Archives de catégorie : Formule de rimes

On sonnait un baptème au clocher du hameau, — 1840 (4)

Ferdinand DuguéLes gouttes de rosée


LXII

On sonnait un baptème au clocher du hameau,
La famille accourait à la fête chérie
Et le joyeux cortège à travers la prairie
Cheminait en chantant, car le ciel était beau:

Soudain les bras chargés du précieux fardeau
Le laissent échapper, on s’empresse, on s’écrie,
Mais couché sain et sauf parmi l’herbe fleurie
L’enfant sourit et dort comme dans un berceau.

Alors, en son effroi, la vierge belle et sage
Dont les pudiques mains portaient selon l’usage
Un vase plein de fleurs, d’eau de rose et de nard,

Laissa tous ces parfums ruisseler sur la tête
De l’heureux nouveau-né: c’est ainsi que Ronsard
Avant d’être chrétien fut baptisé poète.

Q15 – T14 – banv

Pétrarque nous a dit l’histoire d’un vieillard — 1840 (3)

– comte Ferdinand de Gramont – Sonnets

XXXII

Pétrarque nous a dit l’histoire d’un vieillard
Qui, de l’Age sentant venir le dernier terme,
Rassembla ses enfants; et là, tranquille et ferme,
Des biens et des conseils fit à chacun sa part;

Puis il leur dit adieu, prend son bâton, et part.
De la douce famille et de l’antique ferme
Il s’éloigne, et son coeur dans son désir s’enferme;
Il se hâte, craignant qu’il ne soit déjà tard.

Quand le blanc pèlerin fut à Rome la Sainte,
Il mourut, en voyant l’image de Celui
Qu’il allait retrouver dans la céleste enceinte;

O poésie! Ainsi, repoussant toute plainte,
Je m’achemine au but d’où ton éclair m’a lui;
Que la Mort jusque là suspende son atteinte!

Q15 – T17

Amis, à nous la lyre à défaut de l’épée! — 1840 (1)

– comte Ferdinand de GramontSonnets

Ferdinand de Gramont est félicité par Gautier pour avoir choisi (abondamment, en presque 200 exemples) « cette forme si artistement construite, d’un rythme si justement balancé et d’une pureté qui n’admet aucune tache »

Proemium

Amis, à nous la lyre à défaut de l’épée!
Les gaulois sont vainqueurs; de la race des Francs
Nos pères auront clos la royale épopée;
Leurs noms de leurs destins cessent d’être garants.

Puisqu’échappe l’empire à notre main trompée,
Retournons vers les Dieux, laissons, indifférents,
Peser aux révoltés leur puissance usurpée;
Notre gloire à jamais nous chasse de leurs rangs;

Partons donc! et tandis qu’acharnés à la terre
Ils fouilleront ses flancs pour y fonder leur ère,
Le ciel abritera nos malheurs expiés.

Et nous vous atteindrons, couronnes immortelles!
Et nous humilierons, sous l’ombre de nos ailes,
Ces trônes autrefois l’escabeau de nos pieds!

Q8 – T15

Ami ! dois-tu venir à moi, les yeux en pleurs, — 1839 (18)

Pierre Battle Poésies

Sonnet
A mon ami J.S.

Ami ! dois-tu venir à moi, les yeux en pleurs,
Parce que, sans pitié, sur ta guirlande aimée,
La critique porta sa dent envenimée,
Et que de ses poisons elle souilla tes fleurs ?

Es-tu donc à ce point ignorant de nos meurs,
Enfant, ne sais-tu pas que toute renommée
Vois se dresser contre elle une meute enflammée
De jaloux, l’entourant d’aboyantes clameurs ?

Le poète, abreuvé de fiel durant sa vie,
Ne parvient qu’en mourant à désarmer l’envie ;
C’est alors que son nom resplendit glorieux ;

Flambeaux tardifs, ses vers ressemblent aux étoiles
Qui ne brillant, du soir diamantant les voiles,
Qu’après que le soleil a disparu ces cieux.

Q15  T15

J’ai voulu d’un sonnet régaler mes amis — 1839 (17)

M. Courtois Mes petits moments

Sonnet dédié aux amateurs

J’ai voulu d’un sonnet régaler mes amis
– Tout beau ! dira quelqu’un ; a-t-il eu tant d’audace ?
– Hé ! pourquoi, cher lecteur ? ne m’est-il pas permis
De vous faire, à mon tour, si je puis, une grâce ?

– Comment ! quatorze vers ! à la règle soumis ? …
– Chacun aura son lieu, j’en ai mis six en place.
Et les huit autres ? – Bah ! sans trop laide grimace
Mes deux quatrains sont faits ; heureux s’ils sont admis !

– Mais les tercets ?  – Voilà le plus fort de l’affaire.
– Vous ne saurez jamais ni l’un ni l’autre faire ;
Vous en aurez la honte, à notre grand plaisir.

– Nicolas, aide-moi ! tu nous a dit toi-même
Qu’un sonnet sans défaut vaut seul un long poème
Si le mien n’en a qu’un je n’ai plus de désir.

Q9  – T15  – sns  – s sur s

Nul mortel ici-bas n’est longtemps fortuné — 1839 (15)

Jules Canonge Le Tasse à S orrente

Sonnet

Nul mortel ici-bas n’est longtemps fortuné
S’il prodigue son culte aux faux biens de la terre ;
De chaque lendemain le réveil délétère
Vient lui ravir l’espoir que la veille a donné.

De ses plus belles fleurs l’éclat est profané,
Et, pareil au cœur vide où se tait la prière,
Où la vertu ne fut que lueur mensongère,
Il voit bientôt périr leur calice fané.

Mais l’ame qui d’amour et de paix rayonnante,
A su des passions surmonter la tourmente
Et garder de la foi le feu brillant et doux,

Jusqu’à l’aube du jour où son Dieu la rappelle,
De soleil en soleil, refleurit vaste, et belle,
Et d’un si pur destin les anges sont jaloux !

Q15  T15

Ma Laure au doux regard, ô ma sœur bien-aimée, — 1839 (14)

Louis de Ronchaud Premiers chants

A Laure

Ma Laure au doux regard, ô ma sœur bien-aimée,
Douce fleur qui fleuris sous des abris secrets,
Gente fleur, au matin, de grâce parfumée,
Ta jeunesse est encor l’image de la paix.

Ta jeunesse innocente est encor sans regrets,
Ton âme est une source aux feux du jour fermée,
Qui s’épand doucement sur l’herbe ranimée,
Et de ta mère seule a reflété les traits.

Un jour viendra, ma sœur, que l’époux de ton âme,
Celui qui t’apprendra les pensers d’une femme,
De fleurs, pour t’accueillir, couronnera son seuil.

Alors un toit nouveau d’une nouvelle hôtesse,
Se verra réjoui, tandis que la tristesse,
Viendra prendre sa place à nos foyers en deuil.

Q10  T15

Il est de par le monde une vierge immortelle, — 1839 (13)

Charles Woinez Hier et demain


La poésie

Il est de par le monde une vierge immortelle,
Qui va semant partout le baume de ses vers ;
Pouvant prendre sans cesse une forme nouvelle :
Tantôt fleur des forêts, tantôt oiseau des airs.

Suspendus, en naissant, à sa pure mammelle,
Les peuples ont dormi, bercés par ses concerts :
Vainement on nierait sa puissance éternelle,
Son empire a grandi dans les siècles divers.

Qu’importe que les rois et leurs valets infâmes
S’efforcent d’arracher la poésie aux âmes ?
Plus forte qu’eux, son front domine leur fierté !

Elle ensevelira leurs fausses espérances,
Car, brisant à jamais d’ignobles résistances,
La poésie un jour sera la liberté.

Q8  T15

Du sonnet Sainte-Beuve a rajeuni le charme — 1839 (12)

Auguste Desplaces Une voix de plus

Sonnet A M. Hippolyte Fauche*

Du sonnet Sainte-Beuve a rajeuni le charme
Si vanté de Boileau qui redoutait ses lois ;
Poème italien, dont la facture alarme
Plus d’un rimeur qui n’ose y hasarder sa voix.

Mais contre sa rigueur sa grâce me désarme ;
Et sans dure fatigue, à mon aise, à mon choix,
Je répands, selon l’heure, en ce vase une larme,
Ou d’un rayon d’amour j’en dore les parois.

Oui, cette forme étrange a pour moi peu d’entrave,
Et dans ce champ borné, libre, jamais esclave,
J’ai bien encor, tu vois, le loisir et le lieu

De dire tes élans, ta verve de poète,
Ta prose chatoyante et taillée à facette,
De te donner la main et le salut d’adieu.

Q8  T15  s sur s

* traducteur du sanscrit