Archives de catégorie : Reprise de rimes

Des vers des quatrains sont reprise dans les tercets

Un regret plus mouvant que la vague marine — 1912 (3)

Charles PéguyLes sonnets

L’épave

Un regret plus mouvant que la vague marine
A roulé sur ce cœur envahi jusqu’au bord.
Un jour plus solennel que le jour de la mort
S’est levé sur le foc et sur la brigantine.

Un espoir plus étroit que la voile latine
Portera-t-il jamais jusqu’au recreux du port,
Fera-t-il pénétrer jusqu’au secret du sort
La nef aux bois courbés coupés sur la colline.

Quand le juste pilote a déserté le nord,
Hommes laisserons-nous cette main enfantine
Saisir le gouvernail et redresser le tort.

Quand le vieux capitaine est tombé de son fort,
Laisserons-nous la voix apparemment mutine
Commander par tribord, par bâbord, et sabord.

Q15 – T17 – y=x (c=b & d=a)

Au-delà de l’Araxe où bourdonne le gromphe, — 1911 (3)

Philippe Berthelot in Philippe Martinon Dictionnaire méthodique et pratique des rimes françaises

« … triomphe, l’exemple ordinaire des mots sans rimes, n’aura pas de rime ici, puisqu’il n’en pas dans l’usage. *
* Nous citerons pourtant, à titre de curiosité, le sonnet suivant, de M. Philippe Berthelot

Alexandre à Persépolis 330 av J.C.

Au-delà de l’Araxe où bourdonne le gromphe,
Il regardait, sans voir, l’orgueilleux Basileus,
Près du rose grandit que poudroyait le leuss,
La blanche floraison des étoiles du romphe .

Accoudé sur l’Homère au coffret chrysogromphe,
Revois-tu ta patrie, ô jeune fils de Zeus,
La plaine ensoleillée où roule l’Aenipeus,
Et le marbre doré des murailles de Gomphe?

Non! le roi qu’a troublé l’ivresse de l’arack,
Sur la terrasse où croît un grêle azédarac,
Vers le ciel, ébloui du vol vibrant du gomphe

Levant ses yeux rougis par l’ivresse et le vin,
Sentait monter en lui comme un amer levain
L’invincible dégoût de l’éternel triomphe.

Q15 – T15 –  y=x ( d=a ) – – Cet exemple nous a été signalé par mr J.Cl. Milner.(JR)

L’exquise Bouquetière aux sourires discrets, — 1905 (16)

Emile Boissier in Les Fééries interieures (2008)

LA CAMARGO A Mme SAINT POL ROUX.

L’exquise Bouquetière aux sourires discrets,
Camargo, la danseuse adorable, c’est Elle !
Sa main pâle, doigts fins, nous offrant des oeillets
S’enrubanne au frisson câlin de la dentelle.

Fanfreluchés un peu sous le bleu des lacets
Vers le tulle mutin givré de brocatelle,
On devine en leur grâce éblouissante et frêle
Ses seins blancs et neigeux enclos au corselet.

Une toque, enfantin caprice, à son oreille
Se penche, bride au vent, sur ses cheveux poudrés
Et ses yeux sont naïfs et sa bouche vermeille.

Dans la pourpre du soir tendre et crépusculaire,
Avec le charme doux de ses longs cils nacrés
La belle au front câlin s’ingénie à nous plaire

Q9  T24  y=x (d=a)

La main sur sa rapière, un grand reître à panache, — 1903 (2)

– Le docteur Henri FischerSonnailles et chansonnailles – Chants et sonnets …

Toiles- Un Roybet

La main sur sa rapière, un grand reître à panache,
De satins chatoyants fièrement s’enharnache.
Soudard, il guerroya des Flandres au Maroc.
Un hanap fait invite à sa moustache en croc.

Un Moine près de lui, glabre et gras sous le froc
Sourit dévotement au flacon de Grenache
Rutilant entre eux deux. Le Moine et le Bravache
Sont frères en Bacchus. Pour mieux humer le broc

Gourmands, dont le gosier du bon vin s’amourache
Tout au fond du cellier sombre, leur soif se cache
Entre les lourds piliers ouvragés à plein roc.

On sent, tant leur regard sur le flacon s’attache
Que l’homme au goupillon et l’homme à la rondache
Vont trinquer vaillamment jusques au chant du coq.

Q4 – T6 – y=x (c=a, d=b)  – sur deux rimes (rares)

Aux invisibles bords du ru de la Gabelle, — 1901 (11)

José -Maria de Hérédia Oeuvres: reliquat; vers de circonstance

Sonnet libertin

Aux invisibles bords du ru de la Gabelle,
Dont le chemin de fer a détourné le cours,
Avec ma chère, avec ma douce, avec ma belle,
Nous allions, en tenant de suaves discours.

Soudain elle s’élance. Alors moi: – Pourquoi cours
– Tu? Tu vas trop vite; qu’as tu donc Isabelle?
Il faut garder aux champs la démarche des cours!
Je crus qu’elle volait pour cueillir des ombelles.

Tout à coup, ô stupeur! elle va s’accroupir
Au talus gazonné du petit précipice.
Que fais-tu? m’écriai-je. Elle me dit: Je pisse.

Le vent gonflait sa jupe avec un lent soupir
Et je vis, écumant à la rive rebelle
Sourdre une autre Naïade au ru de la Gabelle.

Q11 – T30 – y=x (e=b) – Un Hérédia peu connu, « libertin » par le traitement non classique de l’alexandrin et la disposition des rimes bien éloignée de celle des Trophées

Et puis en somme, et malgré tout, — 1900 (12)

Camille Mauclair Le sang parle


Epilogue,     III

Et puis en somme, et malgré tout,
Que j’aie été mauvais ou fou,
Voici des vers et des pensées
Qui vous seront fruits et rosées.

Voici bien des choses blanches,
Toute lueur qui fut en moi,
Toute la source qui s’épanche,
Et mon cœur aride en fait foi.

Franchissez-vous, goûtez l’arôme,
Que votre cœur vous soit très doux!
Entendez la source qui pleure …

J’étais le verre, et voici le baume,
Le flacon est brisé, parfumez-vous,
Mon glas ne sonne pas votre heure …

Oubliez-moi, mais aimez-vous.

Q56- T36 + d –   y=x (d=a) – 15v  octo

Dans l’église où jadis, en pieux appareil — 1898 (12)

Paul Reboux Les iris noirs

Vitrail

Dans l’église où jadis, en pieux appareil
Inclinant son beau front qu’effleura l’eau bénite,
Elle s’agenouillait et, son oraison dite,
De Monseigneur Jésus invoquait le conseil.

La haute châtelaine est encore présente,
Car, maints jointes, dormant de l’éternel sommeil,
Le granit du tombeau nous la montre gisante.

Elle est morte, pourtant, lorsqu’un rai de soleil
Traverse les rideaux et se glisse vers elle,
Son doigt semble étoilé d’une gemme nouvelle,
Son manteau resplendit comme un brocart vermeil,

Un reflet d’améthyste anima la paupière
Et l’on voit refleurir – miraculeux réveil –
Un sourire écarlate à sa lèvre de pierre.

abba cdc ab’b’a ede, y=x: d=a – Avec cette notation de la formule de rimes, le poème est un candidat à la rigueur acceptable pour une disposition Q1 T1 Q2 T2 (qui pourrait être également Q1 T2 Q2 T1).

Est-ce pour toi que ma voix pleure — 1895 (12)

Alban Roubaud Pour l’idole

Désir

Est-ce pour toi que ma voix pleure
Et se fait douce infiniment ?
Est-ce toi qui fait mon tourment,
Est-ce ton regard qui me leurre ?

Si ma bouche jamais n’effleure
Ni ne clôt ta bouche qui ment,
Est-ce pour toi que ma voix pleure
Et se fait douce infiniment ?

Quel charme exquis se subtilise
En lequel mon âme s’enlise
Et se meurt d’attendrissement ?

Mon désir grandi avec l’heure,
Et je suis à tes pieds, vraiment …
Car c’est pour toi que ma voix pleure.

Q14  T14  octo  y=x (d=b & e=a)  v.refrains : 1-2

Mystérieux hanteurs aimés des tubéreuses — 1993 (20)

Georges Fourest in L’Ermitage

Pour cueillir les narcisses
Mystérieux hanteurs aimés des tubéreuses (Joseph Declareuil)

O nymphes, j’ai flétri la fleur de Bételgeuse :
Nymphes, les nymphéas abhorrés de l’Amour !
Candide, j’ai cueilli vos corolles neigeuses,
Frigides nénuphars abhorrés de l’Amour !

Tel un glaïeul glissant au sanglot de l’eau glauque,
J’effeuille cette fleur qui fut l’enfant Narcisse ; –
Et le fleur descendait au sanglot de l’eau glauque
Et les blancs Corydons chantaient leurs Alexis !

Magdeleines, gardez pour les Jésus futurs,
Gardez le cinnamone et les philtres d’Amour.
Leurs cheveux essuieront tes pieds, ô Dieu futur !

Pour moi, dans le miroir sanglotant de l’eau glauque, –
Parmi les nymphéas abhorrés de l’Amour ;
J’effeuillerai la fleur qui fut l’enfant Naricsse !

Q59  cdc xdy y=x (d=b & x=a’ & y=b’)  mots-rimes et vers repris

Sur les fleurs a glissé la brise matinale. — 1893 (17)

Robert de Flers in Le Banquet

Aube

Sur les fleurs a glissé la brise matinale.
Des nuages légers rêvent au bord des eaux,
Tandis qu’incendiant les grands lys des côteaux
L’aube vient iriser leur blancheur nuptiale.

La douceur des clartés, la pâleur liliale
Des nuances, les chants murmurés des ormeaux
Ont quitté les sous-bois, où les joyeux ruisseaux
On repris leur gaîté qu’un rire clair signale.

Et les rêves ont fui le parfum des berceaux
Que n’accompagnent plus les sanglots des oiseaux,
Dont la douceurs flottait dans la nuit musicale.

Qu’importe leur départ vers des pays nouveaux,
Puisque tes bras noués me sont de chers tombeaux
Et que ta lèvre encore est douce et virginale.

Q15  T6  y=x (c=b & d=a) Poème dans un goût différent de celui de Miquette et sa mère (avec Gaston-Armand de Caillavet), Les Vignes du  Seigneur ( avec Francis de Croisset ((serait-ce dans le film tiré de cette pièce que Victor Boucher prononce la célèbre réplique : « Einstein qué ballot ! « )  ou encore Ciboulette (avec le même et une musique de Reynaldo Hahn