Archives de catégorie : Q15 – abba abba

Cinq sous! C’est ruineux! Me demander cinq sous? — 1872 (13)

coll. L’album Zutique

14 zutistes

Propos du cercle

(MERAT)  Cinq sous! C’est ruineux! Me demander cinq sous?
Tas d’insolents! … (PENOUTET)  Mon vieux! Je viens du café Riche;
J’ai vu Catulle … (KECK)   Moi, je voudrais être riche. –
(VERLAINE) Cabaner, de l’eau d’aff!… (H.CROS) messieurs, vous êtes saoûls!

(VALADE) Morbleu, pas tant de bruit! La femme d’en dessous
Accouche… (MIRET) Avez-vous lu l’article sur l’Autriche? …
Dans ma revue?…(MERCIER) Horreur! Messieurs, Cabaner triche
Sur la cantine (CABANER) Je.. ne.. pu.. is répondre à tous!

(GILL) Je ne bois rien, je paye!  Allez chercher à boire,
Voilà dix sous! (A.CROS) Si! Si! Mérat, veuillez m’en croire,
Zutisme est le vrai nom du cercle! (CH.CROS) En vérité,

L’autorité, c’est moi! C’est moi l’autorité ..
(JACQUET) Personne au piano! C’est fâcheux que l’on perde
Son temps, Mercier, jouez le Joyeux Viv…… (RIMBAUD) Ah! merde!

Q15 – T13

Nos fesses ne sont pas les leurs. Souvent j’ai vu — 1872 (11)

Rimbaud les stupra

Nos fesses ne sont pas les leurs. Souvent j’ai vu
Des gens déboutonnés derrière quelque haie,
Et dans ces bains sans gêne où l’enfance s’égaie,
J’observais le plan et l’effet de notre cul.

Plus ferme, blême en bien des cas, il est pourvu
De méplats évidents que tapisse la claie
Des poils; pour elles, c’est seulement dans la raie
Charmante que fleurit le long satin touffu.

Une ingéniosité touchante et merveilleuse
Comme l’on ne voit qu’aux anges des saints tableaux
Imite la joue où le sourire se creuse.

Oh! de même être nus, chercher joie et repos,
Le front tourné vers sa portion glorieuse
Et libres tous les deux murmurer des sanglots.

Q15 – T20  – Le mot ‘cul’ employé pour rimer en ‘u’ est une vieille licence; certains d’ailleurs écrivent ‘cu’.

Les anciens animaux saillissaient, même en course, — 1872 (10)

Rimbaud

Les stupra

Les anciens animaux saillissaient, même en course,
Avec des glands bardés de sang et d’excrément.
Nos pères étalaient leur membre fièrement
Par le pli de la gaine ou le grain de la bourse.

Au moyen âge pour la femelle, ange ou pource,
Il fallait un gaillard de solide grément;
Même un Kléber, malgré la culotte qui ment
Peut-être un peu, n’a pas dû manquer de ressource.

D’ailleurs l’homme au plus fier mammifère est égal;
L’énormité de leur membre à tort nous étonne;
Mais une heure stérile a sonné: le cheval

Et le boeuf ont bridé leurs ardeurs, et personne
N’osera plus dresser son orgueil génital
Dans les bosquets où grouille une enfance bouffonne.

Q15 – T20

J’aimais autrefois la forme païenne; — 1871 (12)

Parnasse contemporain, II

Théophile Gautier

Sonnet

J’aimais autrefois la forme païenne;
Je m’étais créé, fou d’antiquité,
Un blanc idéal de marbre sculpté
D’hétaïre grecque ou milésienne.

Maintenant j’adore une italienne,
Un type accompli de modernité,
Qui met des gilets, fume et prend du thé,
Et qu’on croit anglaise ou parisienne.

L’amour de mon marbre a fait un pastel,
Les yeux blancs ont pris un ton de turquoise,
La lèvre a rougi comme une framboise,

Et mon rêve grec dans l’or d’un cartel
Ressemble aux portraits de rose et de plâtre
Où la Rosalba met sa fleur bleuâtre.

Q15 – T30 – tara

O timide héros oublieux de mon rang, — 1871 (10)

coll. Le Parnasse Contemporain, II

Nina de Callias

Tristan et Iseult

Iseult
O timide héros oublieux de mon rang,
Vous n’avez pas daigné saluer votre dame!
Vos yeux bleus sont restés attachés sur la rame.
Osez voir sur mon front la fureur d’un beau sang.

Tristan
J’observe le pilote assoupi sur son banc,
Afin que ce navire où vient neiger la lame
Nous conduise tout droit devant l’épithalame.
Je suis le blanc gardien de votre honneur tout blanc.

Iseult
Qu’éclate sans pitié ma tendresse étouffée!
Buvez, Tristan. Je suis la fille d’une fée:
Ce breuvage innocent ne contient que la mort.

Tristan
Je bois, faisant pour vous ce dont je suis capable.
O charme, enchantement, joie, ivresse, remord!
Il renferme l’amour, ce breuvage coupable.

Q15 – T14 – banv

Tout poète, en loyer, reçoit de la nature — 1871 (4)

Joséphin Soulary Oeuvres poétiques


Assez riche

Tout poète, en loyer, reçoit de la nature
Un domaine idéal que défriche l’esprit.
Je n’obtins qu’un arpent, mais ce lot me sourit;
Qu’un plus riche à tenter l’infini s’aventure!

Dans mon jardin, bordé d’une étroite clôture,
Croît le pampre sacré, l’épi dru qui nourrit,
La fleur qui plaît aux yeux, le simple qui guérit;
Un dieu mignon bénit ma petite culture.

Moins d’espace me fait nécessité du choix.
Plusieurs jets m’advenant, j’en tranche deux ou trois,
Le terrain s’agrandit de la place émondée;

Si bien qu’à force d’art et de soins obstinés,
A la fin, j’ai du sol en excès, – et, tenez!
Il me reste ce vers à semer d’une idée.

Q15 – T15

Dans mon coeur indolent, prompt à se dessécher, — 1871 (3)

Joséphin Soulary Oeuvres poétiques

Là-bas

Dans mon coeur indolent, prompt à se dessécher,
Le souvenir d’hier laisse une trace à peine:
Mais de ses bords lointains l’enfance me ramène
Un souvenir dont rien ne peut me détacher.

Paysage naïf, que j’aime à t’ébaucher!
Rends-moi ma soeur de lait, la brune Madeleine,
Et tous nos biens à deux, boutons d’or dans la plaine,
Nids chanteurs dans les bois, feux au coin du rocher:

Et son beau taureau blanc, et Néra ma génisse,
Fiers lutins qui souvent, trompant notre oeil novice,
S’égaraient par les blés qu’avait dorés Juillet;

Et ce calme enivrant des blondes nuits sans voiles
Quand, sa main dans ma main, nous rêvions aux étoiles,
Sur le seuil de la ferme où l’âtre pétillait.

Q15 – T15

Je n’ai d’ami qu’un chien. Je ne sais pour quels torts, — 1871 (2)

Joséphin Soulary

Un Ami

Je n’ai d’ami qu’un chien. Je ne sais pour quels torts,
De ma main, certain jour, il reçut l’étrivière.
Ce chien me repêcha, le soir, dans la rivière;
Il n’en fut pas plus vain, – moi, j’eus bien des remords.

Nous ne faisons, depuis, qu’un âme dans deux corps.
Lorsqu’on m’emportera sur la triste civière,
Je veux que mon ami me suive au cimetière,
Le front bas, comme il sied au cortège des morts.

On comblera ma fosse. Alors, ô pauvre bête,
Las de flairer le sol, de mes pieds à ma tête,
Seul au monde, et tout fou de n’y comprendre rien,

Tu japperas trois fois; – je répondrai peut-être.
Mais si rien ne répond, hélas! c’est que ton maître
Est bien mort! couche-toi pour mourir, mon bon chien!

Q15 – T15

Est-ce cultiver l’art que bâtir avec peine — 1870 (9)

P.Garreau in Académie Belles-Lettres La Rochelle

Le sonnet

Est-ce cultiver l’art que bâtir avec peine
Un sonnet où la muse a pour tout horizon
Quatorze pas, les murs étroits d’une prison ?
Est-ce le cultiver que de forcer la veine

A fournir quatre fois, d’abord, la rime pleine,
En huit vers attelés d’une étrange façon ?
Si c’est là de la rime, est-ce de la raison ?
Ah ! ne confondons pas la règle avec la chaîne !

Qui nous délivrera du factive dans l’art,
Des tours de passe-passe, et des femmes à fard,
Des adroits qui voudraient remplacer le poète ?

Quand j’ai fait un sonnet, je me sens au niveau
D’un bateleur expert ou d’un habile athlète …
Mais c’est là trahir l’art et le culte du beau !

Q15  T14 – ba,v –  s sur s

Despréaux, on te blâme, ô fier législateur, — 1870 (1)

Louis de VeyrièresMonographie du sonnet , tome II – Quatre-vingt sonnets –

Le Sonnet-phénix

Despréaux, on te blâme, ô fier législateur,
Depuis le grand lettré jusqu’au petit bohême!
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème
Tu dis, et de ton vers je me fais l’éditeur!

Je rêvais mieux, hélas! mais quel barde enchanteur
Prendra dans ton blason le poétique emblême,
Et sera, résolvant mon pénible problème,
D’un parfait idéal l’heureux imitateur?

Car le sonnet-phénix coule plein d’harmonie;
Sa rime est ciselée; un éclair de génie
En trace le sujet à la fois doux et beau,

Pour charmer tour à tour, par des splendeurs pareilles,
– Eussè-je un pied déjà sur le bord du tombeau
Mon esprit et mon coeur, mes yeux et mes oreilles!

Q15 – T14 – banv – s sur s