en deux quatrains et deux tercets
– 3 – Il ne doit exister que deux genres de rimes dans les deux quatrains, l’une masculine et l’autre féminine. Les rimes peuvent être consécutives ou diversement croisées selon le choix du poète.
– 4 – Le sixain, composant les 2 tercets, doit avoir trois rimes. Ces rimes doivent être différentes de celles de deux quatrains; et elles seront disposées à volonté, selon les règles particulières des stances de six vers.
– 5 – Il y aura un repos entier au quatrième vers de chaque quatrain et un demi-repos au deuxième vers de chacun d’eux. « 

Pendant que la nuit meurt, que tout sommeille encore, — 1878 (1)

– Abbé Léopold Dupuy-PéyouLes joyaux de la reine des cieux ou Litanie de la Très-Sainte Vierge paraphrasée en sonnets, …-

STELLA MATUTINA

Pendant que la nuit meurt, que tout sommeille encore,
On voit comme un clou d’or oublié dans les cieux,
Avant que l’horizon de pourpre se colore,
Un seul astre attardé qui brille radieux.

C’est l’astre du matin qui précède et décore
Le phare éblouissant qui réjouit nos yeux.
Docile avant-coureur, il annonce l’aurore
D’un jour calme et serein, au matelot pieux.

Mais moins belle est au temple une lampe allumée,
Moins doux sont les rayons de l’urne parfumée
Qu’aux pieds de l’Eternel balance un chérubin,

Que ton éclat, Marie. Oui, dans la nuit profonde,
Précédant le Soleil qui réchauffe le monde,
Israël te vit luire, Etoile du matin!

Q8 – T15 – « Parmi les divers genres de poésie, nous avons choisi le sonnet qui, plus que toute autre pièce, offre l’aspect d’une hymne véritable par ses formes et ses lois invariables.

Ce n’est pas sans effort que nous avons persisté dans la règle constante que nous nous sommes tracée, à savoir de clore toujours chaque sonnet par l’invocation qui en fait le sujet. On remarquera les difficultés sans nombre qu’a fait surgir cette uniformité. Si le trait final & caractéristique du sonnet ne jaillit pas toujours, la sécheresse d’une rime banale mérite qu’elle partage les reproches réservés à l’auteur.  »
Un des sonnets de l’abbé est un acrostiche:  AVE O CASTA MARIA

Sur les blés verts l’alouette, — 1877 (10)

Narzale Jobert Myosotis à la Vierge

L’alouette
A Monsieur Mauric de Canchy
L’alouette se lève et chante les mâtines – Anaïs Ségalas

Sur les blés verts l’alouette,
Au mois de Mai radieux,
D’abord timide, volette,
Puis, s’élance vers les cieux.

Son gosier jaseur miette
Un hymne mélodieux.
Le laboureur qui la guette,
La questionne anxieux :

O virtuose rustique,
Que dit ton joyeux cantique
Aux tons si doux, si touchants ?

– A la campagne fleurie
Je dis : Célèbre Marie !
Moi je lui porte mes chants.

Q8  T15  7s

Il retentit Là-Haut sur la lyre des Anges : — 1877 (9)

Narzale Jobert Myosotis à la Vierge

Le nom de Marie
A Madame Albert de Feu

Il retentit Là-Haut sur la lyre des Anges :
Il est né d’un sourire au front de Gabriel.
Nom divin ! qu’il fait bon célébrer tes louanges !
Sur ta lèvre tu mets comme un suave miel !

Le palmier de Cadès, l’encens de l’Idumée,
La fleur de Jéricho, les vignes d’Engaddi,
Le myrrhe, le santal, l’orange parfumée,
N’ont rien de la douceur de ce beau nom redit.

Le ruisseau qui murmure en sa couche d’arène,
Le chant de la colombe au bord de la fontaine,
La brise du printemps qui passe sur les bois ;

Les baumes, les accords, les fleurs, les tendres voix,
Ce qui charme nos sens et notre âme attendrie,
Tout s’efface et s’éteint devant ce nom : Marie !

Q59  T13

Mère des orphelins, ô divine Marie, — 1877 (8)

Narzale Jobert Myosotis à la Vierge

Salut
Ave maria – ‘L’ANGE GABRIEL

Mère des orphelins, ô divine Marie,
Je viens m’agenouiller au pied de ton autel ;
Tant de fois ta puissance a protégé ma vie,
Faible enfant ! – Je te voue un amour éternel.

Heureux qui te choisit pour patronne chérie !
Tu le consoleras dans son sentier mortel.
Ton nom passe si doux sur la lèvre qui prie !
Ton regard sur un cœur tombe si maternel !

Je voudrais à ton front où la grâce rayonne
De fleurs d’or le plus pur placer une couronne,
Mais je n’ai que mon luth, ingénieux troubadour ;

Je te l’offre. – Il dira ta bonté tutélaire,
Les bienfaits que du ciel tu fais pleuvoir sur tette :
O Vierge, accepte-le, comme un gage d’amour !

Q8  T15