Archives de catégorie : Quatrain

Décrit la formule de rime des quatrains.

Un petit livre ouvert dont je cherche l’abord — 1949 (4)

Pierre-Jean JouveDiadème

Rêve du livre

Un petit livre ouvert dont je cherche l’abord
Est-il à le manger un abîme discord
Un livre avec du feu dans les plis et les lettres
Humides de sang rouge et comme veine ouverte

Où réconciliés sont amour et son manque
Et Dieu! et les baisers du pli et l’épuisante
Ascèse qui mélancolique bat la grève
De mourir et les cheveux langoureux et les lèvres

Le livre (est-ce le pli dévoré) s’ouvrira
Sur le massacre des amants par le poème
Et j’aurai toujours lu sa lettre avec fracas

Le livre de la chair et de Dieu abolis
En leur amour orgasme et seul esprit béni
L’unité d’un seul don dans les cuisses de femme.

Q57 – T25  (le vers 8 a 13 syllabes)

Folle douce, dans ses augures — 1949 (3)

Pierre-Jean JouveDiadème

Ophélie

Folle douce, dans ses augures
Celui qui t’adore n’a pas
Tant de mémoriales figures
Qu’il puisse pêcher vers le bas

Ta figure au fil des roseaux
Enfoncée dans le verdi charme
Des choses qui brouillent les eaux
Ont fait ta chute sans alarme;

Mais il gémit de ta nature
Sous les grands arbres du départ
Les vaches du palais où dure

La terreur profonde du dard
Amoureux, les remous d’oiseaux,
Et les bouches jusqu’aux tombeaux.

Q59 – T23 – octo

O arbre de Jessé! — 1949 (2)

Pierre-Jean JouveDiadème

O arbre de Jessé!
Je sais que je t’accorde plus que ton lignage
Ne mérite et que le foudroyant été
Descend à mon insu des grâces sur ta face

Vapeur imaginaire du Liban
Pour le pauvre cœur las de l’homme: mais me laisse
Errer dans ma splendeur sous de vastes yeux blancs
Et noire! au maître fou ne montre rien qui baisse.

Mais toi démon sans bords
Salut! jambes fermées sur la pensée
Et la poitrine double et jeune et épuisée

Des yeux de mer à la face brunie aux pieds forts
De l’âme séraphique au postérieur mouvant
Des grossesses d’esprit au vierge éprouvement.

Q59 – T30 – m.irr

C’est un sonnet. Pensant à vous, très belle, — 1949 (1)

Tristan Klingsor Cinquante sonnets du dormeur éveillé

Le sonnet

C’est un sonnet. Pensant à vous, très belle,
A cet iris bordé de cils de nuit
Où la moquerie fait luire une perle,
Je le compose pour tromper l’ennui

Sorcier des mots, hélas! ce soir ne suis;
En habits d’or la syllabe rebelle
Paraît, danse, tournique et puis s’enfuit
Dès que ce niais de Sologne l’appelle

Et si l’amour recommençait sa fête,
Si la folle du logis revenait,
Ah! seriez-vous à cette heure où vous êtes?

Tant pis, je veux en avoir le cœur net;
Encore un vers, voici la chose faite:
N’en doutez pas, belle, c’est un sonnet.

Q11 – T20 – déca (peu réguliers) – s sur s

L’autre jour – et vous m’en croirez si vous voulez, — 1948 (3)

– Jules Lemaître in  Dr O’Followell: Le sonnets d’Arvers et ses pastiches

A la manière de François Coppée

L’autre jour – et vous m’en croirez si vous voulez,
Car un événement simple est parfois bizarre –
Ayant sous le bras deux paquets bien ficelés,
Je me dirigeais du côté de Saint Lazare.

Après avoir pris mon billet sans démêlés,
J’entre dans un wagon et j’allume un cigare,
D’un sou – le train, nous en étions fort désolés
Etant omnibus s’arrêtait à chaque gare.

Soudain il siffle et fait halte. Au même moment
Un monsieur, pénétrant dans mon compartiment,
Prend les billets, ainsi qu’on ferait une quête;

– Et moi, content de voir enfin ma station,
Je remets mon billet sans contestation
A l’employé portant un O sur sa casquette.

Q8 – T15

De l’autre côté de la rue — 1948 (1)

Roger VitracPoèmes délirants


Sonnet paresseux

De l’autre côté de la rue
Dans la fenêtre illuminée
L’ombre d’une femme accoudée
Projette une grande ombre nue,

Sur le trottoir où je t’ai vue
Et combien de fois désirée
Quand tu passais ensoleillée
Sous une ombrelle disparue

Dans l’arbre flambant dans le soir
Comme un lustre dans ton miroir
Penche sur ta tête attentive

Sous la lune en tes yeux doublée
Comment saurais-je Inconsolée
De quel désir tu es captive

Q15 – T15 -octo

Oh que de douleur abonde — 1947 (8)

Mélot du Dy in Jean Paulhan, Dominique Aury – Poètes d’aujourd’hui

Oh que de douleur abonde
Pour ne point nous enrichir
Sous un crâne qui se bombe
A force de réfléchir.

Et bientôt de par le monde,
Je le dis en vérité
Il n’y aura que des monstres
Douloureux d’énormité.

Où qui préfère la simple
Assurance d’une guimpe
A tout autre gonflement?

Où le penseur aux mains vides
Qui jubile s’il avise
Un sein modeste et charmant?

Q32 – T15 – 7s

Sur l’éparse viande des morts — 1947 (7)

Roger Gilbert-Lecomte in Jean Paulhan, Dominique Aury – Poètes d’aujourd’hui

Formule palingénésique

Sur l’éparse viande des morts
Jetez la poudre des griffons
Pour que d’un cadavre en haillons
Naisse un fantôme dont le corps

Veuf de sang orphelin d’eau-mère
Se sculpte au sel marin des pleurs
Dont le cristal d’essence amère
Mime le nombre de la fleur

De la fleur-serpent de l’abîme
Fleur du soleil noir qui fascine
Fleur-vertige des mondes creux

Cette fleur par son cœur de perle
Etant la fleur de ce nouvel
Intersigne et spectre-de-sel.

Q62 – ccx yee – octo

Un châle méchamment qui lèse la frileuse — 1947 (6)

André Breton in Jean Paulhan, Dominique Aury – Poètes d’aujourd’hui

L’an suave

Un châle méchamment qui lèse la frileuse
Epaule nous condamne aux redites. Berger
Tu me deviens l’à peine accessible fileuse.
(A l’ordinaire jeu ce délice étranger)

Qu’aimablement la main dissipe tout léger
Nuage vers ce front où la mèche boucleuse
N’aspire, avec les brins de paille, qu’au danger
De lune! Ai-je omis la nymphe miraculeuse;

Icare aux buissons neigeuse, tu sais, parmi
Les douces flèches (l’an suave quel ami!)
Et, criblé de chansons par Echo, le silence

Que déjà ton souhait de plumes, n’oscillant
Pour se moquer de grèbe en paradis, s’élance
(Ah! quel ami c’est l’an suave!) au toquet blanc?

Q11 – T14

J’ai fini de trébucher: adieu les essais — 1947 (5)

Henri ThomasLe monde absent

Homo faber

J’ai fini de trébucher: adieu les essais
De l’âge ingrat, je foule allègrement la terre,
Je vais, robot sacré, dans ma propre lumière,
Ecoutant bourdonner mes rouages secrets.

Mon cœur a son déclic, mon sexe est une roue,
comme l’eau d’un moulin le sang la fait tourner,
éveil, et l’engrenage interminable joue,
le poème est parfois un graphique léger.

Oscillant dans le vent d’automne je m’avance,
par trois ou quatre feuilles mortes poursuivi,
le moteur est bercé par sa propre cadence.

Les tôles du fossé, lamentables débris
ont beau parler du grand déglingage final,
tranquille et composant chaque pas, je souris,

étant certain qu’un jour une flamme magique
ou logique consumera la mécanique

Q15 – cdc dxd + ee – 16v