Archives de catégorie : Formule de rimes

Pourquoi nier l’amour ? il existe en ce monde — 1881 (17)

Cécile Coquerel (C.Ga y) Matin et soir

Sonnet

Pourquoi nier l’amour ? il existe en ce monde
Bienheureux mille fois celui qui l’a trouvé
Et qui ressent au cœur cette ivresse profonde
D’avoir connu l’amour après l’avoir rêvé.

Sur la terre où tout change et s’enfuit comme l’onde,
Ce dont on vit le plus, c’est encor du passé.
Le souvenir est doux quand notre espoir se fonde
En un séjour meilleur, dont le deuil est chassé.

C’est là qu’on doit ouvrir son âme tout entière,
C’est là qu’est l’idéal et notre vrai milieu.
Ah ! plus d’absence au ciel et de douleur amère

Sur cette terre, au moins, n’élevons de barrière
Qu’au préjugé mesquin, qu’à l’amour éphémère,
Car aimer maintenant, c’est s’approcher de Dieu.

Q8  T16

Es-tu bien sûr, ami, qu’elle n’ait pu l’entendre ; — 1881 (16)

Cécile Coquerel (C.Ga y) Matin et soir

Réponse à Arvers

Es-tu bien sûr, ami, qu’elle n’ait pu l’entendre ;
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas ?
Une femme, crois-moi, sait toujours le comprendre
Ce langage muet qui se parle tout bas.

Si Dieu l’avait créée à la fois douce et tendre,
Elle a dû se livrer de douloureux combats,
Et tenir à deux mains son coeur pour le défendre
Contre un amour si vrai qu’il ne se trahit pas.

A l’austère devoir pieusement fidèle,
Sa vertu la plus haute était peut-être celle
De paraître insensible et distraite à ta voix.

Penses-tu seul avoir un secret dans ton âme ?
Il est sur cette terre, ami, plus d’une femme
Qui garde un front serein tout en traînant sa croix.

Q 8  T15 – arv

Cette réponse a été ensuite gravée par les soin de mademoiselle Casalonga qui l’a mis en musique

Quoi ! vous voulez des vers de moi ! le vilain tour ! — 1881 (14)

Forgemol de Bostquénard Ghazels

Pour un autre album

Quoi ! vous voulez des vers de moi ! le vilain tour !
Vous voulez qu’emplissant le blanc de cette page
J’y fasse défiler, en galant équipage,
La rime au timbre d’or, les mots couleur de jour.

C’était ce qu’autrefois, toute seule en sa tour,
La dame demandait au savoir de son page,
Et les vers bien sonnants alternaient leur tapage
Avec les heurts de fer, bruissant à l’entour.

Mais la dame n’a plus de page au doux murmure.
Les porteurs de cithare et les porteurs d’armure
N’ont plus tant de bonheur, au champ de leurs tournois.

Pourtant, mauvais sonnet, ici, je veux t’écrire ;
Car nous aurons ainsi le prétexte sournois,
Vous, d’en sourire un peu, moi, de vous voir sourire.

Q15  T14 – banv –  s sur s Ce sonnet de Forgemol de Bostquénard se retrouve dans le volume publié en 1911 sous le titre (un alexandrin parfait) « Rimeurs du Luxembourg et du Palais-Bourbon » et contenant un choix de poèmes composés par des hommes politiques, ministres, sénateurs et députés (Forgemol l’était, alors, de Seine et Marne). Cet ouvrage m’a déçu. J’espérais joindre à ma collection quelque sonnet de Président de la République (Paul Deschanel), de président du Conseil ; de Combes, de Jaurès, de Jules Guesde, … en vain.

Les rideaux tout souillés des morves d’un branlé — 1881 (13)

Joris-Karl Huysmans ? – in Le Parnasse satyrique du 19e siècle

Sonnet Masculin

Les rideaux tout souillés des morves d’un branlé
Enveloppaient le lit – un bidet rempli d’eau
Attendait – le vieillard entre – mit son cadeau,
Cinq francs, dans une coupe en zinc – et l’enculé

Tournant le dos porta ses jumelles rondeurs,
Dames Jeannes d’amour, au bouchon du miché.
A grande aide de suif il fut vite fiché
Dans cette cave en chair où fumaient les odeurs

De salpètre et de bran, le dard qui sautillait
Eperdu, dans ses doigts! – Après un long effort,
Il entra jusqu’au ventre dans ce trou qui baillait.

Et l’anus embroché sonna son doux lic lac.
C’est bon, dis, petit homme? – Oh oui! Va, va, plus fort!
Ah! reste – assez – Laisse -Ouf! – Et l’on entendit clac.

Q63 – T24 – On remarquera que toutes les rimes sont masculines – le vers 11 a une césure épique

L’étal resplendissait aux flambes du matin. — 1881 (12)

Théodore HannonRimes de joie

Citrons

L’étal resplendissait aux flambes du matin.
Les rougets surchauffés reflêtaient leurs cinabres
Au ventre des turbots en robe de satin,
Et les saumons d’argent avaient l’éclat des sabres.

Sur le marbre laiteux les cabillauds camards
S’allongeaient, lourds voisins de l’ablette irisée;
Dans leur justaucorps pourpre éclataient les homards
Près de l’algue où baîllait l’huître vertdegrisée.

Mais les citrons surtout me charmaient: fruits joyeux
Crevant comme un sein dur le fin papier soyeux…
Leur parfum m’est plus doux que le parfum des fraises,

Et longtemps j’aimerai leurs contours séduisants
Car devant les citrons effilés et luisants
Je rêve aux tétins d’or pâle des Japonaises.

Q59 – T15

Mes aïeules ont cru pendant des mille années — 1881 (11)

Paul Marrot Le chemin du rire

Les paradis fantaisistes, I

Mes aïeules ont cru pendant des mille années
Que l’âme, étant divine, avait des destinées;
C’est pourquoi, dégoûté d’un monde bestial,
Parfois, j’ai des rappels vers un monde idéal.

Mes aïeux ont compris après des mille années
Qu’on les trompait par des chimères surannées,
Que les sermons étaient des farces; c’est pourquoi
J’ai senti l’ironie éclore et rire en moi.

La vieille illusion, en ma cervelle, alterne
Ses airs avec les airs de la raison moderne,
Et le tout s’entremêle en étrange opéra.

Le doute est ondoyant, et fait de poésie,
Dans les champs où le blé des forts un jour croîtra,
Je te cueille, herbe folle, ô fleur de fantaisie!

Q19 – T14 – aabb  aab’b’ ! sévèrement anormal: les six premiers vers, du point de vue des rimes, s’isolent.

Quand j’entrerai parmi les morts, — 1881 (10)

Paul Marrot Le chemin du rire

Le paradis du poète

Quand j’entrerai parmi les morts,
Je veux, par testament fantasque,
Que l’on fasse un tambour de basque
En tannant la peau de mon corps.

Le tambour conduira la danse,
Il fera d’harmonieux bruits,
Et moi je serai gai; je suis
Un vieil ami de la cadence.

Tous mes destins seront pareils:
Vivant, mon âme était chantante;
Mort, ma peau sera bourdonnante.

Et j’attendrai les grands réveils
Plein des mêmes inquiétudes,
Et sans changer mes habitudes.

Q63 – T30 – octo

Blanchisseuse aux robustes hanches, — 1881 (9)

A. GillLa muse à bibi

Pour la blanchisseuse

Blanchisseuse aux robustes hanches,
Quand avril, sur le ciel léger,
Fait les nuages voltiger,
En délicates avalanches,

J’imagine les choses blanches
Qu’après la lessive, au verger,
Les petites mains font neiger
Sur les cordes et sur les branches,

Et que jaloux de copier
Jusqu’aux détails de son métier,
Fille exquise, le ciel te singe;

Et je songe en riant: parbleu!
Voici qu’aux bords du pays bleu
Les anges font sécher leur linge.

Q15 – T15 – octo

‘Triboulet est un vrai Fol — 1881 (8)

Anatole de MontaiglonSonnets tirés de Rabelais

XLVIII – (Livre III cap. 38)

‘Triboulet est un vrai Fol
– Grimault – A la marrabaise –
– A toudie – A la grandlaise –
-De perspective – A licol –

– D’ut,ré,mi, fa, si, la, sol
– D’architreve – De cymaise
– A chaperon – De fournaise
– De béquarre – de bémol –

– Culinaire – Conclaviste –
– Modal – Marmiteur – Sommiste –
– Bigearre – A double rebras

– Collatéral – A sonnettes
– De mère-goutte – A pompettes;
– Il est fol à cent carats  »

Q15 – T15 – 7s