Archives de catégorie : Formule de rimes

Du temps que je croyais aux dogmes catholiques, — 1846 (2)

Philothée o’ Neddy (Théophile Dondey) – Livres de sonnets

Madonna col bambino

Du temps que je croyais aux dogmes catholiques,
Que mes pensers d’enfance, ardemment ingénus,
Admettaient le pouvoir des saints et des reliques;
Que j’allais des autels baiser les marbres nus;

Parmi les beaux tableaux des grandes basiliques,
Celui que j’adorais, que je priais le plus,
C’était la Vierge blanche aux voiles angéliques,
Dans ses bras maternels portant l’enfant Jésus.

Et – bien que maintenant les doctrines sceptiques
Aient guéri mon cerveau des rêves chimériques
Bien que j’ose nier la Vierge et les élus,

J’ai toujours néammoins des tendresses mystiques,
Pour une femme assise en des prismes confus,
Qui tient un nouveau-né dans ses bras fantastiques.

Q8 – T7 – y=x (c=a, d=b)

Terrible trinité: le maigre Robespierre — 1846 (1)

Philothée o’ Neddy (Théophile Dondey) – Livres de sonnets

Les triumvirs
Terrible trinité: le maigre Robespierre
Entre le beau Saint-Just et l’infirme Couthon,
Trois hommes? Non, trois sphynx-de fer, d’airain, de pierre,
Dévorants léopards, lions – même Danton!

O problème! allier à la grandeur austère
De vertus qu’envieraient l’un et l’autre Caton,
Un fanatisme noir qui fait trembler la terre,
Et qu’au fond de l’Erèbe applaudit Alecthon!

Mais ne tolérons pas que de la bourgeoisie
L’hypocrite sagesse informe et sentencie
Contre ces hauts Nemrods, ces chasseurs de Tarquins.

Cela ne sied qu’aux fils de la démocratie.
Silence donc, silence, ô bourgeois publicains!
A nous seuls de juger ces grands républicains!

Q8 – T8

C’est dans l’isolement, sur l’arbuste effeuillé, — 1845 (12)

Auguste Desplaces La couronne d’Ophélie

La dernière couronne de l’été
sonnet imité de Thomas Moore

C’est dans l’isolement, sur l’arbuste effeuillé,
Que brille le carmin de la rose dernière,
Ses compagnes ayant vu tomber en poussière
Leur calice battu de l’orage, et souillé.

Sans y languir encore, ô triste solitaire !
Comme elles disparais du rameau dépouillé,
Tes sœurs ont, loin de toi, par les champs sommeillé,
Va rejoindre en débris leurs débris sur la terre.

Puissè-je, de mon ciel quand fuiront sans retour
Les espoirs les plus chers, les visions d’amour
Suivre ainsi dans la mort ces étoiles éteintes !

Quand tout a fui, quand sont couvertes du linceul
Les ferventes amours et les amitiés saintes,
En ce monde désert qui voudrait vivre seul ?

Q16  T14  tr

Le soir, quand je m’assieds près d’elle à la fenêtre, — 1845 (11)

Charles Bethuys Phases du cœur

Discrétion

Le soir, quand je m’assieds près d’elle à la fenêtre,
Effleurant ses genoux de mes genoux tremblans,
De peur des yeux furtifs qui veulent trop connaître,
Je cache mon amour sous quelques faux-semblans.

J’étouffe mes soupirs, toujours prompts à renaître,
Et j’abjure à ses pieds mes rêves accablans :
Elle sourit, et moi que le trouble pénètre
J’ai l’air de regarder la nue aux flocons blancs.

Puis, pour me dérober à ma pose distraite,
Je lis tout haut des vers, et ma bouche discrète
Choisis ceux où l’amour ne se reflète pas.

Le cercle, en m’écoutant, se trompe à l’apparence
Et ne trouve à ma voix que de l’indifférence
Car il ne saisit point ce que je dis tout bas.

Q8  T15

L’hiver, quand l’ouragan se déchaîne avec rage — 1845 (10)

J. Lacou Amours, regrets et souvenirs

Sonnet

L’hiver, quand l’ouragan se déchaîne avec rage
Et attriste la terre, que j’aime, dans la nuit,
A m’éveiller surpris, et entendre le bruit
Que font les éléments, surtout j’aime l’orage

Et la pluie qui tombe et bat avec tapage
Les grands vitraux carrés qui font face à mon lit,
Oh ! j’aime à voir aussi l’éclair qui soudain luit
Et un serpent de feu qui sillonne un nuage ;

Car c’est dans ces moments de terreur et d’effroi
Que le lâche et l’impie ont le cœur en émoi,
Reconnaissant un Dieu et craignant sa colère.

Celui qui fut la veille blasphémateur, méchant,
A la voix du tonnerre devient pâle et tremblant,
Et fait avec ferveur longtemps une prière.

Q15  T15  versification très incorrecte : hiatus : v2, 3, 8,11 – césure épique : v2,12,13 – ‘e’muet non élidé intérieur à un mot : v5 (pluie)

Dans ce vaste tombeau qui porte jusqu’aux cieux — 1845 (9)

Jules Ravier œuvres

Sonnet à Jacques Delille

Dans ce vaste tombeau qui porte jusqu’aux cieux
La force des guerriers, la gloire du génie,
Je parcourais un jour, plein de mélancolie,
De ses sombres piliers les plis majestueux.

Et tremblant, je sondais ce séjour ténébreux,
Guidé par la lueur d’une faible bougie.
Mais que vois-je ? un flambeau dont le feu s’irradie
A vous ! Rousseau, Voltaire, interprètes des dieux.

Les genoux et le front inclinés vers la terre,
Leur mémoire aussitôt inspire ma prière,
Qui rendit à l’écho ce penser de mon cœur :

Si tu sais rendre hommage à celui, noble France,
Dont l’esprit te laissa des marques de grandeur,
Delille a tous les droits à ta reconnaissance.

Q15  T14 – banv

J’aurais été Petrarca — 1845 (8)

Alphonse Duchesne Les chants d’un oiseau de passage

A ma mie – sonnet

J’aurais été Petrarca
Si vous aviez été Laure,
Et les pèlerins d’Arqua
Parleraient de vous encore ;

Si vous étiez Francesca
Je serais, moi qu’on ignore,
Paolo qui l’adora,
Et l’on me crierait : Raca !

Ou bien si vous étiez celle
Qu’on nomme Isaure la belle,
Je serais grand troubadour,

Car au gai savoir fidèle,
Je ferais, ma jouvencelle,
Des chants avec de l’amour.

abab  abaa T6  7s. ‘crier ‘raca’ : Marquer un profond mépris à l’égard de quelqu’un (TLF)

Sarrazin, Benserade et Voiture, — 1845 (7)

Hip. Floran Les amours

A trois poètes

Sarrazin, Benserade et Voiture,
Tous les trois prenez place au sonnet
Qu’à défaut de landau, de voiture,
J’ai pour vous sans façon mis au net.

En sentant dans mon cœur l’ouverture
D’un accès de gaité qui renait,
J’ai voulu suivre à pied l’aventure
Qui vers vous follement m’entrainait.

Vous avez tant d’esprit, tant de grâce,
Et parfois votre muse est si grasse
Que quiconque en serait amoureux ;

Pour ma part, aussi chaud qu’une braise,
J’aime à voir ses appas amoureux,
Et partout comme un Dieu je la baise *

Q8  T14 – 9s « ceci est une manière de dire à des poètes qu’on leur baise la main – et nous avons peut-être bien fait de nous mettre à pied dans cette circonstance, car il est à craindre que le vieux Pégase n’eût pas voulu marcher avec des vers de neuf pieds, coupés par des hémistiches de trois, ce qui, selon nous pourtant, est un rythme plein de grâce et d’entrain ».