Archives de catégorie : Disposition strophique

La disposition ordinaire 4+4+3+3 n’est pas signalée.

Seize, deux fois huit, c’est le nombre qui gouverne — 1994 (2)

Robert Marteau Registre (1999)

(Trouville, dimanche 31 juillet, lundi 1er août 1994)

Seize, deux fois huit, c’est le nombre qui gouverne
La méduse, dont un cercle est le centre, vers
Lequel seize angles ont leur sommet dirigé
Sa gélatine garde exactement l’empreinte

De la Création telle qu’au Créateur
Il échut de la calculer. On voit vers Lui
Que tout converge et qu’en même temps tout de Lui
Rayonne. Cet amas, ce miroir translucide

Est un miracle qui émerveille l’esprit
Si l’oeil d’abord s’y est arrêté. La méduse,
Pas la mer qui l’a laissée au sable, est vouée

Certainement à la mort, et bientôt à la
Putréfaction, sans pourtant que soit dissoute
L’image qu’il lui fut donné de nous transmettre.

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C’est la section d’or que la coupe du chêne — 1994 (1)

Robert Marteau Registre (1999)

(Lundi 18 avril 1994)

C’est la section d’or que la coupe du chêne
Abattu présente. On y voit inscrits les cernes
Qu’y laissa le soleil à son passage, en haut,
Quand il ondule engendrant la succession

Des saisons, s’échinant dans la plume, masqué.
Comme je dis, les oiseaux m’approuvent: les geais
Psalmodiant en choeur des psaumes amoureux
Que je n’ai pas accoutumé de leur entendre

Produire, et tout alentour l’approbation
Est générale, qu’elle ait sa source dans le gosier
De la corneille, du pivert ou du pouillot.

Mais il se tient muet et coi lui le traceur
Sinueux, embossé derrière les nuées
Bien souvent, sans jamais laisser rien au hasard.

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Les lisières, la lune, un oiseau qui traverse — 1993 (17)

Robert Marteau Registre (1999)

(Forêt de Chizé, vendredi 29 octobre 1993)

Les lisières, la lune, un oiseau qui traverse
Les dernières couleurs que le jour laisse voir:
Le brun rouge d’un guéret, l’ocre des érables,
Le violet, l’étain terni, l’or roux, le cuivre

Taché d’oxydes. Maintenant, parmi les branches:
Balafrée, encore elle, admirable galette
Offerte au bec, comme à la bouche, comme au mufle
Des bestiaux, de lait, ou de beurre, de farine

Légère, aussi la voit-on qui flotte et se tient
Suspendue, hostie en ascension, le jour
En cendres s’effondrant et la nuit à l’inverse

Lactifiée, ouverte au froissement des plumes
De la chouette hulotte en chasse, assurant
Le salut par la lumière accueillie en haut.

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L’oiseau se fait chinois dès qu’il s’appuie, ayant — 1993 (16)

Robert Marteau Registre (1999)

(Ville d’Avray, lundi de Pâques, 12 avril 1993)

L’oiseau se fait chinois dès qu’il s’appuie, ayant
Lesté son vol, sur la branche qu’il a d’en haut,
Entre toutes, d’un coup d’oeil mesurée. Il en
Décore maintenant la courbe que son poids

Accentue; il en éprouve, agrippé au bois,
Le degré de flexibilité à raison
Du mouvement qu’il a senti. Qu’en induit-il
Dans son petit athanor porté à quarante-

Deux degrés Celsius? L’air, l’eau, le feu, la terre,
Donc les quatre éléments qui sont les géniteurs
Des trois principes, savoir: le sel, le soufre,

Le mercure, comment distingue-t-il entre eux pour
Se guider dans la Nature? On dit que d’instinct
Il fait tout ce qu’il a à faire. Un point, c’est tout.

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La pie a marqué la neige, craché l’orange. — 1992 (3)

Robert Marteau Liturgie

(La Pie, par Claude Monet)

La pie a marqué la neige, craché l’orange.
Sur son barreau de robinier, elle se tient
Parmi les pommiers noirs. Une lumière étrange,
Comme lampe en la mer qui palpite et retient
Sa flamme, jette au jour un léger corail, frange
Déchirée enclose en sa nacre qui contient
Et répand l’orient rose et gris sur la grange
Adossée au ciel dont la cendre n’appartient
Au feu expiré de nul autre combustible
Que l’hiver viride du lierre et du gui
Qu’on écrase du doigt en gel incomestible
Sauf pour l’oiseau peut-être et le dieu déchu qui
N’ose s’approcher des seuils, rôde, incompatible
Avec la braise, en aucun lieu n’ayant d’abri

Q08 – T20 – sns

Depuis Pythagore, et de plus loin, on avait — 1990 (12)

Robert Marteau Louange(1996)

(vendredi 31 août 1990)

Depuis Pythagore, et de plus loin, on avait
Jusqu’à nous entendu le tintement des forges,
Les voilà qui sont toutes éteintes, comme
Par désenchantement. C’est pourquoi à l’ouïe
Le monde n’a plus la même sonorité,
Sa musique ayant perdu l’échelle des sons
Fondamentaux qui montaient du métal jusqu’aux
Planètes puis redescendaient en harmonie.
Nul n’était en ce temps-là soustraint à l’essence
Des choses telle qu’il l’accuillait pas ses sens,
Telle que la lui transmettait la connaissance
Opérationnelle à la fois obéie
Et suscitée. A Héphaïstos, à Pollux,
A Castor, chaque frappement fut dédicace.

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Dans l’espace du sonnet s’apprivoisent prose — 1990 (11)

Robert Marteau Louange(1996)

(jeudi 14 juin 1990)

Dans l’espace du sonnet s’apprivoisent prose
Et vers sans permettre au hasard d’improviser.
D’un peu au-delà, à l’improviste, les mots
Surgissent, suscité par le secret sonore,
Et le mystère étymologique. Le rythme
Né de la mer et le prolongeant leur insuffle
Le désir de s’ajuster par pieds et pas dignes
De la cause qui les aspire en impromptus
Arrangements de sens liés en écriture,
Laquelle visuellment par quadrature
Fait le poème plein et l’emplit de sens. C’est
La surprise alors qui se découvre à l’oreille:
Quelque chose est dit ( qui ne l’avait pas été )
Pour rien si ce n’est la parole et le passage.

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La variété des visages, infinie, — 1990 (10)

Robert Marteau Louange(1996)

(vendredi 20 avril 1990)

La variété des visages, infinie,
Est une énigme, réellement, qui nous met
Hors de nous-mêmes, nous mettant à l’improviste,
Dans le hors-temps où tout est dit imprononcé.
Le passage perpétuel de la pensée
Arrange à tout instant autrement les traits, voue
Aux yeux le monde imprévu que la lumière ouvre
Au plus intime du sang où le soleil vit
Sans y pénétrer. L’éclosion que les nuits
Claires nous font voir, vers qui le regard se tourne,
En un trou de mémoire apparaît soudain notre
Contemporaine au cours d’un présent disparu.
Fleurs carnivores qui pensent, c’est sur leur bouche
Que l’infini bute en proférant la parole.

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Etincelante étoile, constant puissè-je à ton instar — 1990 (9)

John Keats trad. Robert DavreuSeul dans la splendeur

« Etincelante étoile, constant puissè-je à ton instar »

Etincelante étoile, constant puissè-je à ton instar
Non pas naviguer seul dans la splendeur du haut de la nuit
A surveiller de mes paupières pour l’éternité désunies,
Comme de la nature l’ermite insomnieux et patient,

Les eaux mouvantes dans le rituel de leur tâche
D’ablution purifiante des rivages humains de la terre,
Ni contempler le satin du masque frais tombé
De la neige sur les montagnes et sur les landes –

Non, mais toujours constant, toujours inaltérable,
Avoir pour oreiller le sein mûr de mon bel amour,
Afin de sentir à jamais la douceur berçante de sa houle,

Eveillé à jamais d’un trouble délicieux,
Toujours, toujours ouïr de sa respiration le rythme tendre,
Et vivre ainsi toujours – ou bien m’évanouir dans la mort.
( » Bright star! would I were steadfast as thou art »)

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Plage. On n’ose croire à sa pâleur. — 1990 (7)

Jean-Charles Vegliante Sonnets du petit pays entraîné vers le nord

Vacance

Plage. On n’ose croire à sa pâleur.
L’aube s’éloigne sans qu’il ait su la prendre.
Un sang reflue dans la nacre où pleurent
des vagues menacées par l’été de cendre.
La mer est striée de flammes vertes.
Aux bords alourdis de pailles et de balle
lentement tourne une forme inerte,
comme un ancien chagrin le gouffre l’avale.
Oui, la brûlure à présent s’enfonce
dans le noir profond. La mémoire aveuglée
ne sait même plus quel mal l’offense,
quelle faille est ouverte prête à céder …
Il avance sur l’estran de sable
que des courants biais vont disperser ailleurs.

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