Toi dont les yeux erraient, altérés de lumière, — 1884 (19)

Leconte de Lisle Poèmes tragiques

A un poète mort

Toi dont les yeux erraient, altérés de lumière,
De la couleur divine au contour immortel
Et de la chair vivante à la splendeur du ciel,
Dors en paix dans la nuit qui scelle ta paupière.

Boire, entendre, sentir? Vent, fumée et poussière.
Aimer? La coupe d’or ne contient que du fiel.
Comme un Dieu plein  d’ennui qui déserte l’autel,
Rentre et disperse-toi dans l’immense matière.

Sur ton muet sépulcre et tes os consumés
Qu’un autre verse ou non les pleurs accoutumés,
Que ton siècle banal t’oublie ou te renomme;

Moi, je t’envie, au fond du tombeau calme et noir,
D’être affranchi de vivre et de ne plus savoir
La honte de penser et l’horreur d’être un homme!

Q15 – T15

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.