Archives de catégorie : Formule de rimes

Pélops, par l’épaule d’ivoire — 1924 (7)

Tristan Derème La verdure dorée

Pélops, par l’épaule d’ivoire
Qui tous les maux guérit,
M’arracheras-tu de l’esprit
La face de ta gloire?

Chaque aube annonce une victoire
Que l’autre aube flétrit.
Plus heureux celui qui n’écrit
Et ne pense qu’à boire.

Il est aux bois tièdes et verts
Des jeunes femmes, et tes vers
N’ont que toi pour les lire.

Et le vent dans un  peuplier
Quand il chante fait oublier
Les cordes de ta lyre.

Q15 – T15 – 2m : octo; 6s: v.2, v.4, v.6, v.8, v.11, v.14

J’ai craint parfois qu’il ne fut plus sincère — 1924 (6)

Emile Blémont Gloires de France

Envoi au ‘Tombeau de Verlaine »

J’ai craint parfois qu’il ne fut plus sincère
Où qu’il ne fût sincère qu’à demi,
Je l’admirais en poète, en ami,
Tout approuver était-il n’écessaire?

Ce rut païen après ce doux rosaire,
Ces yeux d’orgueil, ce coeur mal affermi,
Qui les a vus, et n’en a point gémi?
O le grand Saint, mais quel bon vieux corsaire!

Pour la logique
Grave embarras! – Puis, la mort a sculpté
En marbre blanc sa tête socratique.

Maints vers de lui sont étrangement beaux;
Et ce damné, dans son rêve extatique,
Ouvrit à l’Art des horizons nouveaux.

Q15 –  cxcdcd T.exc –  déca (v.9:4s.)

Puisque l’Astre fut tel de mon adolescence — 1924 (5)

Maurice du Plessys Le feu sacré

Conclusion

Puisque l’Astre fut tel de mon adolescence
De n’avoir qu’à son terme un prix qui différait
Apollon, ce grand dieu m’enseigne par le trait
Qu’il voulait pleine épreuve à ma résipiscence.

Il permit donc que, de sa caution distrait,
Je tentasse, d’un cœur détaché, la licence:
Attentif à l’écart où du moins sa présence
Témoignait qu’au retour ce cœur fut toujours prêt.

Jaloux qu’après qu’on l’eût abjuré, on l’encense?
Ou s’il voulait, comme au trépied, un minerai,
Au feu d’un sein mortel éprouver son essence?

Ne tâchons à savoir des Dieux le soin secret:
Ainsi toute la grâce est dans l’obéissance,
Etant de l’ordre universel l’Objet seul vrai.

Q16 – T20 – y=x :c=a, d=b

..Mais, ni la pêche cressonière — 1924 (4)

Jean Tardieu in Margeries


Mots refoulés

..Mais, ni la pêche cressonière
D’un adjectif dormeur et lourd,
Ou bien d’un verbe de rivière
Qui, brusque, entre les algues, court,

Ni cette patience entière
De sertir un mot d’un discours
Comme s’il était de matière
Plus précieuse que l’entour,

Ne ternit mon amour du monde!
Je connais l’animal plaisir
De refouler sans les saisir

Mes mots – et, les yeux entr’ouverts
L’âme pendue à la seconde
D’accueillir absent l’univers.

Q8 – T34 – octo

Les forteresses des Karpathes — 1924 (3)

Georges LimbourSoleils bas

Faux château

Les forteresses des Karpathes
étaient de grands châteaux de pâte.
les princesses y étaient de spectres oppressées
mais qui étaient là-haut la ronde de nos pensées.

A cause d’un Seigneur aux épais favoris
nous rêvions la beauté fragile et sans patrie
et cette voix bourrue d’un bourreau podestat
fit cette mélodie qui tout bas nous hanta.

mais les Karpathes étaient courbes comme faucille
et dans la nuit leur ombre lentement s’avançait
pour faucher dans la plaine barrée de longs fossés

nos cœurs qui avaient osé
contempler presque à leur hauteur ses forts branlants
par le regard oblique de leurs maints cerfs-volants

Q57 – xccc  dd – m. irr

Toi qui pâlis au nom de Vancouver, — 1924 (2)

Marcel Thiry Toi qui pâlis au nom de Vancouver

Toi qui pâlis au nom de Vancouver,
Tu n’as pourtant fait qu’un banal voyage;
Tu n’as pas vu les grands perroquets verts,
Les fleuves indigos ni les sauvages.

Tu t’embarquas à bord de maints steamers
Dont par malheur aucun ne fit naufrage
Sans grand éclat tu servis sous Stürmer,
Pour déserter tu fus toujours trop sage.

Mais il suffit à ton orgueil chagrin
D’avoir été ce soldat pérégrin
Sur le trottoir des villes inconnues,

Et juste, un soir, dans ce bar de Broadway,
D’avoir aimé les grâces Greenaway
D’une Allemande aux mains savamment nues.

Q8 – T14 – déca – Le vers 4 est césuré en position 6.

L’aurore a des pudeurs virginales, des voix — 1924 (1)

Francis Viélé-GriffinOeuvres

L’aurore a des pudeurs virginales, des voix
Qui font rêver le fol espoir d’aimer une autre,
En cette solitude, hélas! qui fut la nôtre,
Aux jours d’alors, et tout ce passé que tu vois;

L’Aurore a Tes pudeurs virginales, Ta voix,
Vibrante voix d’alors qui n’eut jamais une autre,
Mais cet amour très chaste et saint qui fut le nôtre
S’en est allé de ta chère âme, je le vois!

A pas très lents, par la charmille basse, où notre
Premier rêve a chanté le duo de nos voix,
Je vais parlant le rêve, il semblerait d’un autre;

Oh! mourons – que me font les choses que je vois
En cette solitude, hélas! qui fut la nôtre,
Aurore, et ta pudeur virginale, et tes voix!

Q15 – T20 – trois mots-rimes: ‘voix’, ‘autre’, ‘nôtre’

MAURICE BOUCHOR ET RAOUL PONCHON 1923 (11)

Jean Richepin Interludes

Sonnet acrostiche et mésostiche

MAURICE BOUCHOR ET RAOUL PONCHON
Avec vous j’ai fait Toutes mes retraites.
Un même plaisir Rassemblant nos crêtes,
Rougissait nos nez Au même cruchon.

Ivrognes sacrés, Oints du dieu Bouchon,
Celébrons sa messe, Usons ses burettes,
Et versons en nous les rouges aigrettes,
Bouchor, mon trésor, Ponchon, mon bichon !

On fait bien de rire ! On pleurera vite.
Un jour de bonheur N’est qu’un jour sans suite.
Celui-ci fut beau, Chers amis, tant mieux !

Hélas ! Quel cruel Hourvari nous presse !
On avait vingt ans ! … On s’éveille vieux ! …
Rien ! Plus rien ! Du vent !, Notre jeune ivresse !

Q15  T14 – banv –  tara  acrostiche

Père ! protégé de silence ! — 1923 (10)

Mélot du Dy in Le Disque vert

Sonnet pour M. Max Jacob

Père ! protégé de silence !
Méchant ! des grâces visité !
C’est bien le diable, c’est bien l’ange,
Si je n’entends la vérité.

Or, je vous nomme, et sur la langue,
C’est un goût d’immortalité :
Monsieur, votre œuvre est excellente
(Les gentils vous ont imité).

Honneur au poète célèbre !
Mais gloire au poète céleste,
L’heureux démon que Dieu défend !

Et l’ange murmure en cachette :
Monsieur Jacob, voyez l’échelle,
Voyez tous vos petits enfants …

Q8  T15  octo

Haut en couleur mais court sur pattes, débordant — 1923 (8)

Paul Jourdy Le sculpteur de lumière


Caricature militaire (adjudant modèle 189…)

Haut en couleur mais court sur pattes, débordant
De zèle intempestif, et toujours défendant
Sa dignité que nul n’attaque cependant,
Le geste sec, le verbe ‘actif’ et redondant,

Des tas de noms de dieux sont en réserve dans
Sa g..orge, avec la soif de tout f..ourrer dedans;
Et, dans son cœur, l’amour pour de grasses enfants
Qui ne lui ont laissé que souvenirs cuisants …

Inélégant d’ailleurs autant que militaire,
Il rêve pour ménage une chambrée austère
Avec parquets dorés où se flanquer par terre,

Où sa dame, alignée à gauche de sa mère,
Attendrait sa venue au garde-à-vous parfait
Et lui ‘présenterait l’arme’ avec un balai.

aaaa aaaa – T2