Archives de catégorie : Q15 – abba abba

Nombres des gammes, points rayonnants de l’anneau — 1872 (35)

Cabaner

Le sonnet des sept nombres

Nombres des gammes, points rayonnants de l’anneau
Hiérarchique, – 1, 2,3,4 5, 6 5, 6 7 –
Sons, voyelles, couleurs vous répondent, car c’est
Vous qui les ordonnez pour les fêtes du Beau.

La, OU Cinabre, si EN orangé, do O
Jaune, A vert, mi E Bleu, fa I violet ,
Sol U carmin .. – Ainsi, mystérieux effet,
De la nature, vous répond un triple écho,

Nombre des gammes! Et la Chair, faible, en des drames
De rires et de pleurs se délecte . – O d’Enfer,
L’aurore, la clarté, la verdure, l’Ether ?

La Résignation du deuil, repos des âmes,
Et la Passion, monstre aux étreintes de fer,
Qui nous reprend- tout est par vous, Nombres des gammes!

Q15 – T28  – Les dossiers du Musée d’Orsay – Arthur Rimbaud – 1991 – Pour sa réponse au (ou anticipation du?) ‘sonnet des voyelles’ de Rimbaud, dédié ‘à Rimbald’, Cabaner composa ce Sonnet des sept nombres  » dont les quatorze vers expriment la concordance des sept premiers nombres, des sept notes de la gamme et des sept couleurs de l’arc-en-ciel: cinabre, orangé, jaune vert, bleu, violet, carmin. Toutefois, alors que dans le poème de Rimbaud, l’A était noir, il est ici vert; l’E n’est plus blanc, mais bleu, l’O est devenu jaune, etc. . En 1886, dans son Traité du Verbe, Ghil développe l’idée expriméee par Cabaner en associant aux voyelles une couleur et un instrument de musique: ses ‘correspondances’ étaient A-noir-orgue, E-blanc-harpe, I-bleu-violon, O-rouge-cuivres, U-jaune-flûte. La dédicace  » à Rimbald » est pleinement justifiée, puisque ce poème est, de toute évidence, une réplique au sonnet des Voyelles, à moins que ce ne soit l’inverse… » (Jean-Jacques Lefrère et Michael Pakenham).

Quand le travail s’arrête et que finit le jour, —1872 (33)

Albert Mérat Les souvenirs

Les sardinières

Quand le travail s’arrête et que finit le jour,
L’obscur logis s’éclaire et la vitre étincelle.
Vers l’âtre où le souci des mères les appelle
Elles pressent le pas et hâtent le retour.

Le court fichu de laine alourdit le contour
Du sein, et l’on voit mal laquelle est la plus belle;
Mais l’égale blancheur des coiffes de dentelle
Leur donne un air claustral irritant pour l’amour.

Leurs yeux, clairs comme l’eau des vagues, vous regardent,
Les petites à vous sourire se hasardent
Et courent en mordant de grands morceaux de pain.

Et, se tenant la main comme un cortège antique,
Les grandes font, au choc d’un pas lourd et rustique
Claquer sur la pavé leurs sabots de sapin.

Q15 – T15

L’ange de l’Apocalypse, — 1872 (32)

Paul Arène et Alphonse DaudetLe Parnassiculet Contemporain

Absinthe
(Apocalypse, 10-11)

L’ange de l’Apocalypse,
Lumineux épouvantail,
Réveille l’humain bétail
Sur la montagne de gypse.

Il développe l’éclipse,
Ainsi qu’un noir éventail,
Et la planète en travail
S’arrête sur son ellipse.

L’herbe pousse au bord abject;
Elle embaume l’air infect;
Le cristal se coule et tinte;

Au fleuve l’Etoile choît,
Verte … et le poëte boit
Le poison qu’il nomme Absinthe.

Q15 – T15 – 7s

Ainsi qu’aux temps lointains où les Agonothètes* — 1872 (31)

Paul Arène et Alphonse DaudetLe Parnassiculet Contemporain

Theressa

Ainsi qu’aux temps lointains où les Agonothètes*
Provoquaient des jeux grecs les transports convulsifs,
Tu trônes, Theressa dans l’Alcazar massif,
Colonelle, au-dessus d’un océan de têtes.

Salpinx** dont les éclats font cabrer les poètes,
Sous ta lèvre s’agite un Lhomond subversif
Et ton corps sidéral a le frisson lascif
Des jaléas murciens ruisselant de paillettes.

Lors que frémit ta voix – ce cor de cristal pur, –
Dans mon coeur le Démon pousse des cris atroces,
Et fait trève au travail sourd de ses dents féroces.

C’est pourquoi je viens, Moi, qu’habite un Diable impur,
Lâchement enivrer mon âme pécheresse
Dans ton vin capiteux, sonore enchanteresse!
* Les Agonothètes présidaient aux jeux
** Trompette grecque

Q15 – T30

Lorsque j’étais petit, aux baraques des fêtes, — 1872 (28)

Ernest d’HervillyLes baisers

Le Phoque

Lorsque j’étais petit, aux baraques des fêtes,
Bouche ouverte, j’allais admirer le boa,
Et la femme sauvage enlevée à Goa,
Le veau polycéphale et le singe poète.

Mais j’adorais surtout le Phoque, étrange bête
Qu’un faux Anglais montrait en vous disant: moa! …
Avec l’accent des bords de la Bidassoa.
Un Phoque, c’est un chien dans un sac, hors la tête.

Hier, je crus le voir, là-bas, au boulevard.
« Il pince, me dit-on, du théorbe avec art ».
J’entrai. – Las, mes amis, ce n’était plus le même.

C’était bien son grand oeil à la tendresse extrême,
Et sa moustache longue en héros de roman,
Mais il ne disait plus ni papa ni maman.

Q15 – T13

A mes soixante-un ans je dois plus qu’un sonnet, — 1872 (27)

R. AgnèsLes cent sonnets

xcviii
Sonnet presque deux fois Sonnet, pour le soixante-unième anniversaire de ma naissance, 20 novembre 1872. dédié à moi-même.

A mes soixante-un ans je dois plus qu’un sonnet,
Pour me fêter à moi, le jour de ma naissance.
Tout en me promenant, voyez, je le commence;
Si je le peux finir, je serai satisfait.

Mais le premier quatrain je trouve déjà fait.
Si le second pouvait venir sans que j’y pense,
De mes faibles efforts j’aurais la récompense:
Heureux je passerais à mon premier tercet.

Lui-même se fait seul avec beaucoup d’aisance.
Le voyez-vous marcher? A grands pas il avance.
Mais voilà devant nous un joli cabaret.

Nous ne pouvons passer, Messieurs, en conscience,
Sans entrer un instant; belle est la circonstance,
Pour boire à ma santé! Mon sonnet est parfait*.

* Arrosé d’un bon vin où je n’ai point mis d’eau, / Ce dernier va trouver grâce devant Boileau /.

Q15 – T6 – y=x (c=b & d=a) – s sur s

Obscur et froncé comme un oeillet violet, — 1872 (14)

Album zutique

Rimbaud et Verlaine

L’idole.

Obscur et froncé comme un oeillet violet,
Il respire, humblement tapi parmi la mousse
Humide encor d’amour qui suit la rampe douce
Des fesses blanches jusqu’au bord de son ourlet.

Des filaments pareils à des larmes de lait
Ont pleuré sous l’autan cruel qui les repousse
A travers de petits caillots de marne rousse,
Pour s’aller perdre où la pente les appelait.

Mon rêve s’aboucha souvent à sa ventouse;
Mon âme, du coït matériel jalouse,
En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.

C’est l’olive pâmée, et la flûte caline,
Le tube d’où descend la céleste praline,
Chanaan féminin dans les moiteurs enclos.

Q15 – T15