Archives de catégorie : Quatrain

Décrit la formule de rime des quatrains.

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers — 1972 (2)

Pierre Albert-Birot Dix sonnets et une chanson

II

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers
Certes plus de pieds sont à la caserne
Si vous préférez quatorze pins verts
Allez aux pins en ce qui me concerne

Vais à sonnet n’est pas piqué des vers
Direz que je m’éclaire à la lanterne
Soit! Tout flambant le moderne univers
Me plaît ce soir d’entrer dans la caverne

Pétrir le silence avecque la nuit
Cherche la loi comme un vieil alchimiste
Aimer ce qui sert barrer ce qui nuit

Tel mot n’entre pas tant pis on le tord
On fait le savant et on fait l’artiste
Ci-gît un sonnet peut-être ai-je eu tort

Q8 – T24 – 10s – s sur s

Eve de l’été belle et les Greques en mer — 1972 (1)

Adolphe Haberer in Georges PerecLes revenentes

Eve de l’été belle et les Greques en mer
Que cherché-je en ces nefs et qu’égrénent mes rêves
Hélène qe je révère en l’ébène pervers
Est le léthé qe j’erre de femme en sèche grève

Vers qelle trève versé-je sèves en terre
Qe d’eternelles pentes épellent en lèvre lentes
Trente femmes blessèrent le blé de Déméter
Et le blé que je sème dressé levé me tente

Le pré bée vert de celle (et le dé est jeté)
Qe pressent sept épées emmêlées de l’été
Q’Eve lésée en l’Eden qe le gel défend

Ne s’éveye d’emblée et me rejette rèche
Vermeye c’est le ventre vers leqel je tends
Qe se fêle l’été en ce rêve revèche.

Q59 – T14 – Monovocalique en ‘e’.

La volupté du soir, la nuit et son mystère — 1970 (10)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

Moïse

La volupté du soir, la nuit et son mystère
Descendaient sur ces monts où Japhet fut conçu ;
Et Moïse, accablé, enfin las de se taire,
Re-disait à IAVE ce discours par trop su :

«  O Seigneur, j’ai vêcu puissant et solitaire.
Souhaitant de passer de vous inaperçu
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre,
Exaucez-moi, Seigneur, vous dont j’ai tant reçu.

De cette auguste main que vous daignez me tendre
Rayez-moi de ce monde où nul ne veut m’entendre.
Je reviens à ma terre, en glissant tous mes pas

Sous votre ombre, ô Seigneur, à qui je fus fidèle ».
Or, Sa Voix retentit, et que lui disait-elle ?
« Je suis celui qu’on aime, et qu’on ne connaît pas »

Q08  T15  arv  d’après Vigny.

La cigale, un beau jour, s’en vint en grand mystère, — 1970 (9)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

La cigale et la fourmi

La cigale, un beau jour, s’en vint en grand mystère,
Chez la fourmi, ayant conçu
De quémander, mieux eût valu se taire
Un grain de mil, tout un chacun l’a su.

« Mon dénuement d’insecte solitaire
N’a pu de vous passer inaperçu
Prêtez-moi ces trésors que vous cachez sous terre,
Et je vous signe un bon reçu »

La fourmi, pas toujours tendre
Lui laisse entendre
D’aller ailleurs porter ses pas

«  A mes moindres défauts je veux rester fidèle »,
Lui dit-elle
« J’ai du bon tabac, tu n’en auras pas ».

Q08 – T15  arv – 2m :Texte polymétrique : alexandrins au vers 1 et 7 – décasyllabes : v 3 à6 – taratantara au vers 14 – octo : 2,8,11 – hepta :v 9 – tétrasyllabe : vers 10 – trisyllabe : vers 13.

Mais si, mon vieil ami, votre secret mystère — 1970 (8)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

Mais si, mon vieil ami, votre secret mystère
Je l’avais deviné quand vous l’aviez conçu.
Une femme sait bien l’amour qu’on veut lui taire,
J’attendais votre aveu sans que vous l’ayez su.

Hélas ! il est trop tard mon cher inaperçu !
Vous méritez un peu de rester solitaire :
Qui ne demande rien sur cette ingrate terre
Ne peut pas s’étonner de n’avoir rien reçu.

Puisque vous savez bien écrire des mots tendres,
J’aurais peut-être aimé, jeune encor, vous entendre
Au lieu du bruit discret de vos pas dans mes pas.

Vous n’avez pas senti, quoiqu’étant tout plein d’elle
Les rêves que peut faire une femme fidèle
Dans le lit d’un époux qui ne la comprend pas.

Q10  T15  arv

Princesse sidérée à la source des sens — 1970 (7)

Jean Queval En somme

Sonnet en S

Princesse sidérée à la source des sens
Les serpents suppliciés au secret de tes songes
Ces lentes saturnies de saveur et d’absence
Les somnolences sont-ce des sondes des sondes

Ta scissure suscite une amorce de stance
Ta nasse de capture espère aux feux garçons
Ta soif et ton serment s’allient par descendance
Ta source prise s’orne et s’arme des saisons

La sphère comme amphore un astre de ton aire
La césure et la stase et la course corsaire
La serre enfin promise à la scène incendiaire

Tes seins pléniers sanglés au soufre des censures
Tes reins très assaillis par ces muscles augures
Tes liens tant saccagés au souffle des centaures

Q32  T5

Avec les sentiments de nos sens analogues, — 1970 (6)

Jean Queval En somme


Déclaration d’indépendance

Avec les sentiments de nos sens analogues,
L’intelligence existe, existant plus ou moins
La volonté voudrait casser les équivoques
Trois facteurs qu’on ordonne en des écrits témoins.

Il y a le langage où se fait notre langue
La sensibilité registre et notation
Soit les pouvoirs moraux dépouillés de leur gangue
Ce sont là matériaux, suit la cogitation :

Tu corrigeras donc en silence le trait
De ton discours patient impatient d’une rose
Tout le temps te tairas aux échos importuns :

Quand par démonstration le vrai sens est soustrait
Quand la pensée se pense et se complaît morose
Borgne et sourd nul poète en un morne écrivain.

Q59  T36

Vos corps poltrons d’homos ronchons — 1970 (4)

Adolphe Haberer a e i / y o u (ed.1993, chez l’auteur)

O

Vos corps poltrons d’homos ronchons
Photos pornos d’ostrogoths mols,
Prolos pops, gros provos cochons,
Gotons, cocos, mormons, mongols,

Honorons donc vos dons d’Oxford,
Fox-trot, loto, bocks, grogs, porto.
Mon Lord, nos crocs sont forts, on mord
Vos hot-dogs con oloroso.

Long corso? Cosmos fol? Zoo toc?
(Porcs, crocos, condors, dodos coqs-
troncs, kohol corrompt vos bords blonds)

Trop tôt sont morts Cronos, Job, Thor –
Mots, noms d’os, profond port oblong –
Oh! hors d’Oxford dort logos d’or.

Q59 – T14 – d=a ? – octo  – monovocalisme

« Qi vit ici?  » Cris d’ibis vifs. — 1970 (3)

Adolphe Haberer a e i / y o u (ed.1993, chez l’auteur)

i / y

« Qi vit ici?  » Cris d’ibis vifs.
« Qi vit?  » Lys, iris gris, vit-il?
Cris (bis) vils; six pics incisifs.
 » S’il y vit, fils d’Isis viril?

Si vit Lilith?  » Il vit nid d’if,
N’y prit d’instinct l’incivil lit,
Ni inscrivit l’infini pli.
(Ci-gît l’incipit instinctif)

Styx-sis, ni lin, ni riz, ni vin;
Lys, iris, inscrits, six, dix, vingt,
Prix d’incisifs pics. (VIDI, VI-

CI) –  » Qi rit ici?  » Ni d’isis
Fils viril, ni Lilith, l’ibis
Rit l’infini. « Ici, qui vit? »

Q33 – T15 – y=x: d=b’ – octo

Monovocalisme en ‘i’.

Note liminaire de l’auteur (1993): « Cette suite de sonnets fut composée en 1970. Le premier, le sonnet en « e », fut écrit comme un défi lancé à Georges Perec qui venait de publier La disparition. Le défi fut si bien relevé que Perec publia en 1972 Les revenentes, dans lequel figure, à la page 86,  » ces vers vrément cherments  » que je lui avais dédiés. Les autres furent écrits à Oxford.

J’ai adopté l’une des règles de Perec, qui fait que « Qu » s’écrit « Q ». « 

Dans les roseaux le printemps se balance. — 1970 (1)

Lanza del Vasto Le Viatique, II


Printemps sur le marais

Dans les roseaux le printemps se balance.
Par-dessus les buissons, sur l’étang plat
La nue est plate avec de blancs éclats,
Le vent se lève et retombe en silence.

Le pas est mou, dans les joncs emmêlés,
Le sol mouillé, jetant sous les chaussures,
Un cri d’oiseau, glisse à la pourriture,
Un brouillard vêt les saules mutilés.

L’étang est plat, l’air veuf de voix humaines
Même de cloche, et sans une félure,
Et le regard à nul arbre ne mène

Nous marchons vite et cherchons les vrais champs
Car le printemps est mort ici: nature
Chante en ces lieux toute seule son chant.

Q63 – T24 – déca