Plus d’une fois, couvert d’une mince veste de soie — 1841 (8)

Balzac Mémoires de deux jeunes mariées

Tous les matins il m’apporte lui-même un bouquet d’une délicieuse magnificence, au milieu duquel je trouve toujours une lettre qui contient un sonnet espagnol à ma louange, fait par lui pendant la nuit. Pour ne pas grossir ce paquet, je t’envoie comme échantillon le premier et le dernier de ses sonnets, que j’ai traduits mot à mot en te les mettant vers par vers
PREMIER SONNET

Plus d’une fois, couvert d’une mince veste de soie, – l’épée
haute, sans que mon cœur battît une pulsation de plus, – j’ai
attendu l’assaut du taureau furieux, – et sa corne plus aiguë
que le croissant de Phoebé.

J’ai gravi, fredonnant une seguidille andalouse, – le talus
d’une redoute sous une pluie de fer ; – j’ai jeté ma vie sur le ta-
pis vert du hasard – sans plus m’en soucier que d’une quadruple
d’or.


J’aurais pris avec la main les boulets dans la gueule des
canons ; – mais je crois que je deviens plus timide qu’un lièvre
aux aguets ; – qu’un enfant qui voit un spectre aux plus de sa fenêtre.


Car, lorsque tu me regardes avec ta douce prunelle, – une
sueur glacée couvre mon front, mes genoux se dérobent sous
moi, – je tremble, je recule, je n’ai plus de courage.

pr  tr

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