Archives de catégorie : Q08 – abab abab

Mais sur le rocher énorme — 1835 (2)

Julien TraversSonnets sur le Mont st Michel in Mémoires de la Société Royale Académique de Cherbourg

X

Mais sur le rocher énorme
Se dresse un second rocher!
Du sommet qu’il rend difforme
Hâtons-nous de l’arracher.

Pour unir la plate-forme
Qu’embellira mon clocher,
Un pied sur la masse informe
Suffit pour le détacher;

Non le sentier des chansons,
Non la sandale des mères,
Non l’éperon triomphant,

Ni la soque de l’Ibère,
Ni la mule du Saint Père;
Mais le pied nu d’un enfant.

Q8 – xcd ccd – 7s

J’ai passé de Sicy le bois mystérieux. — 1835 (1)

Julien TraversSonnets sur le Mont st Michel in Mémoires de la Société Royale Académique de Cherbourg

I

J’ai passé de Sicy le bois mystérieux.
Sous le couteau sacré le sang d’une victime
Inondait le granit pour consulter les cieux:
Ainsi l’on préludait au jugement d’un crime.

Pendant que le druide est l’organe des dieux,
Je gravis en tremblant ta montagne sublime,
Bélinus. Car je viens pour acquitter des voeux,
Qui naguère ont sauvé mon vaisseau de l’abîme.

Ami de la nature, ô soleil, dieu du jour,
Je me dois tout entier à tes saintes prêtresses.
Leur javelots puissants m’ont valu mon retour.

Qu’un rayon de tes feux circule en mes caresses,
Et sur ce roc, enfin, tes belles druidesses
Recevront un mortel digne de leur amour.

Q8 – T21

Belinus : roi des Bretons, d’après Geoffroy de Monmouth

Le sonnet, qui jadis donnait dans notre France — 1834 (7)

Emile Péhant in Revue de Paris

Le sonnet, qui jadis donnait dans notre France
Tant de fleurs et de fruits à nos bons vieux auteurs,
Sembla long-temps sécher comme un arbre en souffrance,
Et ne produisit plus que des fleurs sans odeurs.

Mais sa sève aujourd’hui revient en abondance,
Et le fait reverdir comme aux temps les meilleurs ;
C’est plaisir de le voir monter avec puissance,
Et balancer au vent son front chargé de fleurs.

Vous de toutes ces fleurs vous cueillez les plus belles,
Sainte-Beuve et Barbier, car vous avez des ailes
Pour voler au sommet de cet arbre si haut.

Mais moi, pour mon bouquet, hélas ! je ne recueille
Que celles qu’au gazon le vent parfois effeuille ;
Aussi, pauvre bouquet, il sèchera bientôt.

Q8  T15  s sur s

Mon ami, quelquefois avez-vous vu le lierre — 1834 (5)

Charles Ducros Premières pensées

Sonnet à M. Victor Hugo

Mon ami, quelquefois avez-vous vu le lierre
Se cramponner au chêne et vivre en paix dessous ?
Avez-vous vu l’agneau suivre joyeux sa mère ?
C’est ainsi, mon ami, que je suis près de vous.

Et pour me regarder, vous voilez la lumière
Qui jaillit de votre œil, et votre œil devient doux
Comme un faible rayon qui dort dans la clairière ;
Ce regard, s’il brillait, nous consumerait tous.

Oh ! que vous êtes bon ! et quelle douce vie,
Que vivre auprès de vous ! contente est mon envie
Quand je suis avec vous, causant, vous regardant

Vous dont la voix sublime ébranle au loin la terre,
Vous dont les jours sont purs comme un lac solitaire,
Vous dont le cœur est tendre, et le génie ardent.

Q8  T15

Sommeil, fils du Silence et père du Repos, — 1832 (6)

– Jeannet Desjardins Mes souvenirs d’Angleterre

XVI – Sonnet imité de Drummond

Sommeil, fils du Silence et père du Repos,
La Paix, née de ton sein, se répand sur la terre ;
Les bergers et les rois devant toi sont égaux,
C’est toi qui des humains consoles la misère !
L’être qui respirait dans l’oubli de ses maux
Sent sous ta baguette se fermer sa paupière :
Tu refuses sur moi d’épancher ces pavots
Que tu verses sur tous d’une aile tutélaire.
Daigne étendre ta main qui sécha tous les pleurs,
J’implore ta puissance, accablé de douleurs,
Ah, viens, viens de mon cœur dissiper les alarmes !
Dieu puissant, quels qu’ils soient, dispense tes bienfaits !
Plutôt que de vivre sans connaître tes charmes,
Si tu m’offrais la mort je baiserais tes traits !

Q8  T14  sns  tr

adaptation du sonnet ‘ Sleep, silence’ child, sweet father of soft rest’.

Métrique incertaine : des ‘e muets’ à la césure aux vers 6 et 13

Oh ! que j’aime à m’asseoir au sein d’un frais vallon, — 1832 (5)

– Joseph Bard Les mélancoliques

L’aurore

Oh ! que j’aime à m’asseoir au sein d’un frais vallon,
Quand le crêpe des nuits a fait place à l’aurore !
Que j’aime à respirer sur un lit de gazon
Qu’abritent le mélèse et l’épais sycomore.

Là, les nuages d’or diaprent l’horizon,
Comme un voile du Dieu que l’univers adore,
Ici le roc altier blanchi par l’aquilon
De la pourpre du jour lentement se colore.

Je vois sur le grand lac les cygnes éveillés
Tendre leur col d’albâtre à des bords émaillés,
Ou mêler à l’azur le duvet de leurs ailes ;

Plus loin, la basilique aux gothiques cerceaux
Reflétant le soleil dans ses rouges vitraux
Briller comme un fanal des rives éternelles.

Q8  T15

Poëte ingénieux, ta muse, au vol agile, — 1832 (1)

J-B. Claray de Crest-VollandSonnet … à M. C.L. Mollevault

Poëte ingénieux, ta muse, au vol agile,
De la double colline a franchi les hauteurs.
Anacréon, Properce, et Tibulle, et Virgile
Revivent dans tes vers, applaudis des lecteurs.

Tu ne cueillis jamais une palme fragile;
Le mérite t’appelle au trône des auteurs;
Tant que vivra le goût sur ce globe d’argile,
Nos neveux rediront tes accords enchanteurs.

C’est à toi d’emboucher la trompette héroïque,
De chanter un grand roi, philosophe stoïque,
Qui fit régner Minerve où régnait le Dieu Mars.

Dans un hameau charmant, moderne Lucrétile,
Où tu sais marier l’agréable à l’utile,
Tu consacres ta vie au culte des beaux-arts.

Q8 – T15 – y=x : e=a

A toi, qui descendis, jeune encor, dans l’arène ; — 1831 (4)

Charles Lassailly in L’Almanach de Muses

Hommage

A toi, qui descendis, jeune encor, dans l’arène ;
Méprisant le vulgaire aveugle et ses bravos,
Loin de l’ornière antique où la foule se traîne,
D’une gloire précoce étonnes tes rivaux ;

A toi que, tout enfant, une belle marraine
Initiait en songe à des secrets nouveaux ;
A toi, dont le génie est un cheval sans rêne,
Car une voix t’a dit : Je sais ce que tu vaux !

A toi, qui juge seul le conquérant avide
Dont la chute ébranla son siècle encore vide.
A toi qui pouvais prendre un glaive au lieu d’un luth ;

Puis à toi, qui chantas tes chants comme un prophète,
Avec son dieu qui parle, à toi, le grand poète ;
A toi qui seras roi, Victor Hugo, Salut !

Q8  T15

On dit que sur le roc où le grand empereur, — 1831 (1)

J.J. Hosemann & P. BoucherPoésies évangéliques

Napoléon – Sonnet

L’Eternel a en abomination tout homme hautain de coeur – Prov. xvi,5

On dit que sur le roc où le grand empereur,
Jouet des trahisons, fut jeté à l’envie,
Regardant en arrière il pleura dans son coeur,
Aux amers souvenirs de sa géante vie.

Alors se présentant devant son créateur,
– Oh! que cela soit vrai! – d’une âme réfléchie,
Le pauvre prisonnier, plein d’une humble douleur,
Fit du héros tombé la morale autopsie.

L’homme comprit la loi que le roi méconnut;
Il sentit vaguement le besoin d’un salut:
Et ce volcan humain, qui remua la terre, –
Ce soldat sans égal, devant qui tout fléchit,
Son front pyramidal courbé dans la poussière,
Près la mort – qui dit vrai, – se reconnut petit!

Q8 – T14

Autrefois j’admirais, dans mes veilles, le Dante, — 1830 (4)

André Van Hasselt in Almanach des Muses

Amour & Poésie – sonnet

Autrefois j’admirais, dans mes veilles, le Dante,
Comme Orphée à son luth, enchaînant les enfers.
Shakespeare agrandissant la scène indépendante,
Et Tasse l’immortel qui languit dans les fers.

Schiller que dévora son âme trop ardente,
Homère avec sa tête où se meut l’univers;
Byron livrant sa nef à la vague grondante,
Et Virgile versant l’ambroisie en ses vers.

Et j’appelle aujourd’hui, pour faire mes délices,
Deux grands yeux, fleurs d’azur, qui penchent leurs calices
D’où tombe la rosée en gouttes le matin;

Un sein blanc qui palpite, une bouche mourante
Qui, coupant de baisers quelque phrase expirante,
Brûle mon âme avec ses lèvres de satin.

Q8 – T15