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Sonnets sur le sonnet

Ne ris point des sonnets, ô critique moqueur! — 1829 (5)

Sainte Beuve mis dans l’exemplaire des Oeuvres de Ronsard offert à Victor Hugo à l’occasion de son mariage

Imité de Wordsworth

Ne ris point des sonnets, ô critique moqueur!
Par amour autrefois en fit le grand Shakespeare;
C’est sur ce luth heureux que Pétrarque soupire,
Et que le Tasse aux fers soulage un peu son coeur;

Camoens de son exil abrège la longueur,
Car il chante en sonnets l’amour et son empire;
Dante aime cette fleur de myrte, et la respire,
Et la mêle au cyprès qui ceint son front vainqueur;

Spencer, s’en revenant de l’île des féeries,
Exhale en longs sonnets ses tristesses chéries;
Milton, chantant les siens, ranimait son regard:

Moi, je veux rajeunir le doux sonnet en France:
Du Bellay, le premier, l’apporta de Florence,
Et l’on en sait plus d’un de notre vieux Ronsard.

Q15 – T15  – banv – s sur s

De l’antique Sonnet les grâces surannées — 1822 (1)

Comte François de Neufchateau in L’Album, Journal des arts, des modes et des théâtres

Sonnet

Sur le genre du Sonnet même

De l’antique Sonnet les grâces surannées
L’ont presque fait bannir du Parnasse français
Les ballades aussi semblent abandonnées,
Et le Rondeau, lui seul, trouve encor quelque accés.

Hélas, je vis jadis, dans mes tendres années,
Le Sonnet plus en vogue, et j’y réussissais.
Des Bouts-Rimés gênants remplir les lois données
Ne fut qu’un jeu pour moi dans mes premiers essais.

Osè-je y revenir? c’est une rude tâche!
Mais voilà deux Quatrains: allons! point de relâche;
Ajoutons deux Tercets, et ce sera fini.

Contre un peu d’amour-propre on n’a point de défense:
Voyez! pour un Sonnet, je me crois rajeuni,
Ou pour dire encor mieux, je retombe en enfance.

Q8 – T14 – s.sur.s

Le thème est indiqué dans le titre. Il commence par les plaintes habituelles sur la décadence de la forme; puis se transforme, dans les tercets, pour rejoindre la variante traditionnelle du sonnet en train de s’écrire. L’histoire de cette variété curieuse de l’espèce sonnet est encore à faire. Je n’en connais pas d’italien; le premier recensé est espagnol, du milieu du seizième siècle (Diego Hurtado de Mendoza); il est passé ensuite en France, dans l’école de Voiture. La Fontaine en a transposé le principe à la ballade. (Le sonnet sur le sonnet du protestant Pierre Poupo (1590) n’appartient pas à la même sous-espèce, étant un poème sur l’art du sonnet).

Pourquoi tant de sonnets sur points de toute espèce? — 1818 (2)

A. Poujol Galerie de cent tableaux, …

Sur mes sonnets

Pourquoi tant de sonnets sur points de toute espèce?
Sa mesure me plaît; et son cadre charmant
Me tombe sous la main, maintefois, en courant,
Quand de versifier le doux besoin me presse.

Alors qu’il se présente avec l’humble sagesse,
Je le remplis soudain, parfois dans un instant:
Je suis peut-être dur, rustique ou peu brillant;
Je manifeste peu d’ingénieuse adresse.

Le sonnet est l’écueil de tous rimeurs français,
On sait que rarement l’on en voit de parfaits,
Et qu’un seul vaut alors autant qu’un long poème.

Mais, est-ce une raison pour le mettre à l’écart?
A mieux faire avec soin l’on parvient tôt ou tard;
Eh! d’en former sur tout je me suis mis à même.

Q15 – T15 s sur s

Du Sonnet tant vanté par le fameux Boileau, — 1814 (1)

–  J. Blondeau (de Commercy) in Almanach des Muses

Sonnet à Madame P***

Du Sonnet tant vanté par le fameux Boileau,
Je voudrais, en ce jour, ressusciter la gloire.
Bientôt on reverrait, si l’on voulait m’en croire,
La Ballade briller, ainsi que le Rondeau.

Le noble Chant Royal, que l’on trouvoit si beau,
Parmi nous reviendrait célébrer la victoire,
Aux faits de nos guerriers, faits dignes de mémoire,
La pompe donnerait un lustre tout nouveau.

Du Lai, du Virelai, des simples Vilanelles,
Reparaîtraient aussi les grâces naturelles;
Le Triolet plairait pour sa naïveté.

Du Dieu de l’Hélicon s’accroîtrait la richesse;
Et désormais amis, sur les bords du Permesse,
L’ennui ne naîtrait plus de l’uniformité.

Q15 – T15 s sur s

Dans l’Almanach des Muses, cette plainte sur la décadence du sonnet, première occurrence d’une longue série de ‘sonnets sur le sonnet’