incise 1885 (2)

in Souvenirs d’un vieux libraire

Une soirée chez Mécène

Le sonnet d’Arvers ! oui ! non ! si ! non ! On réclame le sonnet d’Arvers que récitera tout à l’heure sir Benjamin Macfer [Arthur O’Shaugnessy], un poète irlandais, à qui le Paris littéraire doit les  » Jours sans soleil  » [Songs before Sunrise]. Cet enfant de la verte Irlande a un culte particulier pour Arvers et des méchantes langues prétendent que c’est le seul auteur dont il ait lu les œuvres en entier ; pour les autres, il se contenterait de graver dans sa mémoire les titres de la couverture

incise 1885

in Souvenirs d’un vieux libraire

Une soirée chez Mécène

Le sonnet d’Arvers ! oui ! non ! si ! non ! On réclame le sonnet d’Arvers que récitera tout à l’heure sir Benjamin Macfer [Arthur O’Shaugnessy], un poète irlandais, à qui le Paris littéraire doit les  » Jours sans soleil  » [Songs before Sunrise]. Cet enfant de la verte Irlande a un culte particulier pour Arvers et des méchantes langues prétendent que c’est le seul auteur dont il ait lu les œuvres en entier ; pour les autres, il se contenterait de graver dans sa mémoire les titres de la couverture

Je n’ai rimé que peu de sonnets en ma vie ; — 1885 (18)

Ernest Chabroux Chansons et sonnets

A la chanson

Je n’ai rimé que peu de sonnets en ma vie ;
Ce poème à la fois maussade et langoureux,
Fut toujours, à mes yeux, fort peu digne d’envie ;
Pourtant c’est le langage aimé des amoureux.

Or, l’aimable beauté dont mon âme est ravie,
Aimant à sa jouer quelquefois de mes feux,
Pour chanter ses attraits aujourdhui me convie
A faire celui-ci, tiré par les cheveux.

Apprenez-donc, Messieurs, que cette enchanteresse
A pour elle, d’abord, force, grâce, jeunesse,
Esprit intarissable et gaîté de pinson,

Qu’on admire partout sa verve et son sans-gêne,
Et qu’ici, chaque mois, elle commande en reine ;
«  Mais son nom ? » direz-vous … « Parbleu, c’est la chanson ! »

Q8  T15  s sur s

Pour ce gentil Sonnet que j’aime à la folie, 1885 (17)

Emile Maze Fleurs de mai

Pour le Sonnet
à Léonce Mazuyer

Pour ce gentil Sonnet que j’aime à la folie,
Et qu’en vos vers railleurs vous malmenez si bien,
Laissez-moi vous prier. Il nous vient d’Italie,
Et les Maîtres, partout, ont cherché son soutien :

Shakespeare l’adopta pour sa forme accomplie :
Rêvant du Paradis, Milton le fit chrétien ;
Pétrarque a soupiré sur sa corde amollie ;
Le Dante Allighieri l’aimait …. N’est-ce donc rien ?

N’est-ce rien que d’avoir de tels noms pour sa gloire ?
D’avoir eu son passé ? D’avoir eu son histoire ?
D’être le rythme heureux sur lequel ont chanté

Le Tasse et Camoëns et, parmi nous, Desporte
Et Baïf, du Bellay, Magny, – vaillante escorte
Dont le chef est Ronsard, Ronsard toujours vanté ?

Q8  T15  s sur s

Je rêve d’un sonnet, taillé dans le carrare, — 1885 (16)

Emile Maze Fleurs de mai

Sonnet parnassien

Je rêve d’un sonnet, taillé dans le carrare,
Qui surpasse en beauté la Vénus de Milo,
Et dont les flancs polis sous un galbe très rare
Cachent la moisson d’or qu’enferme le silo.

Je le rêve plus doux qu’un accord de cithare ;
Vibrant comme l’archer de la Milanollo ;
Rythmé comme la mer qui dort aux pieds du phare
Et chant dans la nuit son éternel solo.

Je le voudrais parfum, rayon, grâce, harmonie ;
Tel que l’art le plus pur de la belle Ionie
Ne fit rien de si grand, même en ses meilleurs jours.

Mais le marbre est trop dur où je taille la rime.
Douceur, grâce et beauté, tout s’en va sous la lime,
Et le Sonnet rêvé …. je le rêve toujours.

Q8  T15  s sur s Milanollo : cf. 1851,7

Finis les madrigaux à vos genoux, mignonne, — 1885 (15)

Edouard Dubus in Le scapin

A cœur perdu, VI

Finis les madrigaux à vos genoux, mignonne,
Dans l’océan d’oubli votre amour a sombré ;
Moi je vous veux quand même et vous possèderai
Sans qu’un éclair hautain sous vos longs cils rayonne.

Au temps où vous serez un cadavre marbré
Qu’une bataillon de vers de morsures sillonne,
Un corps décomposé qui craque et qui bouillonne
Entre les ais disjoints d’un cercueil éventré.

Des plantes germeront dans votre pourriture ;
Leurs racines viendront y puiser la pâture
Pour leurs parfums subtils et leurs fraîches couleurs.

Et quand vos chairs seront des roses au teint pâle,
Des pervenches, des lys aux doux reflets d’opale,
Vous serez tout à moi ressuscitée en fleurs !

Q16  T15

« Tu parleras, mourant, quand mon soir nuptial — 1885 (14)

René Ghil in Revue Wagnérienne

Hymen – la musique

« Tu parleras, mourant, quand mon soir nuptial
T’étonneras de Toi, ne parle pas : mon geste
N’est pas d’amour et, vois, ô Drame ! que proteste
L’assentiment de mon vouloir impartial.

Mon Grand Rêve à mi-voix montait en l’air astral
Voilé par le midi de ma déserte sieste,
Quand il vint, ce Wagner ! qui ne veut pas que reste
Au vide isolement mon souhait théâtral.

Hélas ! et ma verdeur te doit rendre, ô vieux Drame !
Ta virilité sûre un soir d’épithalame :
Lui, c’est l’homme, sois tout le Combat ! et pourtant,

Souviens-Toi que mes seins sont de vierge égoïste,
O Sacre ! et qu’en les Yeux du Mage inquiétant
Je ne sais quel vœu vague et mortuaire existe – »

Q15  T14 – banv

Une étoile du ciel me parlait; cette vierge — 1885 (12)

Victor HugoToute la LyreRoman en trois sonnets

III

Une étoile du ciel me parlait; cette vierge
Disait: « O descendant crotté des Colletets,
J’ai ri de tes sonnets d’hier où tu montais
Jusqu’à la blonde Eglé, fille de ton concierge.

 » Eglé fait – j’en pourrais jaser mais je me tais –
Des rêves de velours sous des rideaux de serge.
Tu perds ton temps. Maigris, fais des vers, brûle un cierge,
Chante-la, ce sera comme si tu chantais.

Un galant sans argent est un oiseau sans aile.
Elle est trop haut pour toi. Les poètes sont fous.
Jamais tu n’atteindras jusqu’à cette donzelle.  » –

Et je dis à l’étoile, à l’étoile aux yeux doux:
– Mais vous avez cent fois raison, mademoiselle!
Et je ferais bien mieux d’être amoureux de vous.

Q16 – T20

Je ne vous cache pas que je suis amoureux — 1885 (11)

Victor HugoToute la LyreRoman en trois sonnets

II

Je ne vous cache pas que je suis amoureux.
Je ne vous cache pas que vous êtes charmante,
Soit; mais vous comprenez que ce qui me tourmente,
C’est, ayant le coeur plein, d’avoir le gousset creux.

On fuit le pauvre ainsi qu’on fuyait le lépreux;
Pour Tircis sans un sou Philis est peu clémente,
Et l’amant dédoré n’éblouit point l’amante;
Il sied d’être Rothschild avant d’être Saint-Preux.

N’importe, je m’obstine; et j’ai l’audace étrange
D’être pauvre et d’aimer, et je vous veux, bel ange;
Car l’ange n’est complet que lorsqu’il est déchu;

Et je vous offre, Eglé, giletière étonnée,
Tout ce qu’une âme, hélas, vers l’infini tournée,
Mêle de rêverie aux rondeurs d’un fichu.

Q15 – T15

par Jacques Roubaud