Archives de catégorie : Formule de rimes

Coiffeur ! tu me trompais, quand, par tes artifices, — 1882 (8)

Dr G.C. (Camuset ?) in G.J. Witkowski : Anecdotes médicales

Calvitie

Coiffeur ! tu me trompais, quand, par tes artifices,
Tu disais raffermir mes cheveux défaillants,
Ceux qu’avaient épargnés tes fers aux mors brûlants,
Tu les assassinais d’eaux régénératrices. !

Tu m’as causé, coiffeur, de si grands préjudices,
Que je te voudrais voir, ayant perdu le sens,
Sur toi-même épuiser tes drogues corruptrices
Et tourner contre toi des engins mafaisants.

Ainsi, quand l’ouragan s’abat sur la futaie,
D’un souffle destructeur il arrache et balaie
La verte frondaison qui jonche le chemin.

Au bocage pareil, mon front est sans mystère,
Il ne me reste plus un cheveu sur la terre,
Et je gémis, songeant au crâne de Robin*

* Professeur d’histologie à la Faculté de Paris

Q14  T15

Primo Religion : – La vieille grimacière — 1882 (6)

Eugène Pottier in Œuvres complètes (ed.1966)

La Sainte Trinité

Primo Religion : – La vieille grimacière
Qui vous la fait, jobarde, au dogme, au sacrement,
Qui tient l’homme à genoux en l’appelant : Poussière
Et vous vend du miracle en sachant qu’elle ment.

Propriété : – Mais moi, mobilière ou foncière
Je proviens du travail ! – oui, c’est ton boniment :
Mais le travail s’en plaint, honnête financière,
Tu l’as dévalisé par ton prélèvement.

Ordre enfin ! – un César, un général qui sacre,
Qui maintient au-dedans la paix par le massacre
Et le guerre au-dehors sans risquer un cheveu.

Très Sainte Trinité, c’est toi qui nous rançonne :
Prêtre, usurier, soudard : sur terre en trois personnes,
Le mensonge, le vol et le meurtre sont Dieu.

Q8  T15

L’anus profond de Dieu s’ouvre sur le néant — 1882 (5)

Le Chat Noir

Edmond Haraucourt

Philosophie
sonnet honteux

L’anus profond de Dieu s’ouvre sur le néant
Et, noir, s’épanouit sous la garde d’un ange.
Assis au bord des cieux qui chantent sa louange,
Dieu fait l’homme, excrément de son ventre géant.

Pleins d’espoir, nous roulons vers le sphincter béant
Notre bol primitif de lumière et de fange;
Et, las de triturer l’indigeste mélange,
Le Créateur pensif nous pousse en maugréant.

Un être naît: salut! Et l’homme fend l’espace
Dans la rapidité d’une chute qui passe:
Corps déjà disparu sitôt qu’il apparaît.

C’est la Vie: on s’y jette, éperdu, puis on tombe;
Et l’Orgue intestinal souffle un adieu distrait
Sur ce vase de nuit qu’on appelle la tombe.

Q15 – T14 – banv

Peut-être pourrions-nous aimer, ma petite, — 1882 (4)

Le Chat Noir

Jean Moréas

A Maggy

Peut-être pourrions-nous aimer, ma petite,
Et goûter le bonheur charmant  d’un tendre amour;
Mais, il faut des brillants, des chapeaux Pompadour,
Et des mots truffés dans ce monde sybarite.

Si je dis que je t’aime et que mon coeur palpite
Quand je baise ta gorge au gracieux contour
Hélas! je ne suis pas un banquier de Hambourg,
Et tu me répondras  » que tu t’en bats l’orbite ».

Je voudrais te bâtir un frais cottage, au bout
D’un jardin parfumé d’aubépine et de rose
Pour que tu passes là contente le mois d’août.

Mais l’homme propose et le louis d’or dispose …
Et je n’ai que mon coeur qui ne vaut pas grand chose
Et mon corps fatigué qui ne vaut rien de tout.

Q15 – T21

C’était un tout petit homard des Batignolles — 1882 (3)

Le Chat Noir

Docteur Camuset

Le homard
Sonnet à la Coppée

C’était un tout petit homard des Batignolles
Nous l’avions acheté trois francs, place Bréda,
En vain pour le payer moins cher, on marchanda,
Le fruitier, coeur loyal, n’avait qu’une parole.

Nous portions le cabas tous deux à tour de rôle.
Comme nous arrivions au rempart, Amanda
Entre dans un débit de vins, y demanda
Deux setiers, – le soleil dorait sa tête folle.

Puis ce furent des cris, des rires enfantins,
Elle avait un effroi naïf des intestins
Dont, je dois l’avouer, l’odeur était amère.

Nous revînmes le soir, peu nourris, mais joyeux
Et d’un petit homard nous fîmes trois heureux.
Car elle avait gardé les pattes pour sa mère!

Q15 – T15

Des nuits du blond et de la brune — 1882 (2)

Gardéniac?

Poison perdu

Des nuits du blond et de la brune
Pas un souvenir n’est resté
Pas une dentelle d’été,
Pas une cravate commune;

Et sur le balcon où le thé
Se prend aux heures de la lune
Il n’est resté de trace, aucune,
Pas un souvenir n’est resté.

Seule au coin d’un rideau piquée,
Brille une épingle à tête d’or
Comme un gros insecte qui dort.

Pointe d’un fin poison trempée,
Je te prends, sois-moi préparée
Aux heures des désirs de mort.

Q10 – T27 – octo Les rimes des tercets sont non classiques (or/ort et –ée sans appui) – Le mot ‘resté’ est deux fois à la rime

Ce beau sonnet, paru sous pseudonyme, est attribué soit à Rimbaud soit (plus généralement) à Germain Nouveau. Les critiques ont sans doute raison. On peut cependant lui reconnaître, dans le ton, plutôt une parenté avec Charles Cros (‘Et quelle morale? aucune ‘(Liberté)). Cependant l’irrégularité des rimes conduit plutôt à éliminer tous ces noms.

Une vierge au long voile, émue et toute rose; — 1882 (1)

Léo Trézenik (Pierre Infernal)Les gouailleuses

A l’église

Une vierge au long voile, émue et toute rose;
Un monsieur relié, comme un livre, en chagrin;
L’église, triste, avec son grand calme serein,
Et l’enlacement froid de son ombre morose.

On les marie: au doigt il lui passe l’anneau.
Un prêtre au geste digne, à la fâce blêmie,
Leur affirme, en latin, que tous deux pour la vie
Sont tenus de s’aimer de par l’ordre d’en Haut.

Et moi, dissimulé derrière une colonne,
J’écoutais, l’air narquois, cette chose bouffonne,
Quand, navré tout à coup, je me pris à songer

Les yeux fixés sur la pauvre fleur d’oranger
Qu’on voyait à travers du voile diaphane,
Que les pharmaciens en font de la tisane!

Q63 – T20

Les femmes en pays vaincus aiment la guerre. — 1881 (19)

Paul Déroulède in  Le Tintamarre (février)

« Au banquet offert par madame Adam …M. Paul Déroulède a lu un charmant sonnet de M. Marc Monnier, recteur de l’Université de Genève, et un autre sonnet … de lui-même. Celui-ci, nous sommes heureux de pouvoir en publier le texte

Les femmes en pays vaincus aiment la guerre.
Vous souvient-il par qui ces mots furent écrits,
Madame, et dans quel lieu, inspiré par Homère
Une Grexcque de France ose jeter ces cris ?

C’est une Grecque, hélas ! comme l’on n’en vit guère
Brave comme Pallas, belle comme Cypris,
Et même elle aurait eu quelque muse pour mère
Que, qui la connaît bien, n’en serait pas surpris.

Sa grâce et par beauté vous charment quoi qu’on fasse ;
Mais d’aller lui déplaire, en la nommant en face,
La crainte que j’en ai l’interdit à ma voix,

J’aurais trop de remords à troubler son sourire.
Elle me permettra seulement de lui dire :
C’est cette Grecque-là, madame, à qui je bois

« dans quel lieu, inspiré, comme hiatus, n’est pas mal réussi, et comme faute d’orthographe, donc !
«  que, qui la connaît bien » !
«  vous charment , quoi qu’on fasse »
« Assez, n’est-ce pas ?

Q8 – T15 –

Publier vos sonnets ! quelle mouche vous pique ? — 1881 (18)

Ernest Lafond Sonnets aux étoiles

Publier vos sonnets ! quelle mouche vous pique ?
C’est un genre ennuyeux, je vous le dis tout net.
— Permettez, permettez, cher monsieur, le sonnet
Est un cadre mignon, une médaille antique,

Un coffret ciselé. — Dites donc un cornet. —
Ils sont courts. — Mais nombreux ; leur race est prolifique,
Et j’aimerais mieux lire un long poème épique.
Quand il est isolé, c’est un fat en corset.

Puis le trait de la fin… Toujours la même chute ;
Dans le même fossé c’est la même culbute ;
Ce que Molière en dit, vous vous en souvenez ?

Il va parler encor… Je vous passe le reste ;
Mais n’allez pas, lecteur, souhaiter, comme Alceste,
Que je fasse une chute à me casser le nez.

Q16  T15  s sur s