Archives de catégorie : Quatrain

Décrit la formule de rime des quatrains.

Mieux que l’arc triomphal et l’image d’airain, — 1928 (9)

Henri de RégnierFlamma Tenax

Heredia
« Un vil lierre a suffi à disjoindre un trophée’

Mieux que l’arc triomphal et l’image d’airain,
Par quoi le conquérant survit à sa conquête,
Vaut, pour éterniser la gloire du poète,
Le livre humble à la vue et léger à la main;

Ouvre-le. Relié de cuir ou de vélin
Il t’offre sa beauté éloquente et secrète
Et sa mystérieuse voix est toujours prête
A te dire le vers mémorable et divin.

Heredia! Ton œuvre immortellement neuve,
Déjà d’un quart de siècle a surmonté l’épreuve;
Chaque jour le laurier croît sur elle plus beau;

Et, haussant son nœud vil vers ta gloire étouffée,
Je n’ai pas vu ramper à son socle trop haut
Ce lierre qui suffit à disjoindre un trophée.

Q15 – T14 banv

Plus que l’eau miroitante ou l’azur ingénu, — 1928 (8)

François-Paul Alibert in Chantiers

Inscription

Plus que l’eau miroitante ou l’azur ingénu,
Ou cette palme, objet de toute inquiétude,
Ne substitue encore une autre solitude
Au raisin fugitif dans ta soif contenu

Ensemble ou tour à tour toi-même devenu
Les monstres engendrés de ta sollicitude,
Soit l’austère devoir, soit l’amoureuse étude,
Sur le sable te laisse inextinguible et nu.

Mais de quelque douceur, pour combler son ouvrage,
Que le mortel espoir de ce dernier mirage
T’inspire en vain la source et de désir amer,

Du moins qu’à l’horizon scintille l’onde vierge
Où, des sombres troupeaux engloutis sous la mer,
Une seule sirène adolescente émerge.

Q15 – T14 – banv

Quatre heure du matin! l’aube rose et violâtre — 1928 (7)

Pierre AlbertyLe jardin d’Eros

Dollars

Quatre heure du matin! l’aube rose et violâtre
Filtre sournoisement par les vitraux du bar
Et, peu à peu, voici que paraît plus blafard
L’éclairage diffus des plafonniers d’albâtre.

Dans la moiteur de l’air flotte une odeur douceâtre:
Alcools, poudres de riz, oeillets fanés, pommard!
Effluve féminine et relents de homard;
Le jazz, pour terminer, joue un fox-trot folâtre.

Nue, à même la nappe et les serviettes sales,
Une fille est couchée au milieu de la salle, `
Tandis qu’au gloussement joyeux de ses compagnes

Un américain glabre aux lunettes d’écaille,
Flegmatique, introduit dans l’impudique faille
Des dollars ruisselants péchés dans du champagne!

Q15 – T15

Rien – qu’un paysage pris — 1928 (6)

Odilon-Jean PérierPoèmes

Dédicace
à R. de G.

Rien – qu’un paysage pris
Page vide – pure estampe,
Entre tes yeux et la lampe
Seule à lui donner du prix,

Rien qu’un déchirant esprit
De neige et de solitude,
Mes chants que tu as surpris
Par une amicale étude,

Ces feux! qui devaient dorer
L’aile de ma poésie,
Cendres ne lui ont laissé

Que les ombres de sa vie,
Rien! mais tout à commencer
Sous les rires de Janvier.

Q44 – T19 – 7s – disp: 4+4+4+2

Il pèse sur tes épaules, il brûle ton cœur, — 1928 (3)

Catherine PozziOeuvres poétiques

Epilogue étrange

Il pèse sur tes épaules, il brûle ton cœur,
Il met des trésors d’angoisse dans les jours joyeux,
Il te marque pour toi-même, sceau mystérieux,
– Il te marque pour toi seule: y a pas d’âme soeur.

Il peut enivrer ta vie, sauvage bonheur;
Il t’éblouit, il t’emporte, il ferme tes yeux,
Il te réveille, il te crée, t’emmène loin d’Eux
Et t’offre dans un silence l’éternelle fleur.

Le Meilleur Monde Impossible (Leibniz s’est trompé),
Trop sincère, trop splendide pour une entité,
Qui ne sera qu’en ton âme, ou ne sera pas.

« Tout un monde est lourde chose », songe Atlas-Psyché; –
Mieux vaut nous saigner ensemble d’un p’tit coutelas …  »
Il n’a été qu’en ton âme, mais n’a pas été.

1906 – C.P. note à la suite: « One more sigh’.

Q15 – T7 – 13s

Je descend les degrés de siècles et de sable — 1928 (1)

Catherine PozziOeuvres poétiques

Maya

Je descend les degrés de siècles et de sable
Qui retournent à vous l’instant désespéré
Terre des temples d’or, j’entre dans votre fable
Atlantique adoré.

D’un corps qui ne m’est plus que fuie enfin la flamme
L’Ame est un nom détesté du destin –
Que s’arrête le temps, que s’affaisse la trame,
Je reviens sur mes pas vers l’abîme enfantin.

Les oiseaux sur le vent de l’ouest marin s’engagent,
Il faut voler, bonheur, à l’ancien été
Tout endormi profond où cesse le rivage

Rochers, le chant, le roi, l’arbre longtemps bercé,
Astres longtemps liés à mon premier visage
Singulier soleil de calme couronné.

Q59 – T20 – 2m :6s: v.4 v6 : 10s – Le dernier vers est typographiquement isolé

J’ai compris ce billet, je connais l’écriture. — 1927 (5)

P. D’Aniell Solange

Chérubin

J’ai compris ce billet, je connais l’écriture.
L’homme, presque un enfant, est aussi blond que toi.
Il est beau, mais naïf, puisqu’il offre sa foi.
Ne désespère pas sa timide nature.

Tu te refuserais à Chérubin ? … Pourquoi ?
Tu crains ma jalousie. En sens-tu la morsure ?
Puis-je abolir l’amour, cette tendre imposture
Qui rive deux amants et dévore la loi ?

Non ! je veux par vos chairs, aux ivresses conquises
Animer d’impudeur des étreintes exquises,
Te rendre sous son corps les nuits où tu vibras,

Confondre nos baisers sur ta lèvre encor pleine
Du spasme adolescent  de sa mourante haleine…
Te prendre, ivre de lui, pâmée, entre mes bras.

Q16  T15

Logos, éons et séfirots; — 1927 (4)

Charles-Adolphe Cantacuzène Identités versicolores

Sonnet
à J.B

Logos, éons et séfirots;
Alexandrins, Gnose et Cabale;
Triangles et pouvoirs des mots;
Souffle d’évocation pâle.

L’Ether d’éternité, les flots,
Le feu, la terre sidérale;
Et vous, reflets dans les cristaux,
Lumière, immortalité mâle.

Tout cela nous n’en parlions pas
Du temps que nous croisions nos pas,
Chez toi, cher, ou dans les ruelles.

Et cependant le Pimander,
La Baghavat-Gita, Dieu! Quelles
Perles sur le Boulevard Vert.

Q8 – T14 – octo

Jeune apprenti, parfois d’un geste négligent, — 1927 (2)

Roger Vitrac Cruautés de la nuit

Jeune apprenti ….
A Henri de Régnier

Jeune apprenti, parfois d’un geste négligent,
Je délaisse l’argile et le tour, et je rêve
De ciseler dans l’or un Bacchus qui soulève
Sur ses bras incurvés une coupe d’argent.

Mon vieux maître qui sait fuseler une amphore
Et sur la glaise rouge animer les dieux noirs
Devine et, souriant à mes faibles espoirs,
Caresse de la main le vase qu’il décore.

Il sait que je m’adosse aux arbres du hallier
Et que ma flûte est douce aux faunes de Sicile.
Aussi m’a-t-il promis son rustique atelier.

… Et je n’assouplirai sous mon doigt malhabile
Lorsque la terre fine aura détruit ses os
Qu’un frêle vase orné d’acanthes et d’oiseaux.

Q63 – T23