Archives de catégorie : Q15 – abba abba

Blanchisseuse aux robustes hanches, — 1881 (9)

A. GillLa muse à bibi

Pour la blanchisseuse

Blanchisseuse aux robustes hanches,
Quand avril, sur le ciel léger,
Fait les nuages voltiger,
En délicates avalanches,

J’imagine les choses blanches
Qu’après la lessive, au verger,
Les petites mains font neiger
Sur les cordes et sur les branches,

Et que jaloux de copier
Jusqu’aux détails de son métier,
Fille exquise, le ciel te singe;

Et je songe en riant: parbleu!
Voici qu’aux bords du pays bleu
Les anges font sécher leur linge.

Q15 – T15 – octo

‘Triboulet est un vrai Fol — 1881 (8)

Anatole de MontaiglonSonnets tirés de Rabelais

XLVIII – (Livre III cap. 38)

‘Triboulet est un vrai Fol
– Grimault – A la marrabaise –
– A toudie – A la grandlaise –
-De perspective – A licol –

– D’ut,ré,mi, fa, si, la, sol
– D’architreve – De cymaise
– A chaperon – De fournaise
– De béquarre – de bémol –

– Culinaire – Conclaviste –
– Modal – Marmiteur – Sommiste –
– Bigearre – A double rebras

– Collatéral – A sonnettes
– De mère-goutte – A pompettes;
– Il est fol à cent carats  »

Q15 – T15 – 7s

Sainte Thérèse veut que la Pauvreté soit — 1881 (7)

Paul VerlaineSagesse

Sainte Thérèse veut que la Pauvreté soit
La reine d’ici-bas, et littéralement!
Elle dit peu de mots de ce gouvernement
Et ne s’arrête point aux détails de surcroît;

Mais le Point, à son sens, celui qu’il faut qu’on voie
Et croie, est ceci dont elle la complimente:
Le libre arbitre pèse, arguë et parlemente:
Mais le pauvre de coeur décide et suit sa voie.

Qui l’en empêchera? De voeux il n’en a plus
Que celui d’être un jour au nombre des élus,
Tout-puissant serviteur, tout-puissant souverain,

Prodigue et dédaigneux, sur tous, des choses eues,
Mais accumulateur des seules choses sues,
De quel si fier sujet, et libre, quelle reine!

Q15  T6 abba a*b*b*a* ccd c*c*d* – (si x est une rime masculine, x* désigne la rime féminine qui s’en déduit: -oit / -oie; -ent/ -ente; -us/ -ues; -ain / eine) exemple de ce que Noël Arnaud nomme ‘rimes hétérosexuelles’

La tristesse, la langueur du corps humain — 1881 (6)

Paul VerlaineSagesse

La tristesse, la langueur du corps humain
M’attendrissent, me fléchissent, m’apitoient,
Ah! surtout quand des sommeils noirs le foudroient,
Quand des draps zèbrent la peau, foulent la main!

Et que mièvre dans la fièvre du demain,
Tiède encor du bain de sueur qui décroît,
Comme un oiseau que grelotte sur un toit!
Et les pieds, toujours douloureux du chemin,

Et le sein, marqué d’un double coup de poing,
Et la bouche, une blessure rouge encor,
Et la chair frémissante, frêle décor,

Et les yeux, les pauvres yeux si beaux où point
La douleur de voir encore du fini!
Triste corps! combien faible et combien puni!

Q15 – T30 – 11s – Rimes masculines sur mètre rare

Le son du cor s’afflige vers les bois — 1881 (5)

Paul VerlaineSagesse

Le son du cor s’afflige vers les bois
D’une douleur qu’on veut croire orpheline
Qui vient mourir au bas de la colline
Parmi la brise errant en courts abois.

L’âme du loup pleure dans cette voix
Qui monte avec le soleil qui décline
D’une agonie on veut croire câline
Et qui ravit et qui navre à la fois.

Pour faire mieux cette plainte assoupie
La neige tombe à longs traits de charpie
A travers le couchant sanguinolent,

Et l’air a l’air d’être un soupir d’automne,
Tant il fait doux par ce soir monotone,
Où se dorlote un paysage lent.

Q15 – T15 – déca

Les faux beaux jours ont lui tout le jour, ma pauvre âme, — 1881 (2)

Paul VerlaineSagesse

Les faux beaux jours ont lui tout le jour, ma pauvre âme,
Et les voici vibrer aux cuivres du couchant.
Ferme les yeux, pauvre âme, et rentre sur-le-champ:
Une tentation des pires. Fuis l’infâme.

Ils ont lui tout le jour en long grêlons de flamme,
Battant toute vendange aux collines, couchant
Toute moisson de la vallée, et ravageant
Le ciel tout bleu, le ciel chanteur qui te réclame.

O pâlis, et va-t’en, lente et joignant les mains.
Si ces hiers allaient manger nos beaux demains?
Si la vieille folie était encore en route?

Ces souvenirs, va-t-il falloir les retuer?
Un assaut furieux, le suprême, sans doute!
O va prier contre l’orage, va prier.

Q15 – T14 – banv

Désireuse des champs, ô foule, tu te rues, — 1880 (26)

Jules Christophe in Revue indépendante

Quartier de la Sorbonne
Sonnet estrambote

Désireuse des champs, ô foule, tu te rues,
Les dimanches d’été, vers les chemins de fer ;
Mais, pour goûter le frais, loin de ce bruit d’enfer,
J’aime bien mieux vaguer parmi les vieilles rues.

Comme Montaigne, moi qui, jusqu’en ses verrues
Adore la « grand-ville », à l’ombre de mon fier
Panthéon je m’enfonce, et délecte mon flair
Aux odeurs des ruisseaux. Ainsi que Coxigrues

Le nez au vent je marche, observant quelque effet
De lumière, attentif, charmé, très satisfait.
Nul passant. parfois, seule, une jeune herboriste

En toilette élégante, assise sur le seuil
De sa boutique, rêve. Après, un liquoriste
Aux lourds et chauds parfums. Je contemple d’un œil
Scrutateur les détails du paysages triste,
Et, plein de souvenirs, de chansons et des cris,
Je sens frémir en moi l’âme du grand Paris.

Q15  T14  +dff

Tous les vieux bouquins dédaignés aux couvertures désolées — 1880 (17)

Narzale Jobert Klimax


XVI ter
Césure après la 8ème syllabe
Les livres parias

Tous les vieux bouquins dédaignés aux couvertures désolées
Avec des cornes, des frisons, où la poussière gîte en paix
Sont pour moi des amis touchants, et que je passe sur les quais.
Ma main les arrache à la pluie, au chaud soleil, aux giboulées.

Mon coeur soudain s’émeut devant leurs pantomimes accablées;
Je crois les entendre me dire: « o passant, vois, je n’ai pour dais
Que le firmament gris ou bleu, je n’ai point d’illustre palais;
Je t’en supplie, emporte-moi loin de ces cases maculées.

J’entends leurs voix, leurs cris plaintifs, je les reçois sous mon manteau,
Ainsi j’abrite dans le val contre l’autour le faible oiseau.
Et ces volumes inconnus, j’en dote ma bibliothèque.

Je vous préfère bien souvent aux plus vantés de nos écrits,
O mes pauvres auteurs obscurs! …lorsque mon esprit les dissèque,
Je trouve quelque fois en eux, une perle, un joyau de prix.

Q15 – T14 – 16s (8+8) (HN° frison : Nom d’un ancienne étoffe de laine

Dans le bois mystérieux que le doux zéphyr morcelle, — 1880 (16)

Narzale Jobert Klimax

XV ter
Césure après la 7ème syllabe
La tourterelle

Dans le bois mystérieux que le doux zéphyr morcelle,
En suivant les verts sentiers parsemés d’odorantes fleurs,
Vous plaît-il d’ouïr le chant, le chant tout composé de pleurs
Qu’au fond du fourré voisin roucoule une humble tourterelle?

Peut-être m’a-t-on ravi mon cher compagnon, vous dit-elle;
Qu’est-il devenu? Je crains, je crains pour lui quelque malheur.
S’il était captif, bientôt je mourrais, sentant ses douleurs;
Mais il reviendra, j’y compte, à notre nid toujours fidèle.

Rêve trompeur! Le jour passe, et nul retour dans le bosquet,
La tourterelle au taillis glisse de bouquet en bouquet,
Appelant de cris plaintif l’Achate de la solitude.

Sur la branche aux yeux cachée, objet de leur sollicitude,
Las! Nul gosier ne répond … les oiseleurs trouvent, un soir,
La pauvrette infortunée expirante – de désespoir.

Q15 – T13 – 15s (7+8) il manque une syllabe au vers 1.

Lorsque l’hiver approche, j’aime à contempler les grues — 1880 (15)

Narzale Jobert Klimax

XIV ter
Césure après la 8ème syllabe
Les grues

Lorsque l’hiver approche, j’aime à contempler les grues
Qui vont traversant le brouillard en un tige acéré
Afin de mieux pertuiser l’air qui n’est plus azuré
Car les lumières du soleil pour lors ont disparu.

Elles palpitent au-dessus des toits, et de nos rues
Et poussent un long cri qui semble un appel timoré
A leurs compagnons dont le vol se serait arriéré.
Si quelqu’une allait faire brèche en leurs lignes si drues! …

Et cette infortune survient, hélas, plus d’une fois.
Bien souvent un chasseur rodant dans les champs, dans les bois,
Elève son arme, un coup part, et tombe une émigrante.

Soudain glisse parmi les rangs un frisson d’épouvante …
Abandonnez, ô villageois, ce trop barbare jeu,
Et laisser en paix les oiseaux gagner le ciel bleu

Q15 – T13 – 14s (8+6) (HN) pertuiser: percer (terme vieilli)