Archives de catégorie : Formule de rimes

L’amoureuse immuable au fétiche de bête — 1957 (2)

Pierre-Jean JouveLA VIERGE DE PARIS

L’homme fatal

L’amoureuse immuable au fétiche de bête
N’avait pas négligé son soulier de satin
Remuements de peau neuve et toisons cris de têtes
Assouvissement vaste! Et des années plus loin

Il recherchait partout une sombre catin
Voisine: aux armes de Ses poids et de Ses bêtes
Sans jamais revenir à Son cœur clandestin
Sans être désembrassé de Ses bras funestes.

Cependant d’autres femmes nues et élancées
Dont les mains rappelaient le pouvoir de la mer
Dans les villes passant lui faisaient souvenir

Par son étrange ride et forte dignité
De la Nudité rousse au sein décapité
Qui plus ancienne encor que l’amoureuse amère
De son enfance avait plongé jusqu’à la mort.

Q8 – ccx ddx y – 15v

Oh tu pleures, Silence obscur larme perdue — 1957 (1)

Pierre-Jean JouveLA VIERGE DE PARIS

Oh tu pleures, Silence obscur larme perdue
Et fleur de la maison sous le nuage noir
Et la menace de la mort d’antique nue
Le drapeau de la honte avec le ciel du soir,

Tu pleures. Des brillants descendent sur ta pierre
Et touchent à ton sein. Les miracles lointains
Sont errants et l’amour voit périr ta paupière
O toi qui inspirais le poète prochain

Dans une odeur de bois augustes et de livres
Regardant des trésors par d’anciens carreaux
Mère de notre amour et Vierge qui ne livres

Pas le secret de liberté mystique et beau
Mais conserve l’hymen sous la robe de pierre
Et rêves l’éternel pardon comme du lierre.

Q59 – T23

Comme je descendais les fleuves ravissants — 1956 (3)

Jacques Baron Les quatre temps

Eo rus

Comme je descendais les fleuves ravissants
L’oseille et la laitue prévoyaient le beau temps
Et le toit attendait le nid de l’hirondelle
Et se glissaient la loche et l’escargot fidèle

Sous l’herbe où se trouvait le chemin de l’amour
Balayé par le vent à la fin d’un beau jour
La vigne fleurissant me parlait encore d’elle
A la fin d’un beau jour arrivait l’hirondelle

La première hirondelle qui fait le printemps
Et refuse l’Afrique aux soleils tournoyants
Et ne veut plus croûter le pain des Infidèles

Je ne l’écoutais pas Je mettais tout mon zèle
A distribuer des graines à la basse-cour
Les graines du premier et du dernier amour

Q27 – T13 – y=x : c=a; d=b; e=b’

Je me suis installé entre deux cimetières — 1956 (2)

Jacques BaronL’imitation sentimentale

Premier et dernier poème de Montmartre

Je me suis installé entre deux cimetières
A l’âge où les amours ne font plus de mystères
Et d’un pas de silence j’entre dans la maison
Nouvelle au beau moment de la juste raison

Je me suis installé dans la vie coutumière
Avec mes amours et premières et dernières
A Montmartre un beau soir de la jolie saison
Laissant quelques remords sans consolation

Oubliant aussi bien de pauvres rendez-vous
Négligeant aisément de futiles promesses
Mesurant largement mes superbes faiblesses

Et faisant peu de cas de mon histoire de fou
Et faisant peu de cas de toutes les richesses
Je me demande un peu ce qu’on nomme sagesse

Q1 – T29 alexandrins parfois approximatifs

O le diable amoureux les diablesses attendent — 1956 (1)

Jacques BaronL’imitation sentimentale


Le diable amoureux

O le diable amoureux les diablesses attendent
Avec impatience vos propos en scherzo
Si frais comme un beau jour est le vrai mot des mots
Vous le direz encore Elles seront vos amantes

Le mot amour ainsi que le cœur de l’amande
Est délicieux sous une écorce rude et
Cependant d’un vert spécial et velouté
Espérance et joie au bout de la légende

Si le cœur de vingt ans ne vous manque jamais
Et si tout droit tout simple et de bonne façon
Et de la belle humeur dont est un vrai garçon

Vous pouvez dire amour aux belles qu’on a semées
Sur terre pour les hommes aux destins de fumée
Vous dites un petit mot qui en connaît trop long

Q45 – T28 alexandrins approximatifs

Toute âme a son secret, l’escargot son mystère — 1955 (5)

– ? in Vie et Langage (août 1955)

Toute âme a son secret, l’escargot son mystère
Sous les rayons ardents ; lorsque l’herbe a fondu,
Pourquoi, d’un air pressé, a-t-il quitté la terre
Pour grimper au pylone et rester suspendu ?

Des miliers d’escargots au faîte parvenus ,
En gerbe déployés brillent dans la lumière,
«  Ils sont à moi », pensai-je, et d’une grosse pierre,
Visant bien, frappant mieux, je les ai descendus.

Je me penchai vers eux, pour palper leur chair tendre.
Où sont-ils ? Pas un corps dans les coques de cendre,
Les sépulcres blanchis s’écrasent sous mes pas !

Peut-être, au vent du soir, adorables nacelles,
Les cornes ont porté leurs âmes éternelles
Jusques au paradis ? nous ne le saurons pas

Q10  T15  (arv) approximatif

L’espace, il va plus loin. Tu sais que l’horizon — 1955 (1)

Guillevic – textes écartés des Sonnets de 1954

L’espace, il va plus loin. Tu sais que l’horizon
Ne limite que toi, que c’est beaucoup plus ample;
Que ce que tu vois là n’est qu’un petit exemple
Où n’est pas limité l’empire de raison.

L’espace devant toi n’est pas une prison
Et même il te suffit de ce que tu contemples.
Tu ne veux pas pourtant qu’il te soit comme un temple
Où viendraient se montrer les couleurs des saisons.

Tu sais que tu ne peux embrasser davantage,
Mais tu sais que le monde est un autre arpentage,
Et que l’on plonge dans l’immense après ces près,

Que l’immense est lui-même un point parmi l’immense
Immensément plus grand et pas administré,
Et qu’espace n’est pas colère ni démence.

Q15 – T14 – banv

Passant, celui qui gît sous ce marbre romain — 1954 (9)

« Un escholier de Louvain » Sardines à l’instar, pastiches littéraires

Epigramme funéraire

Passant, celui qui gît sous ce marbre romain
Parmi les noirs cyprès, et les pins d’Italie,
Etait un fin gourmet et la gastronomie
Fut sa plus grande joie en ce monde incertain .

Il connut La Reynière et Brillat-Savarin
Et sut accomoder selon sa fantaisie
La piperade où l’ail à la sauge s’allie
Et doser le laurier, le gingembre, le thym.

S’il vidait volontiers sa coupe de champagne
La modération fut toujours sa compagne
Et quand il fut venu dans un âge avancé

Il sut se résigner à tremper ses tartines
Et dîner quelquefois,  en songeant au passé
D’un quart d’eau minérale et de quelques sardines.

(Henri de Régnier)

Q15 – T14 – banv

Notre chemin passe par les traverses — 1954 (8)

Jean Sénac Les leçons d’Edgard in Oeuvres poétiques (1999)

1

Notre chemin passe par les traverses
Il est large et précis comme un cou de taureau,
Il craint le cœur dans les heures adverses
Dans le plaisir il craint les mots.

Notre chemin quand tombent les averses
Sent la luzerne et l’églantine à crocs,
Et si l’ornière au feu central nous verse,
Notre pied garde assez de flot.

Notre chemin procède par énigmes,
Quoique très clair ton sourire conduit,
Ton corps charrie les pigments et les rythmes.

Ta voix consent aux laves de la nuit.
Mais l’or au front, il trace, solitaire,
Notre chemin de paix dans les plis de la terre.

Q8 – T23 – 2m : déca;  octo: v.4, v.8; alexandrin: v.14

Un torse plat tout plat comme un pilastre — 1954 (7)

Pierre Albert-Birot Tout finit par un sonnet (Poésie 1952-66)

Sonnet récapitulatif

Un torse plat tout plat comme un pilastre
Un masque rond avec un œil de fer
Un paysage en forme de désastre
C’est à tout prendre et tout foutre à la mer

Et s’en aller sur n’importe quel astre
Chercher un beau grand dieu qui vous soit cher
Plus que Bouddha Jésus ou Zoroastre
Qui vous reçoive juste entre âme et chair

Mais par fenêtre entre de l’amical
C’est grand c’est chaud c’est fort c’est musical
Je reste ici ce que j’ai je le garde

Et quand viendra l’hiver le temps des maux
Pour me chauffer je cuirai des émaux
Quant à la mort je sais ça me regarde

Q8 – T15 – déca