Archives de catégorie : Quatrain

Décrit la formule de rime des quatrains.

Comme je revenais hier de la fontaine, — 1849 (5)

Antonio Spinelli Sur les grèves

La sœur cadette

Comme je revenais hier de la fontaine,
A l’heure où les oiseaux finissent leur chanson,
Dans les bois, où fleurit en la belle saison
La fleur que j’aime tant, la douce marjolaine ;

J’aperçus Marguerite avec un beau garçon.
Je m’arrêtai soudain, retenant mon haleine ;
Puis sur l’herbe posant ma cruche toute pleine
Je me cachai tremblant à l’ombre d’un buisson.

Longtemps, oh bien longtemps, au milieu du silence,
J’écoutai ces deux voix qui parlaient d’espérance,
Et je compris enfin le mot de leur bonheur.

Le jeune homme disait en son ivresse extrême,
Oh Marguerite …. – eh bien ! que disait-il, ma sœur ?
La fleur avait raison, il lui disait : Je t’aime.

Q16  T14

Des mains de l’Eternel, adorable mélange — 1849 (4)

Charles Dugge Les tableaux plastiques

Eloge de Mme Keller, grand actrice plastique
Sonnet traduit de l’italien du Prince de F. de Carignan

Des mains de l’Eternel, adorable mélange
De suave pudeur, de chaste volupté,
Ainsi dût sortir Eve, en l’Eden enchanté,
Vivant de cette vie ineffable de l’ange !

Tantôt mon œil te voit, – de l’art merveille étrange ! –
Maîtrisant, AMAZONE, un cheval indompté,
Lance en main, et tantôt, plus douce en ta beauté,
Nouvelle DIONEE, en roc ton corps se change !

Comme sous le ciseau du sculpteur allemand,
Tu parais, de Minos ou la fille divine
Ou la Psyché céleste, ou la molle EUPHRASINE !

Et toujours belle et vraie … Ah ! ton art est si grand
Et se surpasse encor, quand, fière en sa victoire
Tu veux représenter l’Italie et sa gloire.

Q15  T30

Toi, l’amour de mon cœur, l’espoir de ma vieillesse, — 1849 (3)

Alphonse Chaulan L’Arc-en-ciel

Sonnet à …

Toi, l’amour de mon cœur, l’espoir de ma vieillesse,
Etoile solitaire en mon cœur orageux,
Ma Caroline, avec ces poétiques jeux,
Reçois le pur encens de toute ma tendresse.
J’invoque, pour veiller sur ta frêle jeunesse,
Ta noble mère, assise au séjour des heureux ;
Ah ! puisse, cher enfant, notre zèle et nos vœux,
Vers un port de bonheur diriger ta faiblesse !
Un jour, lorsque le temps et la réflexion
Chasseront les vapeurs de tes illusions,
A mes mânes errants tu diras je l’espère :
Ami, tu disais vrai : le monde avec ses fleurs,
Ses plaisirs d’un moment, ses trompeuses erreurs,
Ne remplace jamais l’amour d’un tendre père.

Q15  T15  sns

Nous t’aimions bien jadis quand sur ta triste harpe — 1849 (2)

Baudelaire in La Silhouette

A une jeune saltimbanque

Nous t’aimions bien jadis quand sur ta triste harpe
Tu raclais la romance, et qu’en un carrefour,
Pour attirer la foule à voir tes sauts de carpe,
Un enfant scrofuleux tapait sur un  tambour;

Quand tu couvais de l’oeil, en tordant ton écharpe,
Quelque athlète en maillot, Alcide fait au tour,
Qu’admire le bourgeois, que la police écharpe,
Qui porte cent kilogs et t’appelle mamour.

Ta guitare enrouée et ta jupe à paillettes
Etalaient à nos yeux le rêve des poëtes,
La danseuse d’Hoffmann, Esmeralda, Mignon.

Mais déchue à présent, te voilà, ma pauvre ange,
Sultane du trottoir, ramassant dans la fange
L’argent qui doit soûler ton rude compagnon.

Q8 – T15 Paru sous la signature de Privat d’Anglemont ce sonnet à été restitué à Ch.B. par W.T. Bandy.

Souvent je me promène aspirant dans mon âme, — 1849 (1)

Charles PotvinPoésies politiques et élégiaques


La lecture

Souvent je me promène aspirant dans mon âme,
– Vive évocation pleine d’un doux émoi,
Le génie exalté d’un barde au coeur de flamme
Qui revit, palpitant et s’inspirant pour moi;

Je le comprends, lui parle, il répond, je le voi,
Et nous nous échangeons, comme un noble dictame,
Lui, les célestes feux dont sa muse s’enflamme,
Moi, mes rêves d’amour, mon idéal, ma foi.

Je lui parle de vous… rayonnante de grâce,
Vous vous levez ainsi qu’un astre; et tout s’efface,
Le livre est oublié, je ne vois plus que vous;

Je n’ai qu’une pensée, un but qui m’extasie:
Courir en votre coeur puiser ma poésie,
Vous redire un aveu plus ardent et plus doux.

Q10 – T15

Zéphire qui revient ramène le printemps, — 1848 (6)

Gustave Garrison Les voix du matin

Imité de Pétrarque

Zéphire qui revient ramène le printemps,
Les herbes et les fleurs, sa riante famille,
L’amour, nouveau soleil qui féconde et qui brille,
Rajeunit l’air, la terre, et tous ses habitants.

Le flots sous les glaçons enchaîné trop longtemps
A travers les cailloux joyeusement babille,
Dieu soulève du ciel les voiles éclatants

Comme pour admirer la nature sa fille.
Moi seul, je ne sens pas le printemps dans mon cœur,
Un éternel hiver y poursuit ses ravages :

Laure, en fuyant au ciel, ma pris tout mon bonheur.
Le sol, plein de parfums, et de chants, et d’ombrages,
Où la vierge au front pur brille comme une fleur,
Est un désert pour moi plein de monstres sauvages.

Q14  T20  . (Pétrarque rvf CCCX : Zefiro torna)

Lorsque dans ma route isolée — 1848 (5)

Eugène Debons Chants d’amour

Lorsque dans ma route isolée
Ton regard vient, plein de douceur,
Me montrer la voûte étoilée
Où s’élance mon cœur ;

Tel, se glissant, dans la vallée,
Un joyeux rayon de chaleur
Rend à la fleur étiolée
La vie et le bonheur.

Quand ton sourire, après l’orage,
Dissipe le sombre nuage
Qui me voilait les cieux ;

O blanche étoile de mon âme !
Qu’il m’est doux, guidé par ta flamme,
De baiser tes beaux yeux !

Q8  T15  2m

Aux murs où Jean Calvin brûla Michel Servet, — 1848 (4)

Charles Didier La porte d’ivoire


A Jacques-Imbert Gallois

Le poète :  Mais, monseigneur, il faut bien que je vive
Le Cardinal de Richelieu : je n’en vois pas la nécessité.

Aux murs où Jean Calvin brûla Michel Servet,
D’agio vit et vit bien le banquier magnifique ;
Bien vermeil et bien gras, le bourgeois prolifique
Se fait du doux rien-faire un commode chevet.

Au nom du plébéien qui souffrait, qui sauvait,
Le prédicant bavard du Dieu vivant trafique,
Et, damnant son prochain d’une voix séraphique,
Il mange bien, boit mieux et dort sur un duvet.

Le danseur vit du bal, le docteur de la goutte,
Sur le char du budget le pédant fait la route,
Comme un singe autrefois le fit sur un dauphin.

La courtisane vit de ses banales veilles,
L’espion est payé pour avoir des oreilles,
Le parasite dîne …. et le poëte a faim.

Genève, 1827

Q15  T15

Maintenant la vapeur est à l’ordre du jour. — 1848 (3)

Jules VernePremier cahier

La vapeur

Maintenant la vapeur est à l’ordre du jour.
Tout marche par son aide! Est-ce un bien pour le monde?
Pour bien choisir sur terre où toute chose abonde,
Faut-il donc se hâter, lorsqu’on en fait le tour?

On vole désormais sur la terre et sur l’onde;
On fait sans y penser l’aller et le retour;
On singe le soleil qui, lorsqu’il fait sa ronde,
Mesure en une nuit le céleste séjour.

Ce ne peut-être un bien que dans ces temps de guerre,
Où vont s’anéantir ces hommes qui naguère
Marchaient contre la mort san reproche et sans peur,

Si trompant l’ennemi par sa subtile ruse,
Refaisant des guerriers autant que l’on en use,
L’amour toutes les nuits marchait à la vapeur!

Q17 – T15 s. pris dans les  poésies inédites

Vous qui lisez mes vers, et, d’une oreille sage, — 1848 (2)

Camille Esménard du MazetPoésies de Pétrarque

1

Vous qui lisez mes vers, et, d’une oreille sage,
Ecoutez les soupirs dont j’ai nourri mon coeur,
Rappelez-vous qu’alors j’étais dans le jeune âge,
Que je suis revenu de ma trop douce erreur.

Du trouble à la raison, des pleurs à l’espérance,
Si d’un style inégal je passe tour à tour,
Sûr d’être pardonné, j’invoque l’indulgence
De ceux qui parmi vous aurons connu l’amour.

Je sais bien qu’aujourd’hui que le regret m’accable,
Pourquoi du monde entier je fus long-temps la fable:
Oui, je le sais, de moi je n’ai plus qu’à rougir.

Je reconnais encore, après tant de folie,
Que tout ce qui nous plaît et charme notre vie
Est un songe trompeur qu’un instant voit finir.

Q59 – T15 –  (Pétrarque, rvf 1)