emmi la glycinale idylle du balcoN — 1888 (30)

Le Décadent

« Mon cher Baju,

Etablissons d’abord les faits pour vos lecteurs. M. Henry Fouquier ayant mis en doute, dans un article de l’Echo de Paris, l’authenticité du sonnet publé, sous la signature du Général Boulanger, dans votre numéro du 15-30 novembre, vous m’avez prié de me rendre chez le général, et de lui demander si l’ami, cependant si sûr, qui vous avez communiqué cette oeuvre, n’avait pas mystifié le public. Quoique l’éventualité d’une semblable interview ne soit pas prévue dans notre traité, je n’ai pas hésité à vous obliger, et, avec trois amis – trois témoins, – MM Paul Roinard, Edouard Dubus et Albert Aurier, je me suis transporté chez le général. Non seulement je ne répudie pas cette fantaisie, nous a dit ce dernier; mais je vous avouerai même qu’elle est déjà ancienne. Si je n’avais été soldat, j’aurais voulu être poète; et si j’avais été poète, je me serais rallié à l’école « philosophique-instrumentiste ». Je m’en suis procuré un fascicule, et, après de consciencieux essais, j’ai commis un sonnet que Mr Ghil ne désavouerait pas, j’espère … ». pressé de nous le communiquer, le général, après quelques façons, se décida. On peut juger par l’aspect typographique du sonnet, publié ci-dessous, si la disposition singulière de certains caractères d’écriture dût nous déconcerter d’abord. – Mon Dieu! Oui, nous dit le général, je trouve que ces messieurs ne poussent pas leurs réformes jusqu’à leurs conséquences logiques. Ils ont aboli la majuscule en début des vers, et ils ont bien fait; mais ils auraient dû comprendre qu’il y fallait une compensation! Et alors, quoi de plus naturel que de la supprimer aussi dans les noms prétendument propres, et de la placer à la rime, dont elle accentue le son et prolonge la valeur? Sans compter que le grand public aurait vu là une tentative de conciliation dont il leur aurait su grè. D’autre part, la suppression des majuscules entraînant des confusions quand on passe d’un vers à l’autre, j’ai jugé nécessaire de placer, en tête de chacun, le signe terminal du précédent…. En ce qui concerne les T, invariables     , je n’ai fait que me conformer à l’une des plus chères habitudes de M. René Ghil. Enfin, je ne m’appesantirai pas sur l’orchestration du sonnet: ce serait abuser de votre temps. Je regretterai seulement qu’on ne puisse imprimer les vers philosophico-instrumentalistes en polychromie: les a en noir, les e en blanc, les i en bleu, les o en rouge, les u en jaune. Vous auriez vu que mon sonnet est coloré patriotiquement, et que le jaune même n’y manque pas, ce qui était indiqué pour un sonnet nuptial. …. Le général, a été comparé justement un jour par vous à l’empereur-artiste Néron, et je me permettrai d’attirer votre attention sur la suggestivité toute soldatesque, si bien appropriée à un épithalame, des rimes lorsqu’on les isole avec leur consonne ou syllabe d’appui. … « 

SonnetT nupTial , philosophiquemenT  instrumenTé

(pour Trombone à coulisse, peTiTe flûTe et biniou)

emmi la glycinale idylle du balcoN
, la lune a vu plus d’une illusoire rapinE,
, donT la Pâle a rosi, comme la neige alpinE
aux baisers du ménéTrier de l’hélicoN

. elle rêve, au secreT de son albe âme, qu’oN
doit s’ inclinant devers l’amour en aubépinE
, fuir les bilaTéraux riTes de proserpinE
, eT périculoser le gué du rubicoN

. mais, furibond comme un faune qu’une nymphe ouTrE,
, son désir, ébranlanT le brun seuil, Triomphe ouTre
: ô désastre de lys jusque lors invaincU

! son pourpre honneur avec éros Tombe morT quiTTe
: maculé, le loTos de gueules de l’écU
! vide son coeur, chimborazo qu’un condor quiTTe
! général boulanger

Q15 – T14 – banv
Sonnet digne de Luc Etienne

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