Archives de catégorie : Formule de rimes

Comme au bonhomme La Fontaine, — 1898 (21)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Pourquoi des sonnets

Comme au bonhomme La Fontaine,
Les longs ouvrages me font peur :
A mon esprit de courte haleine
Convient un facile labeur.

Pourtant je ne crains pas la peine,
Et je ne suis pas sans ardeur ;
Mais de la source d’Hippocrène
Par gouttes ne vient la liqueur.

Non plus qu’à nos anciens trouvères,
Il ne me faut pas de grands verres
Pour trinquer avec Apollon.

Du Sonnet la faible mesure
Suffit pour rendre mon allure
Titubante au sacré vallon.

(A. Boursault)

Q8 T15 octo  s sur s

Du sonnet quel est l’avantage ? — 1898 (20)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Du sonnet quel est l’avantage ?
Vous dit-on souvent au palais :
Il n’a que faire dans les plaids,
Ce n’est qu’un charmant badinage.

Erreur ! on doit à son usage
De condenser non sans succès,
En peu de mots, en quelques traits,
Un confus et lourd verbiage.

Eh quoi ! messieurs les avocats,
Quatorze vers sont-ils au cas
D’encourir une raillerie ?

Onques juge ne dormirait
Si jamais une plaidoirie
N’était plus longue qu’un sonnet.

(G.Hipp)

Q15 T14 – banv – octo  s sur s

Dans l’Epopée, une vaste peinture — 1898 (19)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

‘Ut pictura poesis’

Dans l’Epopée, une vaste peinture
S’enlève à fresque et se brosse à grands traits ;
Des demi-dieux violant les secrets,
Le Drame antique outre un peu la nature ;

Jusqu’aux confins de la caricature
La Comédie exhaussant ses portraits,
Nous fait toucher nos travers de plus près ;
Le Sonettiste est peintre en miniature :

De Michel-Ange il n’a pas les crayons,
De Raphaël les célestes rayons,
Ou de Rubens la magique palette ;

Terburg, Miéris lui prêtent leur pinceau :
L’immensité dans la mer se reflète ;
Un coin de ciel suffit au clair ruisseau.

(Georges Garnier)

T15 Q14 – banv –  déca s sur s

Vous prenez, Lélio, ce certain air benêt — 1898 (18)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Vous prenez, Lélio, ce certain air benêt
Qui fait que certains jours vous n’êtes plus le même :
Vous voilà circonspect, timide, tout en crème …
Que nous a, cette nuit, couvé votre bonnet ?

Ne faites pas le fin, poète : on vous connaît !
Produisez ce chef d’œuvre et quittez le ton blême.
Un sonnet, je parie ? … Eh bien donc ! un sonnet,
Même avec cent défauts, vaut mieux qu’un long poème.

On aurait tort d’en pondre un millier par saison !
Mais le goût du sonnet, bridé par la raison,
Est innocent. Bernez les railleurs, gent frivole !

De la rime abondante, il corrige l’abus,
Il met dans un corset la pensée un peu molle,
Il aide à bien passer le temps en omnibus.

(Louis Veuillot)

Q14  T14   – s sur s

Les Quatrains du sonnet sont de bons chevaliers — 1898 (17)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Le Sonnet
A Maître Claudius Popelin, émailleur et poète

Les Quatrains du sonnet sont de bons chevaliers
Crottés de lambrequins, plastronnés d’armoiries,
Marchant à pas égaux le long des galeries,
Ou veillant, lance au poing, droit contre les piliers.

Mais une dame attend au bas des escaliers :
Sous son capuchon brun comme dans des féeries,
On voit confusément luire les pierreries,
Ils la vont recevoir, graves et réguliers.

Pages de satin blanc, à la housse bouffante,
Les Tercets, plus légers, la prennent à leur tour
Et jusqu’aux pieds du Roi conduisent cette Infante.

Là, relevant son voile, apparaît triomphante
La Bella, la Diva, digne qu’avec amour
Claudius , sur l’émail, en trace le contour.

( Théophile Gautier)

Q15 T18  s sur s

L’Apologue est indien ; — 1898 (16)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Le sonnet est limousin

L’Apologue est indien ;
L’Attique trouve le Drame ;
L’Elégie est de Pergame ;
Le Poème est rhodien.

Un berger arcadien
Composa l’Epithalame ;
L’inventeur de l’Epigramme
Fur le barbier lydien.

Enna fit parler Tityre ;
Rome conçut la Satire ;
Byzance orna le Dizain ;

La Ballade est allemande ;
La Villanelle, normande ;
Et le Sonnet, limousin !

(Abbé Joseph Roux)

Q15  T15  7s  s sur s

Dans sa forme attrayante, avec art modelée, — 1898 (15)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Le sonnet

Dans sa forme attrayante, avec art modelée,
Nous aimons le sonnet, concis et gracieux.
Nous le voulons parfait : accents hamonieux,
Œuvre finement ciselée.

Elevant son essor vers la voute étoilée,
Dont les astres sans nombre éblouissent nos yeux,
Ainsi que l’ode il peut, dans l’infini des cieux,
Monter sur une stance ailée.

Souvent le cœur y parle un langage charmant ;
L’esprit en fait jaillir comme d’un diamant
Les plus brillantes étincelles.

Oui, c’est un joyau rare, une perle, un trésor …
Avouons-le pourtant : c’est une cage d’or
Où n’entrent pas les grandes ailes.

(Léon Magnier)

Q15  T15  s sur s –  2m (octo 4-8-11-14

Voulant te rogner l’aile, ô libre poésie ! — 1898 (14)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

Voulant te rogner l’aile, ô libre poésie !
Un sévère critique et peu lyrique auteur
Soutint que le sonnet est une œuvre choisie
Dont rien ne peut, en vers, atteindre la hauteur.

Maintenant, pour Boileau, pédant législateur,
Nous ne témoignons pas beaucoup de courtoisie :
Nous l’appelons perruque, et du vieux radoteur
Nous raillons volontiers la docte fantaisie.

Nos poètes du jour, il est vrai, sont plus forts.
Ils maîtrisent la langue et riment sans efforts.
Le métier ne voit plus l’ouvrage de la veille.

Quant à moi, pour finir le travail que voici,
Mon cerveau n’a pas eu grand’peine, Dieu merci !
Et j’avoue humblement n’avoir pas fait merveille.

Q11  T15  s sur s

Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème, — 1898 (13)

–  Matthew Russell (ed.) Sonnets on the Sonnet

« Un sonnet sans défaut »

Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème,
A dit certain gâteux du temps du roi-soleil.
Un bon sonnet, pour moi, c’est une joie extrême,
Un régal délicat, un bijou sans pareil.

J’ai pâli bien souvent, ami, sur ce problème :
Faire aussi mon sonnet ! A l’horizon vermeil
Un rêve me montrait une pensée, un thème,
Qui s’évanouissait souvent à mon réveil.

Quand, revenant à moi, je saisissais la plume,
Pour fixer ce croquis estompé dans la brume,
Hélas ! de mon esprit le vent l’avait banni.

Aussi, sans plus chercher, je me tais, j’y renonce,
Ce n’est pas un sonnet qui sera ma réponse.
Tiens ! – mais, sans y songer, mon sonnet est fini.

(Ernest Lacoste)

Q8  T15  s sur s

Dans l’église où jadis, en pieux appareil — 1898 (12)

Paul Reboux Les iris noirs

Vitrail

Dans l’église où jadis, en pieux appareil
Inclinant son beau front qu’effleura l’eau bénite,
Elle s’agenouillait et, son oraison dite,
De Monseigneur Jésus invoquait le conseil.

La haute châtelaine est encore présente,
Car, maints jointes, dormant de l’éternel sommeil,
Le granit du tombeau nous la montre gisante.

Elle est morte, pourtant, lorsqu’un rai de soleil
Traverse les rideaux et se glisse vers elle,
Son doigt semble étoilé d’une gemme nouvelle,
Son manteau resplendit comme un brocart vermeil,

Un reflet d’améthyste anima la paupière
Et l’on voit refleurir – miraculeux réveil –
Un sourire écarlate à sa lèvre de pierre.

abba cdc ab’b’a ede, y=x: d=a – Avec cette notation de la formule de rimes, le poème est un candidat à la rigueur acceptable pour une disposition Q1 T1 Q2 T2 (qui pourrait être également Q1 T2 Q2 T1).